Aujourd’hui, je me lève. Printemps aux fenêtres. Ça fait un bien fou après un hiver long et noir. T’sais le genre de matin ou t’as juste envie d’ouvrir toutes les fenêtres pour laisser l’air frais transformer la maison. Une belle journée-là ! J’avoue que je suis du genre à être rapidement émerveillée. Mais celle-là, je pense que c’est une vraie. Une vraie belle journée de mars.

Je m’empresse donc de faire ça. Ouvrir mon bonheur aux fenêtres. Ou les rideaux. Même affaire. Pis après, je déjeune en écoutant l’amour est dans le pré. J’avais oublié que c’était hier soir. Je me reprends paisiblement ce matin, dans le calme du salon. Le calme, mais pas totalement puisque tu bouges sans cesse dans mon ventre. Je suppose que t’aimes ça, toi aussi, voir du monde s’aimer. Pis peut-être aussi que t’aimes rigoler des blagues de Katherine Levac. Comme moi. 

J’aime ça, m’imaginer que t’aimes la vie autant que moi. Que tu seras un humain enjoué et peut-être même un peu tannant ! Ça l’air que la vie passe trop vite pour être triste. Quelqu’un m’a déjà dit ça, pis j’ai décidé de le prendre pour du cash. J’en profite. Pas tout le temps, parce que t’sais, la positivité toxique c’est poche, mais quand ça se présente. J’aime la vie.

Oups, un appel. Qui est-ce qui peut bien m’appeler d’un numéro masqué ?

 « Oui, allô ? » 

« Bonjour Madame. C’est l’hôpital. Vous aviez rendez-vous ce matin… »

« Oh non. Pas vrai ? J’y ai pensé toute la semaine et maintenant que c’est la bonne journée j’ai complètement oublié.”

Ah ouais, parce que depuis que t’es là mon p’tit-homme, je pense que t’as pas juste volé mon cœur. T’as aussi volé mon cerveau. Imagine, je suis tellement rendu dans la lune que ça m’arrive de régler la minuterie du four à mi-cuisson pour revirer mes muffins de bord. Ah pis aussi, une fois j’ai mis ma tranche de pain dans le four micro-onde pour me faire une bonne toast. Je me trouve bien drôle surtout quand ton père me voit faire. Il est tellement comique lui aussi. J’ai hâte que tu le rencontres pour vrai.

Je me trouve bien drôle avec mes oublis

Sauf que les vraies mamans qui ont déjà des enfants m’ont dit que ça ne reviendrait jamais. OUIN. Tu vas le garder mon cerveau ça l’air. Je t’avoue que là, je commence à avoir peur. Pas peur de ne plus retrouver mon état d’avant. Mais peur parce que je commence à comprendre à quel point tu vas avoir de l’emprise sur moi. Toi, le petit humain en devenir.

« Si vous voulez, madame, venez-vous-en. On va vous passer quand même. On vous prendra quand vous allez arriver ».

« C’est parfait. J’arrive. J’habite tout près de l’hôpital. Je me dépêche ! »

Je l’aime cet hôpital-là. Malgré les conditions de marde du réseau de la santé, y’a plein de gens dévoués qui y travaillent encore. Pis en prime y’en a même qui ont l’air heureux d’y être. C’est peut-être parce que c’est neuf ? Ou peut-être parce qu’il y a plein de fenêtres ?

« Bonjour Madame. Vous pouvez vous changer. Voici votre jaquette. »

« Merci. J’y vais tout de suite. »

« Quand vous serez prête, vous viendrez vous asseoir devant la salle, juste ici. »

« Parfait. »

C’est doux quand même des jaquettes d’hôpital

On va se le dire. Y’a pas mille et une sortes de vêtements de grossesse confortable. Alors quand tu troques tes vieux leggings pis ta camisole pas assez longue pour une jaquette à fesses — comme je les appelle gentiment — c’est un sentiment assez l’fun. Le seul hic, c’est que c’est one size. Même avec mon mini humain dans le bedon, faut comme que je fasse deux tours de mon corps avec les cordons. Ce n’est pas que je n’ai pas envie qu’un inconnu puisse me voir les craques à travers mon tissu bleu fétiche. Mais malgré ma petite taille et mes courbes aux bonnes places, je suis quand même une personne pudique. J’aime mieux faire plusieurs tours et ficeler un œuvre plus ou moins abstraite avec mes cordons. En plus, ça passe le temps dans la salle d’attente. Ça t’aide à te concentrer, à la place de réfléchir au fait que t’es quand même assez vulnérable habillée comme ça.

« Madame, vous pouvez entrer. Docteur Lemay est prête à vous recevoir. »

« Oui, j’arrive ! »

Ici y’a un peu de blabla

On me demande comment je vais, comment se sont passées les dernières semaines. Si j’ai eu des pertes anormales, des maux de ventre, des saignements, etc. Mais honnêtement les dernières 4 semaines se sont vraiment bien déroulées. Rien d’anormal à signaler. Bébé bouge toujours autant, en plus. Je pense bien que tout va bien.

Alors ma chère gynécologue se met à m’ausculter. Pis là, elle me demande de forcer un peu. Elle me dit : « fais comme si tu allais à la selle ». Ce que je fais. Je suis bonne là-dedans aussi. Parce que bon, pour une intolérante au lactose, je consomme un peu trop de lactose. En bref, c’est joyeux pour l’âme le fromage, mais pas tant pour mon colon. Je vous épargne les détails.

Pis c’est là que le moment redoutable arrive. Ici, dans la salle de gynéco assez sombre, que j’apprends ça. Drôle de coïncidence, me direz-vous. À cette place-là, on ne voyait pas la belle luminosité extérieure. Ben oui, j’y ai pensé, mais c’est vraiment plus pour une question technique qu’il fait sombre là-dedans. Pour les machines. Pas parce que c’est une place qui est supposée être triste. Personnellement, je trouve aussi que c’est une ambiance plus conviviale pour te retrouver les jambes écartées devant quelqu’un que tu ne connais pas. C’est n’est pas que les néons d’un blanc éclatant nous donnent mauvaise mine, mais tout de même. Ça reste peu flatteur. De toute façon, je ne peux pas blâmer le soleil, ce n’est pas sa faute. Ni de la mienne. Ni de la tienne.

La partie 2 sera disponible ici dès le 26 mai 2022

Image de couverture par Christian Bowen
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