Je me suis levée un matin avec l’envie de comprendre le mystère du « cul pour du cul ». Du haut de mes cinq pieds deux, j’ai décidé que moi, une simple mortelle, allais percer l’énigme de la sexualité. Sans études sur le sujet, sans diplôme, sans titre… Et honte à moi, sans expérience personnelle « sur le terrain ». J’avais par contre potassé par le passé plusieurs bouquins documentant le sujet du couple, de l’amour, de le sexe et des relations amoureuses. Passionnée de livre, j’ai aussi à mon actif la lecture des centaines de romans où le thème est détaillé.

On a les défauts de nos qualités, peut-être que si je voulais percer ce mystère, c’était parce que je ne l’avais jamais vécu moi-même. L’inconnu est attirant… Remontons le temps afin que je vous explique ma réalité. Du plus loin que je me souvienne, il n’a jamais été question de sexualité à la maison. De voir à la volée ma mère ou mon père nu ne m’est jamais arrivé. De les apercevoir s’embrasser même, je n’ai pas mémoire. Je n’ai jamais vu un corps de femme ou d’homme dans un livre pour enfant enseignant les mystères d’Adam et Ève. Nous avions la collection des livres de Disney et ça se résumait à ça. J’imagine que mes parents ne m’ont jamais expliqué parce qu’ils ne savaient juste pas trouver les bons mots, ou étaient trop gênés pour arriver à les dire. Et aujourd’hui trente ans plus tard, je ne peux pas non plus en discuter avec eux, je risquerais de leur faire faire une syncope.

Parlons de la base, des plaisirs solitaires… De masturbation, nous n’avons jamais discuté… J’ai appris seule que le jet de la piscine arrivait à me procurer une certaine excitation. Il suffisait que je me place d’une certaine façon et je parvenais à atteindre un orgasme. C’était jusqu’à ce que mes parents le remarquent, en me disant (criant) que je n’avais pas d’affaire là. Oups C’était donc mal si je ne pouvais le faire? Plus tard, j’ai trouvé le « moyen » de me donner cette extase seule. Or, à chaque fois je me sentais coupable et promettais au « petit Jésus » que c’était la dernière fois. Mes parents ne parlaient pas de sexualité, ou de religion, mais m’avaient expliqué lorsque j'étais jeune que je n’avais qu’à lui demander (petite fille j’étais, petit Jésus je me référais) de me pardonner mes péchés. Il y en aura eu une couple de discussions entre le petit saint et moi. Donc déjà jeune, j’ai commencé ma vie en ayant en tête que le sexe était mal…

Vint un moment où je commençai à voir mon corps changer. Je débutais à avoir un duvet sur la vulve (notons ici que je suis quasi en transe de malaise juste à écrire le mot), et que mes seins commençaient à poindre. J’étais donc seule avec moi-même, personne avec qui discuter de ces changements dans mon corps. Heureusement pour moi, mes premières menstruations ont eu lieu chez mon père et ma belle-mère du temps (merci Manon). Ils m’ont alors expliqué les rouages de ce passage à la possibilité de procréer, allant même jusqu’à me « mimer » la façon d’utiliser un tampon. (Eh non, je n’aurais jamais pu imaginer que je devais entrer en moi, seule, un corps étranger.) À mon retour chez ma mère à la fin de l’été, j’ai retrouvé mes copines et nous allions commencer un nouveau chapitre ne notre vie; le secondaire.

Un évènement m’a alors marqué pour toujours. À la fin de l’été, c’était une « tradition » pour mes amies et moi d’aller à Expo-Québec. Jusqu’à cette année où « Vlan », elles me dirent que comme je ne portais pas de soutien-gorge, je ne pourrais les accompagner cette année. Qu’elles avaient l’intention de « cruiser » des garçons et que je ferais « trop gamine» en n’en portant pas. Ayoye !!! Elles sont donc allées à l’expo sans moi pendant que j’essayais de trouver le moyen de parler « soutifs » avec ma mère. Finalement, celle-ci me voyant venir, préféra me prêter sa carte « SEARS » en écrivant un mot m’autorisant à y porter mes achats.

J’ai vieilli, rencontré mon premier « vrai » amoureux. J’avais 14 ans alors que lui en avait 19. Ma mère le savait, mais ne m’a pourtant jamais mise en garde ou ne m’a jamais fait me questionner sur la possibilité que lui, alors à l’université, ne faisait que « s’amuser » avec la gamine que j’étais. J’avais des copines alors qui n’étaient plus vierges et nous avions parlé du comment ça se déroulait. Ma mère voyait mon amoureux venir me chercher dans sa Mustang pour la soirée ne m’a jamais rien dit, expliqué ou même raconté. Tout en me donnant un couvre-feu… Le bon côté de ses cinq ans de plus était qu’il savait comment on le « faisait ». Les capotes, il savait les mettre; me procurer du plaisir, il savait comment.

