Paroles d’une immigrante

Le grand départ...

Et ça fait quoi de tout quitter ? De tout reprendre à zéro, comme un nouveau chapitre, une page qui se tourne sur une vie ennuyeuse et insipide ? Une idée, une phrase innocente dans une conversation houleuse, un nouveau projet qui émerge discrètement et s’impose, avec le temps, comme une évidence.

Vous l’avez déjà ressenti ? Ce besoin de se renouveler et de se dépasser, cette envie de se confronter à un autre monde et d'apprendre, toujours plus, des autres ? C’est une ritournelle incessante qui, une fois installée, ne disparaît jamais et vous pousse dans vos plus grands objectifs.

Depuis toujours …

Électron libre depuis ma naissance, sans attache, sans héritage, je me découvre au travers des voyages et des expériences loin de mon territoire. J’ai choisi un métier de vagabonde, restauratrice au gré des saisons, me permettant de découvrir nombre de pays et de régions.

Il faut comprendre que je viens d’une ville française magnifique, la belle Nîmes, chargée de coutumes et d’histoire. Cette terre, terre de mes ancêtres, m’a vu naître et grandir. Telle une plante sauvage, j’ai mûri sur son sol sans jamais prendre racine.

Une évidence !

J’ai eu la chance de poser mes pieds pour la première fois au Québec en juin 2019 dans le cadre d’un PVT (Permis Vacances-Travail). J’ai vécu cette aventure avec émerveillement, accompagnée de mon conjoint et de mon fils, Liam, âgé de 1 an à cette époque.

Même après toutes ces années, il m'est difficile de trouver les mots pour expliquer à quel point le coup de cœur pour cette région a été fort et transcendant. J’ai su, en peu de temps, que c'était ici, au Québec, que je voulais me donner une chance d’évoluer.

La bienveillance et l’ouverture d’esprit que j’ai toujours recherchées chez moi, la proximité de la nature, de la culture… Un sentiment de sécurité inconnu, une certaine stabilité financière et la sensation d’avoir trouvé un lieu propice à l’éducation de mes enfants, à l’épanouissement de ma famille. Finalement, c’était comme un rêve inavoué, assouvi par miracle au détour d’un joli coup du hasard.

Le COVID

La pandémie a été, pour notre famille, une réelle catastrophe financière. Nous qui vivions d’un rythme saisonnier, adapté à l’éducation de nos enfants que nous assumons à 100%, nous nous sommes retrouvés dans une situation complexe, dans notre propre pays.

On ne se relève pas, aucune porte n'est ouverte, nos métiers de la Restauration sont sous-payés (ironique pour le pays de la gastronomie) et nous devons choisir entre élever nos garçons ou travailler en coupure, sur 6 jours, pour un salaire décent.

La France, terre promise de tant de rêveurs, se meurt. Les français sont révoltés, épuisés, ils ne croient plus en notre République et fuient leurs provinces.

Se diplômer, travailler, à l’étranger, donne une grande valeur à nos profils et nous permet d’entrevoir un avenir plus prometteur lors de notre retour.

Nous savons tous que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs, mais l’espérer nous fait voir plus loin et croire en un meilleur lendemain.

Les démarches

Au-delà de l’appréhension, de l’incertitude, l’immigration est un parcours semé d’embûches pouvant mettre à mal le plus déterminé des participants.

Entre preuves de fond, casier judiciaire et lettre de motivation, la nuance est surprenante : la différence entre le rêve d’un Noël blanc et l’enfer administratif dans lequel on se plonge avec acharnement.

C’est avec détermination et beaucoup d’espoir que je me lance désormais dans le parcours du Permis d’études, avec comme but premier d’intégrer une formation en Infographie dans la ville de Québec. Un changement de vie intégral, radical, un coup de pied dans la fourmilière nécessaire à l’aboutissement de mes projets créatifs et professionnels. Je sais qu’à ce stade je ne devrais même pas en parler, mais l’attente est longue, le stress monte chaque jour un peu plus et je me noie dans un océan de documents plus barbants les uns que les autres. On parle d’une préparation sur plusieurs mois, de projets hypothétiques, mais riches d’ambition, de l’espoir d’une reconversion et d’une intégration réussie.

C’est la mise en vente de nos meubles, de nos véhicules, de nos souvenirs d’ici qui nous amèneront ailleurs… Sans aucune certitude que nos valises se poseront, en janvier, sur le sol canadien.

La vie n’est pas un long fleuve tranquille et, parfois, il vaut mieux apprendre à naviguer à contre-courant. S'intéresser, se renseigner… Nous sommes capables de retenir bien plus d’informations qu’on ne le croit, il suffit d’une phrase percutante et d’un peu de confiance en soi pour dessiner les prémices d’un nouveau destin.