Je n’ai jamais fumé la cigarette ni même testé de vapoteuse. Malgré le fait que certains autour de moi s’y soient prêtés, ça ne m’a jamais tenté d’essayer. Même que je n’ai jamais compris pourquoi les gens commencent et surtout continuent.

Pourtant, le vapotage est omniprésent autour de nous et je me demande, à quel besoin est-ce que ça répond?

La cigarette électronique devait initialement servir d’alternative pour aider les fumeurs à réduire ou à cesser leur consommation de tabac. C’était avant que ça ne devienne, toutes tranches d’âges confondues, aussi populaire. Selon la dernière enquête canadienne sur le tabac et la nicotine de Statistique Canada, 53% des Canadiens de 25 ans et plus ont affirmé vapoter pour réduire ou arrêter de fumer la cigarette. On en comprend que, pour certains, la cigarette électronique est perçue comme outil potentiel pour arrêter de fumer.

Je n’ai jamais eu envie d’essayer, mais à un certain moment, je trouvais que ça faisait « cool ».

On n’a qu’à imaginer un Clint Eastwood au regard sombre, chapeau de cowboy et cigarette à la bouche. Ou encore Thomas Shelby de la série Peaky Blinders, ayant toujours une cigarette à la main ou au coin de la bouche. Je m’imagine mal celle-ci remplacer par une vapoteuse électronique saveur fruit de la passion.

Pourtant c’est bien ce qui se passe. L’image du fumeur ténébreux, celle façonnée par des décennies de cinéma et de publicité, est en train de muter.

Aujourd’hui on allume plus une cigarette d’un geste assuré; on aspire discrètement une bouffée de vapeur aux arômes sucrés, parfois dans un nuage dense qui sent la barbe à papa ou le mojito. Une transformation qui frôle l’absurde quand on y pense.

Mais alors qu’est-ce qui pousse autant de gens vers la vapoteuse?

Si elle a d’abord été inventée comme une béquille pour décrocher du tabac, elle est rapidement devenue un objet de consommation en soi. Elle attire par son design, ses saveurs infinies, son côté techno et, surtout, par cette promesse d’être une alternative « moins pire ». Moins de goudron, moins de toxines, moins d’odeur imprégnée sur les vêtements. Un compromis séduisant pour ceux et celles qui ne veulent pas vraiment arrêter, mais qui veulent se donner meilleure conscience.

Un des problèmes, c’est qu’en minimisant les risques, on banalise l’usage.

Et ce qui devait être une transition devient une nouvelle habitude. Chez les jeunes, notamment, la cigarette électronique a ouvert une porte que beaucoup n’auraient peut-être jamais franchie autrement. Vapoter n’a pas l’air aussi dangereux que fumer. Et on peut s’endormir en toute tranquillité en n’ayant jamais la crainte de mettre le feu avec une cigarette oubliée. La vapoteuse est ludique, accessible, presque inoffensive en apparence. Et ça donne le résultat qu’un nouveau public s’y met, non pas pour arrêter de fumer, mais par curiosité ou pour suivre la « vibe ».

Mais la dépendance, elle, n’a pas disparu. La nicotine est toujours là, à différentes concentrations, aussi addictives qu’avant. On se retrouve donc avec une génération qui ne fumait pas et qui, aujourd’hui, ne peut plus se passer de sa vapoteuse. En cherchant à régler un problème, on en a créé un autre.

Alors, vapoter, solution ou illusion?

Sans doute un peu des deux. Une solution, peut-être, pour ceux qui cherchent sincèrement à arrêter le tabac et qui l’utilisent comme outil de transition. Une illusion, assurément, pour ceux qui croient y voir une solution anodine, sans conséquence.

Parce qu’au fond, changer la forme ne change pas le fond: la dépendance reste la même.
Image de couverture de Chiara Summer
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