J’ai presque 35 ans. Normalement, cette information ne serait pas importante, mais aujourd’hui elle l’est pour comprendre ce que je dirai dans ce texte sur le monde du travail. J’ai l’âge de ceux et de celles qui sont en plein dans la vague de changement. De ceux, celles qui sont entre les jeunes qui chamboulent les idées reçues et les plus vieux dont les habitudes sont secouées. Je suis de ceux et celles qui se questionnent et acceptent que le monde d’avant soit remis en question tout en cherchant le meilleur équilibre.
Les deux dernières années ont créé des changements sans précédent dans nos vies et dans la mienne encore plus, oserais-je dire. 2020, pandémie. Les bureaux ferment. Télétravail. Ici ce fut du travail sans relâche comme jamais auparavant. Les yeux rivés sur les écrans, je n’ai jamais accordé autant d’heures au boulot ou presque. Ça débordait de partout et on manquait de bras pour bien réussir toutes les tâches. 2021, ç’a ralentit et je deviens maman. Ça ralentit vraiment. Comme jamais auparavant. Je découvre un nouveau mode de vie. Au même moment, je réfléchis à ce rythme effréné que je m’imposais depuis plus de quinze ans. Et je ne suis pas la seule qui a eu ces pensées.
Collectivement, c’est comme si on avait dit « c’est assez, ce n’est pas cela la vie ».
C’est déjà une belle idée de vouloir ralentir, de vouloir profiter de la vie, mais ce n’est pas si simple. J’ai la chance (chance ?) d’être des deux côtés de la barrière. Je travaille, mais je suis aussi le patron, tsé ce grand méchant loup qui devrait vouloir la rentabilité et le travail acharné à tout prix. Je ne suis pas de ceux-là, ou plutôt je ne le suis plus. Est-ce que j’ai déjà fait partie du groupe qui glorifiait de travailler de longues heures ? Oui. Est-ce que je me suis déjà définie par mes accomplissements au travail ? Sans aucun doute. Est-ce que les temps ont changé ? Enfin.
Je ne saurais dire si c’est l’air du temps ou mes changements de vie ou un joyeux mélange des deux, mais j’ai envie de vivre. Et vivre, ce n’est plus que travailler. Enfin pour moi. Pourquoi pour moi ? Parce que je pense qu’on est à un moment de vie où l’on doit accepter que nous n’ayons pas tous les mêmes concepts de profiter de la vie et les mêmes valeurs. Peut-être que votre voisin s’accomplit dans un boulot à 60 h par semaine et que ça le remplit de joie. Plus moi. Depuis que je suis mère, j’ai l’impression que l’autoroute de ma vie est sur l’accélérateur et que chaque seconde est importante. Je ne veux pas me réveiller à soixante ans avec un compte de banque bien garni, mais ne pas avoir été présente pour Paul ou n’avoir que travaillé. Je veux un équilibre, mais un vrai.
Alors je comprends les revendications des plus jeunes.
Je comprends qu’ils rêvent de la semaine de travail de quatre jours. J’en rêve aussi. Pourquoi ne pas se le permettre ? Parce que des patrons de temps dépassé ont décidé de manière arbitraire qu’on devait travailler cinq jours sur sept ? Et alors ! Changeons ces règles ! Osons. J’applaudis un peu secrètement cette génération qui nous brasse la cage pour nous rendre plus humains. Parce que n’est pas cela la vie : avoir un équilibre qui nous remplit de joie ? Et vous ne me ferez pas croire que c’est à coup de 5 à 7 ou de table de babyfoot qu’on est heureux. Je crois profondément que c’est en faisant ce qu’on aime. Et j’ai beau aimer mon travail, c’est n’est pas tout et ce n’est pas 5/7 de ce que j’aime. Alors, pourquoi lui donner autant de temps ?
J’ai envie de vivre mieux et que ceux autour de moi vivent mieux aussi. La semaine de quatre jours n’est qu’un début d’idée et de plan. Et on l’a adopté chez Codmorse. Mais je pense que la réflexion va plus loin. En tant qu’individu et en tant que société.
Parce que ce n’est pas facile pour une entreprise de faire des changements dans une société qui ne suit pas.
On le fait, mais le travail de société ne fait que commencer. Et j’espère que ça ne va pas disparaître comme notre peur de la covid. J’espère qu’on cherchera à trouver des manières de vivre qui n’épuisent pas les troupes. De trouver cet équilibre. Parce que je comprends l’importance de travailler, de gagner sa vie, mais je ne comprends pas pourquoi travailler prend autant de place. Je ne comprends pas pourquoi on s’en rend malade. Le nombre d’épuisements professionnels par année aurait dû, depuis longtemps, nous sonner une cloche ! Je ne comprends pas pourquoi les plus vieux dédaignent le fait que certains veulent ralentir.