Mercredi dernier au Centre du théâtre d'aujourd'hui, j'ai assisté à la première médiatique de «Lequel est un Basquiat». J'avais vraiment hâte de vous en parler. Vous savez, certaines rencontres nous marquent de manière indélébile. Cela a été le cas pour moi avec Philippe Racine, je vous explique pourquoi.

Un artiste multidisciplinaire

J'avais eu l'occasion de le voir évoluer dans son interprétation d'Antigone, il était déjà le seul comédien, mais ici il s'y prend un peu différemment. Il se fait à la fois DJ, acteur, musicien, conteur, metteur en scène et en plus il donne vie à plusieurs personnages. Tout cela concentré en 1h 30. Intense! Du coup, tous nos sens sont en éveil, excepté le goût et l'odorat, mais je le remplacerai par l'imagination. Parce qu'il nous pousse à réfléchir sur les peintures de Basquiat. Vous vous doutiez bien que l'on parlait d'art dans cette pièce très originale. On pénètre dans le monde de Samy, un jeune artiste talentueux qui devient maître faussaire. Il arrive tellement à les reproduire que les différencier devient difficile. D'où le titre ! Ceci permet ainsi à Philippe Racine de traiter du thème de l'identité.

Source de la vidéo: Emy Nzau

Identité et manque de représentativité

Mais avant tout. Connaissez-vous Jean-Michel Basquiat? C'est un peintre américain d'origine portoricaine et haïtienne, prodige de l'art contemporain considéré comme un disciple d'Andy Warhol. Mort à 27 ans d'une overdose. Racine le découvre pendant ses études, grâce à un ami, et ce peintre ne cessera de le hanter. Et il le dit très bien, cette oeuvre est née de ses frustrations et, en effet, on ressent de la colère. Et il y a de quoi! Encore aujourd'hui, la présence des artistes noirs au Québec, et dans d'autres sphères d'ailleurs, est loin d'être représentative. Le but de mon texte aujourd'hui n'est pas de lancer un débat, mais, honnêtement, personne ne peut sortir de cette salle de spectacle sans se questionner. Sans être révolté. Pourquoi les Noirs et autres minorités doivent-ils constamment se battre pour faire reconnaître leurs droits? Je vous laisse répondre.

Source de l'image: Valérie Remise via Centre du théâtre d'aujourd'hui.

Une colère maîtrisée

L'oeuvre de Basquiat a permis au comédien de canaliser sa colère et d'avoir un modèle qui lui ressemble plus ou moins. Parce que c'est aussi une histoire d'amour-haine entre ces deux-là. Racine ne se présente pas en victime, mais pose des questions. Peut-on se sentir un Québécois authentique alors que l'on se fait sans cesse demander: d'où viens-tu? Est-on vraiment Québécois même si nos parents viennent d'ailleurs? C'est à ce moment-là que je me suis dit: wow, l'histoire de Philippe, de parents haïtiens, c'est un peu la mienne. Je dis souvent que je suis de là où je pose mes valises. C'est vrai, car je suis devenue citoyenne du monde, étant née en Italie grandie en France, de parents congolais, je ne me sens réellement aucune appartenance particulière. Je suis certainement un mélange de toutes ces cultures. D'où la question de l'identité si bien traitée par Racine. Si l'on revient à Samy, qui imite si bien Basquiat et qui gagnera ainsi beaucoup d'argent, il a bien du mal à se rappeler qui il est tant il voudra incarner le célèbre peintre. Ce jeu dangereux le mènera-t-il à sa perte?

«Lequel est un Basquiat», texte, musique et mise en scène de Philippe Racine. Présenté jusqu'au 1er octobre au Centre du théâtre d'aujourd'hui.

Image de couverture: Centre du théâtre d'aujourd'hui
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