Depuis que je suis toute petite, je suis une fan de sport. J’ai passé par le ballet, la gymnastique, le soccer, la natation pour finalement aboutir en nage synchronisée à l’âge de 12 ans. Ayant déjà une bonne base en natation, j’ai débuté dans un groupe compétitif et je suis immédiatement tombée en amour avec ce sport. C’était le mix parfait entre mon côté compétitif qui a besoin de performer et mon côté artistique.
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Petite parenthèse pour tous ceux qui croient que la nage synchro n’est pas un sport, que c’est cute et facile, je vous arrête tout de suite. Imaginez un joueur de football qui doit retenir son souffle et simplement respirer aux 30 secondes, pendant toute sa partie? En plus, on doit travailler constamment contre la force de l’eau. Tout ça sans respirer. La nage synchro est un sport principalement pratiqué en équipe. Afin d’avoir de bonnes notes en compétition, il faut être collé (e) s dans l’eau, sourire et démontrer que le tout est facile. Pensez au risque de coup de pieds sur la tête, coups de coude dans le ventre, etc. Les commotions cérébrales ainsi que les blessures sont fréquentes dans ce sport.
Un des aspects que l’on aborde pas, ou bien avec peur, c’est les blessures mentales que les athlètes vivent au quotidien. Je parle ici d’anxiété, dépression, traumatismes, troubles alimentaires, etc.
Pratiquer un sport qui est axé sur la perfection, la performance et l’image que l’on projette, ça ne vient pas sans pression. En tant que nageuse qui a débuté le sport à l’âge de la puberté, j’ai rapidement été soucieuse de mon apparence physique lors des pratiques et des compétitions.
Le premier moment que je me souviens est en mars 2005. Notre coach nous annonce que nous allons passer du temps à la piscine de l’hôtel pour relaxer et passer du temps en équipe. Je suis dans le corridor en train de marcher avec mon équipe. Je me souviens être gênée et avoir envie de disparaître. Je défile la forme de mes coéquipières dans ma tête. Puis je me retourne vers mon entraîneur en lui pointant mes hanches: ‘’moi j’ai ça, je ne sais pas si je devrais me baigner avec vous’’. Elle m’a répondu que c’était simplement des hanches, que je ne devrais pas me préoccuper de cela.
Ensuite je me souviens de l’automne 2007. J’aimais tellement la nage synchro que je voulais faire du sport-étude. J’ai donc participé aux sélections que j’ai trouvé relativement difficile mentalement et physiquement. Par contre, c’était vraiment ce que je voulais. Au courant de la journée, j’ai réalisé que les nageuses du niveau élite respectaient toutes un certain gabarit. Elles étaient toutes plus grandes et plus minces que moi. Je me suis mise à être consciente de mon être à un autre niveau. J’avais honte. Quelques jours après les sélections, on m’a dit que je ne ferais jamais partie d’une telle équipe en raison de mon poids. Ces mots m’ont tellement blessée. J’avais l’impression que les sélections étaient vraies et basées sur le talent et non sur leur morphologie. Je me trouvais si grosse. À la suite de ces sélections, la restriction alimentaire a débuté. Le seul but de m’alimenter était devenu de ‘’survivre’’ à mes pratiques. Avec du recul, je n’avais pas de poids à perdre. Je ne correspondais simplement pas dans le moule de perfection que je m’étais imaginé nécessaire.
Les années passent, mais les préoccupations restent les mêmes. La première année que j’ai arrêté de faire de la nage synchro, mon excuse était une blessure au dos. La réalité était que j’avais trop honte de moi-même, de mon corps pour continuer. J’avais l’impression que mon corps était plus important que mes capacités. Peu à peu, cela devenait ma réalité. La honte de me montrer en public, la honte de mon corps, la honte de simplement exister.
Je ne blâme pas mon sport pour mon trouble alimentaire. Bien au contraire. Je crois que j’avais des prédispositions à cette maladie et d’autres éléments de ma vie sont venu me mettre plus à risque.
La nage synchronisée m’a apporté énormément. J’ai appris à mieux m’affirmer, comprendre les dynamiques de groupe et créer des liens avec mes coéquipières qui sont incomparables. J’ai aussi appris l’importance de la persévérance, de travailler fort pour atteindre ses objectifs. La synchro m’a également aidé à avoir un sens des responsabilité et d’organisation. Avec plusieurs entraînements par semaine, il était important de bien planifier mes obligations. Je me souviendrai toujours du feeling d’arriver première en compétition. C’est gratifiant et ça apporte une fierté incomparable.
Je ne changerais pas mon parcours. Je crois simplement qu’il est important de parler de l’impact des sports compétitifs sur les athlètes. Il faut prévenir les blessures mentales, comme on nous enseigne à prévenir les commotions cérébrales.
Aujourd’hui je suis entraîneuse et je nage toujours. Tous les jours, je pense à mes nageuses, qui ont en moyenne 14 ans. Je me vois en elles et j’espère leur véhiculer un message sans jugement, malgré que nous pratiquons un sport jugé. Je veux qu’elles se sentent à leur place, compétentes, et acceptées. Lorsque je vais à mes entrainements, je suis consciente que la blessure est toujours ouverte. Mon trouble alimentaire m’a handicapée durant plusieurs années. Je suis en train d’essayer de réparer ces blessures, reprendre confiance en moi et poursuivre ce que j’aime faire, l’esprit libre.
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