J’ai l’amitié en berne. On a tous eu des peines d’amour, mais des peines d’amitié ça existe aussi, et ça fait mal, vraiment mal certaines fois. Je retiens mon souffle quand ma tête est sous l’eau…

Mais aujourd’hui, je commence à manquer d’air…

Il y a certaines personnes qui atterrissent dans nos vies sans qu’on sache pourquoi, sans qu’elles aient été annoncées. Stéphanie est l’une d’elles. Elle sera apparue dans ma vie comme si elle en avait toujours fait partie. Sans avertissement, sans préambule… Pas le genre d’amitié qui prend son temps, qui se tricote avec les mois, non, une amitié qui est entière et consumée dès le premier jour.

J’aurai connu Stéphanie il y a environ deux ans. Elle avait créé un groupe où l’on pouvait se serrer les coudes entre filles. Un genre de groupe où l’on nommait les mecs qui n’étaient pas fiables, les hommes qui collectionnaient le cœur des femmes. Où on pouvait se dire les « vraies affaires ». Sitôt dans ce groupe, Stéphanie m’aura appelé via caméra pour qu’on discute, pour occuper cette place dans ma vie qui était faite pour elle. Dès ce jour, j’aurai passé via caméra des centaines d’heures avec elle. Elle aura probablement été l’amie avec qui j’ai passé le plus de temps à vie.

Et là, j’écris ce texte… J’écris ce texte parce que Stéphanie n’est plus là…

Parce que je ne réalise pas qu’elle est partie… Parce que je l’entends pour une énième fois laisser sur mon répondeur un; « Coup donc, pu de nouvelles de toi, t’es-tu morte ?!?!  (Lire TÉ tu morte ?!) ». Parce qu’en vrai, c’est elle qui est décédée dans un accident de voiture en décembre… Parce que… Parce que ça fait deux mois que j’ai commencé ce texte, mais qu’il n’est jamais assez, assez fort pour dire qui elle était.

J’ai envie de vous raconter Stéphanie, parce qu’elle EST Stéphanie. Une femme magnifique de 46 ans; plutôt grande, des yeux d’un bleu infini et si profond qu’ils en étaient ensorceleurs. Une voix un soupçon rauque qui en imposait, et son rire cristallin déferlait sur nos conversations. Elle s’habillait sexy (très), se moquait souvent gentiment de moi en me disant que je m’habillais en « matante ». L’un de ses surnoms était Fergie, parce qu’elle lui ressemblait, elle changeait elle aussi de couleur de cheveux souvent.

Mon amie Stéphanie ne faisait pas les choses à moitié.

Pour elle, pas de demi-mesure. Elle aimait ou elle détestait, on l’aimait ou on la détestait. Elle était solitaire, passant beaucoup de temps seule dans sa chambre, mais aussi, elle avait des centaines, voire des milliers d’amis avec qui elle discutait par vidéo pendant des heures. Elle avait trois enfants et deux petites filles; il fallait entendre comment cette maman louve parlait d’eux. J’aurais eu peur pour le malheureux qui aurait osé leur faire du mal. Elle était capable du meilleur par amour, mais aussi du pire par amour.

Stéphanie parlait fort, parlait vrai.

Elle était mal engueulée et parlait cru (elle se sera moquée encore oh combien souvent de me faire rougir de ses mots seulement). Elle s’acceptait comme elle était, et elle aura essayé de m’aider à avoir confiance en moi. Elle n’avait pas été à l’école longtemps et ce n’est pas par manque d’intelligence, mais plutôt parce qu’elle vivait mal à l’intérieur de cadres préétablis.  J’ai plusieurs messages de ma belle amie sur mon répondeur, je ne suis pas capable de les supprimer… Je ne suis pas capable de la laisser partir complètement…

La vie fait les choses à sa façon parfois, peut-être nous serons-nous éloignées dans les dernières semaines pour me permettre de m’habituer à sa grande envolée. Depuis qu’elle est partie, elle est omniprésente dans mes pensées… Je pense à sa grande Alex nouvellement maman, à sa belle Molly de qui elle était si fière, et à son jeune Kingston qui lui aura manqué souvent. Je ne les connaissais pas « en vrai », mais mon amie m’aura fait entrer dans sa vie de façon telle que je savais très bien qui ils étaient.

J’ai l’amitié en berne…

Elle était forte, intelligente, volontaire, passionnée, drôle, intense, dégourdie, vraie, amicale, compréhensive, déterminée, originale, ouverte, tenace, spontanée, sociable. Et parfois elle était aussi, fragile, triste, brisée… C’était mon amie Stéphanie, et maintenant elle n’est plus là… Mais je m’efforce de la garder vivante dans mon cœur et la prochaine fois que mon garçon de 8 ans me demandera comment va « ma vraiment belle amie », je lui dirai que maintenant elle est une étoile, et que j’espère que d’où elle est, elle sait combien nous étions plusieurs à l’aimer.

Je t’aime Steph…

Image de couverture de Taylor Smith
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