Je n’ai jamais eu le droit d’inviter un copain à dormir à la maison maternelle. Je devais garder la porte de ma chambre toujours ouverte et je ne pouvais échanger de baisers devant ma mère. J’avais le droit de découcher comme je voulais, mais je ne pouvais souiller sa maison de plaisirs des corps.

J’ai eu d’autres petits amis par la suite et jusquà l’âge de 18 ans, je n’avais jamais pratiqué de fellation sur aucun. Alors que j’avais appris à connaitre mon corps à la perfection (j’étais clitoridienne, et je savais comment atteindre l’orgasme), je ne savais rien sur l’art de mettre le phallus de mon copain dans ma bouche. Et l’amoureux que j’ai eu entre 16 et 18 ans ne voulait pas que je lui fasse de fellation. Il me disait alors que j’étais une fille trop bien pour m’abaisser à cet acte dégradant. Qu’il n’y avait que les « putes » de film XXX qui s’y prêtaient!

jambe femme litSource image : Unsplash

Il parait que tout part de la mère. Qu’on est qui on est grâce ou à cause d’elle. La mienne aura assurément teinté ma sexualité. Pour elle, une fille ne pouvait coucher avec un gars sans que celui-ci soit son copain. Aucune femme ne pouvait baiser avec un mec le premier soir; elle devait se respecter et une fille qui se respectait devait obligatoirement vivre une histoire d’amour avant de penser à la couchette. Étais-je une guidoune? Alors pourquoi est-ce que j’agirais de la sorte? Pendant que mon frère pouvait ramener une fille (différente) le soir pour dormir, je ne pouvais même entrevoir la possibilité d’avoir une relation sexuelle avec un homme sans avoir avec lui de relation amoureuse.

Vint un jour où à 20 ans, j’en ai eu assez d’être conditionnée à cette théorie absurde. C’était ce soir que ça allait se passer! Ce soir, je sortais dans un bar et je rentrais (chez lui bien sûr) avec un pétard que j’aurais branché et avec qui j’aurais une nuit torride. J’avais décidé de sauter le pas. Palladium; j’arrivais! Je ne partirais qu’au bras d’un prospect pour une histoire d’un soir. J’ai d’ailleurs pris la peine de passer chez ma mère pour me « vanter » que c’était ce soir que j’allais éventrer sa théorie et que demain matin, je serais toujours aussi respectable au moment de me regarder dans le miroir.

Je suis sortie dans le but de me ramener un coup d’un soir. Du cul pour du cul… Pouet, pouet, pouet… J’en ai été incapable. Je n’y suis pas arrivée. Pas parce que je n’avais rencontré personne, mais parce que ma mère avait gravé si profondément en moi SES VALEURS que j’ai été incapable de me lâcher et de me taper un trip de cul avec un inconnu. J’étais donc condamnée à me masturber ou à avoir un amoureux pour avoir des orgasmes?

Aujourd’hui encore, vingt-cinq ans plus tard, je n’ai jamais eu une relation sexuelle (pénétration) avec un homme rencontré le jour même. J’ai réussi à m’autoriser une variante par contre avec les années. Je peux avoir du sexe avec un « inconnu » tant qu’il ne rentre pas son pénis dans mon corps ailleurs que dans ma bouche. J’arrive même aujourd’hui à me regarder dans le miroir le lendemain sans avoir honte de moi; ça ne m’aura pris que deux décennies. ;-)

Nous n’avons aucune idée de combien notre éducation a une grande incidence sur l’adulte que nous deviendrons. Alors à la maison avec mes enfants, le sexe n’est pas un sujet tabou. Les menstruations ou la masturbation non plus. Les enfants savent que c’est tout à fait normal de se toucher et de se donner du plaisir. Ils savent, par contre qu’ils ne doivent pas le faire au milieu du salon, mais qu’ils peuvent se retirer dans leur chambre pour se donner du plaisir. Ils savent aussi que je leur fais confiance et que du moment où ils se protègent, tout est permis. Je préfère clairement savoir mes jeunes ici, en sécurité, expérimentant leur sexualité, qu’ailleurs ne pouvant l’explorer adéquatement.

Mes filles devenues maintenant femmes, je dois parfois me parler très fort intérieurement pour ne pas les mettre en garde contre le sexe. Pour souhaiter une bonne soirée à mon ainée alors que je sais qu’elle s’en va rencontrer un mec dans le simple but s’envoyer en l’air. Et j’y arrive… Mon petit Jésus est rendu grand maintenant, et il me dit que c’est OK de s’épanouir sexuellement.

Source image de couverture : Unsplash
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