Quand j’étais jeune, je voulais tellement habiter ailleurs qu’ici. New York, Los Angeles, Paris, Bali, ... Je croyais que ma vie ici était plate et sans avenir. Je croyais que les autres pays étaient tellement plus riches, autant en culture qu’en personne, en mode, en bouffe. Pourquoi je n’ai pas de plages ici, pourquoi je n’ai pas de grandes célébrités, d’événements exceptionnels, de gastronomie remarquable... J’avais hâte d’être plus vieille et de déménager dans un autre pays et de poursuivre une carrière dans le domaine de la mode, qui semblait établie partout sauf ici!
C’est maintenant, de haut de mes 20 ans, que je réalise que je suis bien ici. Je sais que ce n’est pas le meilleur endroit au monde, je n’oserais jamais faire une affirmation comme ça, mais on est quand même vraiment bien. J’ai réalisé qu’au Canada, on avait des chances que l’on n’a pas nulle part ailleurs. Assurance maladie, démocratie, éducation, et plus. Mais pas juste ça, on a la chance aussi d’avoir des opportunités, des services, de la liberté. Ici, on a de tout, et plus encore. On a des artistes talentueux, de la nourriture délicieuse et originale, de la mode avant-gardiste, des médias riches, des paysages à couper le souffle. Et on a le Tim Hortons.
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Je me suis souvent perdue entre mon identité québécoise et canadienne. Quand on me demande d’où je viens, je réponds Canada, mais aussi Montréal. Je parle français, mais aussi anglais. Je suis fière d’être les deux, mais des fois gênée d’être québécoise ou canadienne. On dit que quand on se compare, on se console. Quand je vois des Québécois sur les réseaux sociaux dire des bêtises, parfois j’ai honte, mais quand je regarde les Américains, j’ai mal pour eux. Je regarde les gens du Canada anglais par exemple, qui se font un malin plaisir de rire des francophones du Québec. Ou les autres pays qui nous disent trop polis en tant que Canadiens. Mais moi, je suis fière d’être allée à l’école en français, mais aussi d’avoir été élevée bilingue. Je suis fière d’aller à l’université, de choisir mon domaine, de pouvoir y aller à un prix raisonnable, pas trop loin de chez moi. Je suis fière de notre peuple, de notre culture, des chances que j’ai eues et des choses que j’ai apprises. Mais, j’ai aussi pris conscience récemment qu’on avait un chemin à faire sur plusieurs sujets, et que notre politique n’est pas toujours un cadeau (ça je le savais déjà). Le racisme systémique, le privilège blanc, la brutalité policière, l’inclusion des immigrants, l’économie. Par contre, je suis fière de nous, parce qu’on ne prend pas pour acquis ce qu’on a, on manifeste pour le Black Lives Matter, on manifeste pour l’environnement et pour l’éducation. On a des discussions difficiles dans les médias et on s’éduque sur les réseaux sociaux. Les gouvernements tentent de nous aider le mieux qu’ils le peuvent et de nous donner les meilleures chances afin de sortir de cette crise. On les juge beaucoup sur les décisions qu’ils prennent, mais encore une fois, quand on se compare avec les autres pays de partout, on se console.
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À 20 ans, je réalise que ma carrière sera autant réussie ici qu’ailleurs, que mes enfants seront élevés en français et en anglais; que si je me blesse, j’aurai des soins, si je veux voter en étant une femme, j’aurai ce droit. Je suis fière d’être une québécoise canadienne, avec ses qualités et ses défauts, nationaux et provinciaux, et je ne changerais pas ça pour rien au monde. Et s’il me prend l’envie de partir, je voyagerai jusqu’à temps que la maison me manque... parce qu’on est vraiment bien ici.