Traumavertissement: Violence psychologique, violence physique, violence conjugale, violence sexuelle. Des ressources sont disponibles à la fin du texte.
Voici une lettre adressée à ceux qui sont restés malgré tout, ceux qui ont douté de moi, ceux que j’ai perdus et ceux qui ont cru aux mensonges que je me faisais moi-même.
Les mots me manquent pour vous décrire toute la honte et la peur qui m’habitent depuis bientôt 4 ans et demi. Je sais maintenant que ce n’était pas ma faute. Je sais maintenant que vous étiez dans l’inquiétude et l’incompréhension. J’étais piégée dans ce cercle vicieux. Je pensais vraiment l’aimer. Je pensais vraiment qu’il allait changer.
Mais au fond de moi, je savais tout ce temps que quelque chose clochait. Que je ne pouvais pas être aussi triste et en colère presque tous les jours ! Que je ne pouvais pas tolérer l’intolérable.
Mais qu’est-ce que je faisais là tout ce temps ?
Mes amis, ma famille, vous savez, j’ai tenté de quitter cette relation plusieurs fois. Chaque fois, je perdais des forces, alors que lui reprenait du pouvoir.
Mes amis, ma famille, je suis désolée de m’être isolée, malgré moi. Parce qu’il ne voulait pas venir avec moi dans ma famille, j’y allais moins. Parce qu’il me faisait sentir coupable constamment, je me suis isolée de vous, mes proches, pour éviter de devoir répondre à vos « Comment ça va ? ». Pour ceux et celles que j’ai continué de voir, je vous ai menti, comme je me suis réellement menti à moi-même. Je l’ai défendu, je l’ai excusé, j’ai minimisé les faits, je vous ai dit que j’allais bien et que je faisais des choix lucides. J’ai même été fâchée contre vous lorsque vous avez tenté de me faire comprendre qu’il n’était pas adéquat avec moi, qu’il me manquait de respect. Mes amis, mes parents, je sais que vous aviez raison, mais je devais défendre sa cause qui était rendue la mienne, sinon tout mon monde s’écroulait.
Sachez cependant que derrière mon sourire, j’étais profondément en détresse au point que dans, les derniers mois, je ne me reconnaissais plus. Puis, un jour, chez le médecin, le verdict que j’appréhendais est tombé : j’ai reçu un diagnostic de dépression. C’est le jour où j’ai décidé que c’en était assez. Assez de ne plus avoir la place d’exister dans cette relation toxique. Assez que ses besoins passent toujours avant les miens. Assez des commentaires dénigrants et me ridiculisant. Assez de recevoir une image négative de moi-même. Assez d’être toujours la personne responsable de toutes les difficultés de notre relation.
Cette même journée, j’ai coupé les ponts.
Une fois pour toutes. J’ai rassemblé toutes les forces qu’il me restait et je suis allée chez lui. Il m’a reçue sous une pluie de commentaires dénigrants et culpabilisants et n’a pas toléré ma demande de coupure de contacts. Et il m’a entre autres reproché de « trop » vous voir, mes amis, ma famille. Il m’a dit que je ne savais pas faire la part des choses, que je ne reconnaissais pas tout ce qu’il a fait pour moi. Je lui remis sa clé de maison dans sa main ouverte me pointant, s’attendant à une justification de ma part. Puis, j’ai repris ma propre clé de maison. En fermant la porte derrière moi, j’ai repris du même coup mon amour propre et le peu d’estime de soi qu’il me restait.
Mes amis, ma famille, mes collègues et ex-collègues, mes proches, vous avez été plusieurs à vous préoccuper de moi, ma santé et ma vie durant ces dernières années. Vous avez été plusieurs à tenter de me faire reconnaître la réalité. Vous avez été plusieurs à avoir jugé mes choix, ouvertement ou non. Je comprends. Sachez que j’avais peur.
Maintenant, je ne sais pas ce qui m’attend de l’autre côté, mais je sais que je ne suis pas seule. J’ai la plus belle chance du monde d’être entourée par vous, mes petits soldats de l’amour qui avez été à mes côtés et qui continuez d’être à mes côtés dans cette grande aventure qu’est la vie. Et ça me donne confiance, même si j’ai peur.
Une chose est certaine, je ne peux plus laisser la peur de perdre prendre toute la place. Je préfère laisser la place au courage. Parce que quand tout est fichu, il nous reste encore le courage. Le courage de s’écouter, de mettre ses limites, de partir. Le courage de se choisir pour continuer d’avancer en ayant la certitude que cette fin aura été en fait le début du reste de notre vie.
À toutes ces femmes qui ont vécu ou vivent les mêmes abus, je vous envoie tout le courage qu’il est possible d’imaginer. Osez demander de l’aide.
À tous mes amis et ma famille, mes proches, merci à vous d’être dans ma vie, contre vents et marées. Merci d’être encore là. Aucun mot, aucun geste ne sera assez puissant pour décrire toute la reconnaissance qui m’habite. Merci mille fois. Et avançons ensemble un pas à la fois, si vous le voulez bien, le temps que je retrouve mon équilibre.
« Il y a une fissure en chaque chose. C’est ainsi que la lumière peut y entrer. » - Leonard Cohen
Image de couverture : courtoisie