J’ai grandi en banlieue de Montréal.

J’ai grandi en pensant que je vivais dans une société post-raciale.

J’ai grandi en pensant que l’élection de Barack Obama avait éradiqué le racisme une fois pour toutes.

J’ai grandi en pensant que Martin Luther King et Rosa Parks étaient les seules personnes noires à s’être tenues debout contre le système oppressif qu’était la ségrégation.

J’ai grandi en pensant que l’esclavage n’avait jamais existé au Canada, pire, que les relations raciales n’étaient pas tendues. Après tout, mon professeur d’histoire de secondaire 3 a dit, à la classe entière, que les Canadiens-Français ont toujours été les amis des peuples noires. Oh boy! Qu’il avait tort! Oh boy! que j’aimerais lui dire comment il a besoin d’éducation sur la matière.

Aujourd’hui, j’en sais tellement plus, j’ai passé des heures à lire des articles sociologiques et des romans sur le racisme, à visionner des documentaires et des vidéos sur le sujet. J’ai pris des cours de sociologie et de racisme au CÉGEP et à l’université et j’ai écrit une bonne douzaine d’essais sur les relations raciales au Canada et aux États-Unis. J’ai passé quelques années dans les milieux du militantisme, ensuite, je me suis éloignée parce que ça devenait trop lourd pour ma santé mentale. Je crois qu’avec cette feuille de route, j’ai l’expertise nécessaire pour parler du racisme au Québec. Ce petit mot de sept lettres qui a fait tant de ravages.

québec drapeau cielSource image: Unsplash

La première erreur que l’on fait quand on parle de racisme, c’est de croire que c’est un vice isolé; que seulement la pire des salopes oserait cracher des mots haineux aux visage d’une personne noire. La réalité en est toute autre, le racisme est un système de pouvoir créé par une classe raciale dominante (les blancs) pour désavantager une autre classe basée sur la race (dans notre société québécoise, toutes les personnes racisées).

Non, toi Jeanne, tu n’as pas bâti ce système et non tu n’avais pas d’esclaves, par contre tu bénéficies d’un système que tes arrière-grands-parents ont bâti et qui perdure encore aujourd’hui.

Je ne crois pas qu’une personne blanche se soit réveillée un jour et ait décidé qu’elle bâtirait un système pour avantager les personnes blanches par rapport aux personnes racisées. Par contre, la classe dominante blanche a pris des décisions année après année pour s’assurer de leur supériorité. Prenons l’exemple de l’Acte des Indiens de 1867, traité que nous avons tous étudié à l’école. Ce traité qui a été voté pour systématiquement acculturer les autochtones, pour les arracher à leurs croyances et à leur famille. Le seul but du traité était d’occidentaliser des peuples que l’on croyait « sauvages. » Ou, plus récemment, dans les années 60 lorsqu’un « sit-in » a été organisé à l’Université Sir Georges William (aujourd’hui Concordia) parce que les élèves noirs recevaient systématiquement des notes inférieures comparé à leurs camarades de classes blancs.

Je pourrais aussi utiliser l’exemple des 4 000 esclaves (autochtones et noirs) que Montréal a eus ou encore plus récemment quand le gouvernement Legault a jeté des dizaines de milliers de dossiers d’immigration. J’ai tant d’exemples et tellement peu de temps.

Ce texte d’opinion t’a peut-être rendu mal à l’aise, tu as peut-être été offusqué à certains moments. Je veux que tu comprennes que ce n’est pas entièrement de ta faute, le système d’éducation a une grande part de responsabilité. Après tout, nous n’avons jamais entendu parler de la dissidence des esclaves québécois, de l’importance que le Canada a joué dans l’Underground Railroad et, pour la plupart, nous ne savions pas qui était Viola Desmond avant qu’elle n’apparaisse sur nos billets de dix dollars.

Aujourd’hui, le Québec se retrouve avec un problème de racisme sur les épaules: les personnes racisées ont quatre fois plus de risque de se faire interpeller par le SPVM qu’une personne blanche. Ou, encore, qu’une personne ayant un nom racisé possède 60% moins de risque de se faire rappeler pour une entrevue, même si elle a les mêmes compétences qu’une personne avec un non de famille Canadiens-Français.

Des statistiques, il n’en manque pas et je pourrais te sortir étude après étude, mais cela ne servirait à rien, tant et aussi longtemps que nous ne réalisons pas collectivement que le racisme est un problème québécois qu’il faut régler. Oui, j’ai bien mentionné le Québec. Et tant et aussi longtemps que nous nous voilons le visage en pensant que nous sommes tellement meilleurs que les Américains, rien n’avancera.

manifestation black lives matter racismeSource image: Unsplash

Après avoir lu cet article, je te demanderais de ne pas rester dans ton malaise. Prends ton ordinateur et écoute le documentaire 13th d’Ava DuVernay sur Youtube ou Netflix. Commande Policing Black Lives de Robyn Maynard et apprends-en sur les relations raciales canadiennes.

Et finalement, demande-toi comment il se fait que tous les québécois noirs ont vécu un acte raciste, mais que tu ne connaisses pas de racistes?

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