Est-ce que c’était vraiment la dernière élection où les partis parlent autant aux plus vieux? Qu’est-ce que ça veut dire?

De la politique pour tous, vraiment?

Quelques jours avant le scrutin du 3 octobre, j’ai fait un constat étrange : parmi tous les gens que je croise dans la rue ou à l’épicerie, près de la moitié vont voter pour la Coalition Avenir Québec (CAQ). Vraiment? Pourtant, les promesses sur le troisième lien, des seuils d’immigration bas (parce que plus serait « suicidaire ») et des baisses d’impôts semblent peu inspirantes… À qui parle si bien la CAQ pour obtenir un tel résultat? Et si c’était une question de génération?

Un fossé énorme

On voit clairement, dans les intentions de vote rapportées au cours de la campagne, le clivage entre les jeunes et le reste de la population. Quelques jours avant les élections, un sondage Léger rapportait que seulement 25 % des 18 à 34 ans prévoyaient voter pour la CAQ contre 48 % chez les 55 ans et plus (et 35 % dans l’ensemble de la population). Finalement, la CAQ a récolté 40 % des voix : parions que ce ne sont pas les jeunes qui ont gonflé le résultat!

Alors pour qui les moins de 35 ans comptaient-ils voter? Pour Québec solidaire (QS), à 35 %, un parti qui n’attire que 7 % des baby-boomers. Fascinant écart, n’est-ce pas? Selon Philippe Fournier, créateur de Québec 125, c’est une des rares fois au Québec que le clivage générationnel est plus important que le clivage régional (quoique le clivage régional était assez marqué pour que l’île de Montréal soit d’une tout autre couleur que le reste du Québec le matin du 4 octobre).

Des promesses pour qui?

Les partis se vantent tous de parler à l’électorat, mais qui est cet électorat? Chaque parti a sa niche, qu’on peut (grossièrement) résumer ainsi : la CAQ s’adresse aux gens plus âgés de la classe moyenne; le Parti québécois, aux souverainistes convaincus; QS, aux plus jeunes et aux gens de gauche; et le Parti libéral… il ne semblait pas savoir lui-même à qui il s’adressait cet automne!

Sachant que près de 50 % de la population du Québec a 45 ans ou plus, la CAQ a particulièrement un bon filon. Les baby-boomers, très nombreux, sont maintenant âgés de 55 et 75 ans (environ), et ce sont eux qui votent! En effet, toujours selon Léger, 90 % des 55 ans et plus avaient la ferme intention d’aller voter, contre seulement 56 % des 18 à 34 ans. Voyant le poids démographique des 55 ans et plus ET leur intention ferme d’aller voter, ce n’est pas surprenant qu’il soit payant de s’adresser à eux.

Le nouveau nationalisme francophone

Alors qu’a fait la CAQ pour courtiser cette tranche de l’électorat? Elle a misé sur le nationalisme, sa position depuis ses débuts, qui lui permet de s’éloigner du débat de la souveraineté sans renier les racines canadiennes-françaises. D’ailleurs, le jour du vote, le réputé New York Times a publié un reportage sur ce nouveau nationalisme basé sur l’identité conservatrice québécoise (donc les francophones « de souche »), qui vient exclure la plupart des personnes issues de l’immigration et les anglophones.

Cette stratégie fait davantage écho chez les plus âgés, qui ont vécu le rêve de la souveraineté et qui cherchent encore à s’affirmer devant le Canada anglais. Mais ce discours rejoint difficilement les jeunes, reconnus pour être plus ouverts que les générations précédentes. Vous reconnaissez-vous dans le nationalisme exclusif de notre premier ministre? Durant la campagne, j’avais souvent l’impression d’entendre quelqu’un qui côtoie peu de gens qui ne s’appellent pas Tremblay ou Laflamme. Quelqu’un qui voit la différence comme une menace, sans faire preuve de sensibilité. En quoi la différence est-elle davantage un danger qu’une richesse?

Le sort de la planète… après le sien

Et si on parlait d’environnement… sujet que les partis ont peu abordé. La CAQ propose des mesures peu agressives et, surtout, peu dérangeantes pour les citoyens afin de ne pas froisser sa base électorale. Pourtant, la lutte contre les changements climatiques est au cœur des priorités des jeunes. Nous voyons chaque année les conséquences de plus en plus graves du réchauffement de la planète et savons qu’il faut agir pour le bien de notre génération et des générations futures. Est-ce parce qu’on devra vivre avec les conséquences de notre inaction plus longtemps que nos parents et grands-parents que nous avons un plus grand intérêt pour la question?

Je me demande quel est le sort de notre génération en politique… Est-ce que, d’ici 20 ou 30 ans, notre individualisme l’emportera, et nous serons alors charmés par des promesses de type économiques et individuelles, comme celles de Legault en 2022? Ou serons-nous plutôt la génération sacrifiée de la politique qui verra, dans 30 ans, un nouveau projet de société rallier les jeunes, comme a pu le faire le Parti québécois avec l’indépendance?

Dans tous les cas, ce n’est pas tout de suite que les jeunes adultes seront courtisés par les partis politiques. Dans quatre ans, les baby-boomers seront encore très présents (âgés de 60 à 80 ans) et continueront d’aller voter en grand nombre. Le seul espoir : que plus de jeunes s’impliquent, dans tous les partis confondus, pour que notre génération soit davantage présente à l’Assemblée nationale et que nos préoccupations prennent une place plus importante.

Image de couverture via Unsplash
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