Mon père, ce héros ! Ce modèle masculin, qui m’a le plus inspiré dans ma vie, qui m’a permis de devenir la femme que je suis aujourd’hui.

Petite, comme nombre de petites filles, j’adorais monter sur les épaules de mon papa, l’entendre crier « Madeline, je vois plus rien, enlève tes mains de mes yeux ! », j’adorais le regarder, l’admirer, qu’il était fort et courageux. La journée, je le regardais travailler la terre, sans relâche, transpirer, arroser avec amour ses plants, et me crier « Madeline, mets ta casquette, tu vas attraper du mal ! ». Le soir, il me berçait, me faisait des « prouts » dans le cou qui me faisait rire à en crier… Ce sont les moments heureux de mon enfance, et il me les a offert !

Plus que d’autres relations de père avec leur dernière petite fille, la notre a été fusionnelle par l’absence d’une mère et de mes sœurs parties tôt de la maison, prises par les obligations de leurs vies d’adolescentes. A l’arrivée de mes 10 ans, nous vivions plus que tous les deux dans cette maison, il restait l’unique modèle que je pouvais suivre.

Au-delà de l’admiration que je lui démontrais, j’ai été influencée par ses propres croyances : « il ne faut pas pleurer, pleurer c’est être faible » , « si tu ne réussis pas tes études, alors tu ne seras digne de rien », « le travail n’a pas pour but de te rendre heureuse, c’est une nécessité », « il faut gagner beaucoup d’argent, pour assurer sa sécurité financière », « il faut trouver un mari tôt et acheter une belle maison ». Mais aussi par son amour pour le cinéma et les films de cow-boys, son amour des fruits de mer et de la « bonne bouffe française », son amour du vin, son amour pour la nature lors de ses balades en forêts, son amour des fruits et légumes cultivés dans la bonne terre, son amour des petits meubles « réalisés maison » avec ce qui traîne dans le coin du garage.

héros pèreSource image : Unsplash

Et la maladie l’accapara du jour au lendemain ! Et la peur de mon père de s’engager dans un traitement lourd, ont failli avoir raison de lui. La mort était proche. Un long chemin a débuté, je suis devenue « une accompagnatrice de vie », alors que j’entrais dans l’adolescence. Je suis passé de l’enfance, à la case adulte en un rien de temps, à assumer les rôles successifs : d’une femme au foyer, d’une conseillère conjugale, d’une psy, d’une cuisinière, d’une lingère, tout cela avec quelques lacunes dans l’exécution des tâches. L’enfant sensible et émotive a laissé place à une adulte qui avait compris que la vie ne tenait qu’à un fil, et qu’il fallait en profiter au moindre instant.

Mon père ce héros, si fort, si courageux, et pourtant pas invincible. Il était humain bien évidemment, et il a fait face aux épreuves de la vie avec tant de force et de courage mais inconsciemment je lui en ai voulu, de ne pas être ce super héros qui m’aurais permis d’être une vraie enfant. Toutes ces maladies, que ce soit celles de mon père ou de ma mère, ont gentiment volé mon enfance pour m’expédier rapidement vers le monde si sinistre et poignant de réalité des adultes !

À l’âge de 20 ans, mon père était greffé, un miracle avait eu lieu quelques années auparavant.Je suis partie vivre à l’autre bout de la France, loin de toute cette vie qui avait longtemps été la mienne et que souhaitais quitter à tout prix. J’ai regardé une dernière fois ce lieu qui m’avais vu grandir, souffrir, rire, pleurer, marcher pour la première fois, tomber et me relever à nouveau... en souhaitant de tout mon cœur que mon père soit heureux, et en ayant le sentiment que quelque chose prenait fin, ici, sur le pas de cette porte.

J’ai vécu ce moment comme un déchirement. J’ai vécu tant d’aventures incroyables par la suite, que je suis fière d’avoir eu le courage de réaliser, à la fois en France, et ensuite dans le monde. J’ai exploré pleins de petits chemins, pris des détours pour enfin partir à la recherche de mon moi intérieur, et ainsi apprendre à me faire vraiment confiance. J’ai aimé plusieurs hommes qui m’ont aidé à grandir, qui m’ont eux aussi appris sur moi-même et qui ont été de nouvelles inspirations masculines dans ma vie. Ma vie débutait enfin, je pouvais enfin vivre mon grand rêve d’enfant de partir loin de la maison et de ne plus devoir rien à personne, j’étais libre.

L’image admirative que j’avais toujours eu pour mon père a commencé a évolué avec le temps. Une partie de moi rêvait toujours d’être la petite fille que son papa aimait au point de ne pas contrarier ses propres croyances qui peuvent aller à l’encontre des miennes. Mais j’ai appris à ne plus mettre mon héros sur un piédestal, à arrêter de le regarder avec mes yeux de petite fille mais plutôt avec mes yeux d’adulte, et à affirmer mes convictions. Les gens changent, évoluent, et c’est une bonne chose !

Je fais encore aujourd’hui le deuil de cette relation fusionnelle que l’on a vécu, et que je n’oublierai jamais. Il est et restera mon héros, mais un héros qui a aujourd’hui autant de valeur que moi, pas plus, ni moins, mais vraiment tout autant.

Notre histoire de père avec sa dernière petite fille m’ a fait devenir la femme que je suis aujourd’hui. Voilà ce que mon père m’a offert de plus précieux, tous ces apprentissages de la vie : s’aimer soi tel que l’on est, vivre pour soi et non pour faire plaisir aux autres, se faire confiance quoi qu’il arrive, être courageuse face à l’adversité de la vie, oser dire ou écrire les choses telles qu’on les ressent, choisir pleinement de vivre ses rêves pour ne jamais avoir de regrets parce qu’il y a bien une chose qu’il n’a de cesse de répéter : « le jour où la mort sera là, tu regarderas en arrière, tu verras ta vie défiler et alors tu ne devras pas avoir de regrets ».

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