Dans dix ans, quand des petites âmes vont courir autour de ma cuisine et s'amuser à dessiner des fleurs sur le trottoirs; quand je serai occupée à faire des lunchs et à me préoccuper des impôts, de mon hypothèque et de ma facture d'électricité, je vais me rappeler des soirées floues où je me sentais éternelle. Je me rappellerai de cet âge où m'amuser était ma seule obligation.

Dans dix ans, je me rappellerai des soirées d'octobre passées dans un sous-sol mal éclairé; des nuits chaudes d'été défilant à toute allure en compagnie de personnes qui ont le soleil à la place du cœur. Je me remémorerai ces soirées passées à mal danser parmi les gobelets rouges épars sur le sol, à lancer des fausses notes dans l'univers et à oublier qu'il y aura un demain, un surlendemain et toute une vie après ce soir. Je me souviendrai ne pas penser à la seconde qui vient, à ne pas me préoccuper de la nuit qui avance comme notre taux d'alcoolémie.

amis qui rient verres à la mainSource image: Unsplash

Je me rappellerai du vertige agréable, de la douce désorientation, de l'enivrement de l'ivresse recherché pour le temps d'une soirée ou pour l'éternité. Je me rappellerai des idées absurdes lancées à deux heures du matin, qui finissent inévitablement en mauvaises décisions, mais qui feront les meilleurs souvenirs le temps venu. Je me souviendrai des jeux stupides auxquels ont jouait avec tout le sérieux du monde, des fous rire qui donnent mal au ventre, des petits verres contenant beaucoup d'alcool. J'oublierai sûrement les longues confidences, les débats inutiles, les paroles qui ne font pas beaucoup de sens. Mais je me souviendrai de ce grand sentiment d'infinité et de l'amour sans limite que je porte aux gens avec qui j'ai passé ces folles soirées, en ne sachant pas à ce moment là qu'elles seraient de l'histoire ancienne un jour.

groupe de personnes sur la plage en train de faire un feu de campSource image: Unsplash

Car immanquablement, la fatigue s'insinue sournoisement comme le soleil qui finit par percer la nuit. Cinq heures du matin. Les corps se tournent, se recroquevillent, s'étendent sur des surfaces plus ou moins confortables, mais qui conviennent le temps d'une courte nuit. Les vêtements de la veille, la tête qui tourne juste assez, l'haleine remplie de plein de mauvaises choses.

Le lendemain, le cliquetis des canettes jetées dans les sacs de poubelles, le déversement des fonds de bouteille dans le lavabo. Le ménage pour ranger la magie passée. Tout le monde qui se réveille,  ensommeillé. Les esprits qui vagabondent encore ailleurs, l'incertitude que tout ce qui a habité la nuit d'hier est réel ou imaginé.

Dans dix ans, quand je partagerai ma demeure avec un homme qui me fera comprendre pourquoi toutes mes relations précédentes étaient vouées à l'échec; quand je serai occupée à donner le bain aux petits et que je n'aurai plus le temps d'être insouciante, je me rappellerai de ces soirées. Et je vais m'en ennuyer.

Source image de couverture: Unsplash
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