Si j'avais un café, il s'appellerait Lundi. Parce qu'il n'y a pas une journée où on a plus besoin d'un bon café que celle-là. Et que je trouve ça cool de dire ''On se rejoint au Lundi!'' ou encore ''Je passe au Lundi, tu veux quelque chose?''.
Je ne sais pas si je vais devenir la propriétaire d'un café un jour, mais c'est le genre de choses que je prévois, dans ma caboche faite un peu étrangement.
Lorsqu'on était adolescente, ma meilleure amie et moi, on disait qu'on allait s'ouvrir un bar. Comme toutes bonnes adolescentes qui se respectent, on avait des rêves, tsé. Dans tous les scénarios possibles, je m'occupais de la comptabilité. La raison? J'étais bonne en maths. Simple de même. Est-ce que j'avais une excellente capacité de gestion d'argent? Pas du tout. Mais maudit que je faisais mes 436 par exemple! À travers nos années d'étude, elle a fini par faire beaucoup plus de maths que moi. J'espère que ça serait elle, la comptable, aujourd'hui!
C'est le genre de choses auquel j'aime repenser. Les projets d'avenir. Les faux rêves. Les moments comme dans How I met your mother où on se dit qu'on devrait ouvrir un bar. Parce qu'être de bons amis est systématiquement synonyme de bon partenariat d'affaires.
Ma mère a toujours eu le rêve de s'ouvrir un café-internet-bibliothèque-laverie. Je me rappelle exactement du moment où elle m'en a parlé. Nous étions à Toronto et nous venions de déjeuner des oeufs. Le serveur nous avait proposé du ketchup et j'étais très confuse. Moi pour, ça n'allait certainement pas sur des oeufs, du ketchup. Ma mère m'avait donc expliqué que c'était très anglophone et, sur un changement de sujet comme un autre, surement en voyant quelque chose dans la rue, m'avait confié son petit secret. Je ne crois pas que ça fonctionnerait maintenant, c'est une idée très 2000. Mais j'aurais aimé ça qu'elle le réalise.
J'ai le souvenir précis de cette conversation, sans trop savoir pourquoi. C'est un moment qui est enregistré dans ma mémoire et il n'a pas l'air d'avoir de l'importance. Mais il est là. Il a fait son nid.
Un peu comme ce moment en calèche avec mes grands-parents, mon oncle, ma tante et mon père. Mon oncle avait le sida et il ne lui restait pas beaucoup de temps à vivre. Je ne sais pas j'avais quel âge précisément. Peut-être 3-4 ans? Cinq peut-être. Mais je me rappelle de la calèche et que mon père avait aidé son frère à descendre, comme il était très faible. Je me rappelle de l'ambiance mi-joyeuse mi-triste, sans vraiment la comprendre. Mais je savais que c'était un moment important, qu'il y avait quelque chose de sacré.
Mon père me parle souvent des gens qui sont morts. C'est son côté un peu étrange à lui. Il a une fixation sur le passé et ceux qui étaient là avant nous. Parfois, il me parle des célébrités décédées qu'il a rencontré dans sa vie. Des fois, il me dit que telle ou telle personne est morte et comment. Des fois, il parle de ses regrets. Ça doit être lourd, vivre avec autant de regret. Pas étonnant qu'il ait mal aux jambes, il porte beaucoup de choses sur ses épaules.
Si j'avais un bar, il ne s'appellerait pas Lundi. Il n'aurait pas un nom de jour de la semaine. C'est réservé au café et aux habitants de l'île de Robinson Crusoé.