J’ai d’la rage, d’la rage qui me fait pleurer. Je ne sais pas comment la gérer. Mon cœur se sert, mes pensées s’accélèrent. J’ai envie de crier, de frapper, de pleurer. Envie de faire sortir ce poids de moi.

Je ne vais pas te laisser avoir de contrôle sur ma vie, je ne veux pas. Tu fais partie du passé, tu n’as aucun droit d’affecter mon présent. Aucun droit d’être toujours présent en étant absent. Tu dois me laisser. Je dois te laisser. Tu as déjà essayé de m’enlever la vie, tu n’as pas le droit de m’empêcher de la vivre.

J’ai envie de te regarder dans les yeux, en te méprisant. J’espère que tu ressentiras au plus profond de toi le dégout et la colère que j’ai contre toi. Ce soir, j’ai envie de laisser aller mes pensées de rage à ton égard, de me défouler.

C’est dur d’en vouloir à quelqu’un qui ne doit pas comprendre tout ce qui se passe. Quelqu’un qui est dans un autre monde, qui ne doit même pas comprendre qu’il peut avoir un effet sur les autres, que ses comportements peuvent affecter les autres. C’est difficile lorsqu’il n’y a personne à en vouloir, car je considère que tu n’es pas conscient de ton monde. Comment je peux t’en vouloir? J’en aurais tellement besoin. Et d’une façon, je t’en veux pour ça.

Tu ne me causes plus de crises de panique ni de stress au quotidien. Heureusement, j’ai été assez résilient pour continuer ma vie. Je suis résilient. Mais il y a cette colère que je traine depuis le 16 septembre 2018, colère que je n’ai jamais vraiment comprise ni acceptée et dont je n’ai aucune idée de comment gérer. Je n’ai pas l’habitude d’être en colère, encore moins de cette façon que je ne sais décrire. Elle dort, je ne la ressens presque jamais, sauf quand je repense à toi. Puis, elle retourne se cacher. Le dégoût et la colère : deux émotions qui ne collent pas à ma peau, dont je ne veux pas ressentir. Ça ne fait pas de sens. Je n’ai pas envie d’être dégouté par quelqu’un ni d’être en colère ou rancunier. Ce n’est pas moi.

Quand je suis triste, je pleure. Quand je suis stressé, je respire. Quand je suis content, je souris. Quand je suis en colère, quoi faire?

homme triste noir et blancSource image: Pexels

La vérité, c’est que je suis plus affecté par toi que je ne veux le croire. Je me sens faible, honteux. Je repousse toutes mes émotions envers l’évènement, car en les confrontant, j’ai l’impression de te donner du pouvoir sur moi.

M’avouer que je suis encore affecté et que je ressens de la colère envers toi est loin d’être facile. La colère que j’ai ressenti les jours suivant ta tentative de meurtre (l’écrire le rend vrai, j’ai encore de la difficulté à y croire), ne faisait aucun sens pour moi. Aujourd’hui, je pense que c’est normal, mais ça vient avec un an de réflexion et de cheminement.

Je veux régler ça, mais ça signifie devoir repasser cette journée dans ma tête, la revivre depuis le début et je ne veux pas. C’est trop douloureux, trop incompréhensible, trop stressant. C’est revivre l’évènement, comme si ça arrivait à nouveau. C'est physique et psychologique.

C’est me revoir dans le bureau parler à la fille ou au gars du 911, assis sur le bout de ma chaise, à chercher mon souffle et à sentir mon cœur battre à toute allure. C’est revivre la peur d’être blessé ou de mourir.

C’est me revoir forcer contre ton bras pour éviter que le couteau ne m’atteigne, c’est ressentir la pointe du couteau sur ma poitrine, c’est m’entendre te crier d’arrêter. Un cri qui voulait dire que je devais trouver un moyen de m’enfuir, car je pouvais mourir. Un cri disant que je venais de comprendre que tu n’arrêterais pas et que j’étais seul.

Seul.

C'est sentir le poids de ta main agrippée au couteau, forçant pour m’atteindre. Je ne comprends pas que ce me soit arrivé. Tu voulais vraiment m’enfoncer le couteau dans le cœur.

C'est revoir sa merde sur le mur et sentir l’odeur qui me pogne directement au cœur. Ou plutôt au stress. C’est trembler sans que je puisse le contrôler.

J’écris et partage cette partie de moi, car c’est un moyen pour moi d’assimiler l’évènement, de le rendre vrai. J’écris, car j’aurais aimé tomber sur un article du genre dans les semaines suivant la tentative de meurtre à mon égard. J’écris pour que toi, qui a vécu un évènement traumatisant du genre, comprenne que tu es normal de ressentir un melting pot d’émotions et que, parfois, ces émotions n’ont pas l’air de faire de sens avec la situation. Pourtant, si tu les ressens, ressens-les. Vivre un évènement du genre n’est pas logique ou rationnel, c’est juste de l’émotion. Donc, chercher à comprendre le pourquoi demande de l’énergie pour rien. J’écris pour vous inviter à en parler, à en pleurer, à en crier. À reprendre le contrôle de votre vie. L’évènement fera toujours partie de nous, mais nous n’avons pas à le laisser nous handicaper.

Si je pouvais retourner en arrière, je prendrais plus de temps pour moi, pour m’en remettre. Je consulterais quelqu’un rapidement et j’éviterais de m’oublier dans le travail, dans Netflix, dans tout ce qui m’a empêché de faire face à la réalité après l’événement.

J’ai survécu, je l’espère, au pire moment de ma vie. Je ne me savais pas si fort, je ne savais pas que mon désir de vivre était autant fort. Assez fort pour avoir survécu.

Source image de couverture: Pixabay
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