Préambule : Je n'écris pas cette histoire afin d'attirer l'empathie des gens mais plutôt pour démontrer que la santé mentale peut toucher n'importe qui. Je crois qu'il est temps d'arrêter de se cacher et d'avoir honte face à notre santé mentale. En 2020, il est temps que la maladie mentale soit démocratisée au même titre que les maladies de types physiques.

Voici mon histoire.

Mon nom est Charlotte Harrison, j'ai 32 ans et je demeure depuis toujours en région. Je suis une comptable professionnelle agréée et ce, depuis bientôt dix ans. Au cours de mon parcours professionnel, j'ai été impliqué dans divers comités d'organisme sans but lucratif, j'ai même été jusqu'à prendre la présidence de la Jeune Chambre de commerces de ma MRC. J’ai également été l’une des trois fondatrices d’un club de professionnels dont la mission était de lever des fonds pour la santé mentale chez les jeunes. De plus, j’ai reçu le prix de recrue de l’année de la division régionale de mon ordre professionnel.

Jusqu'au début de ma vie adulte, j'ai eu un parcours ordinaire, heureux et pas compliqué. J'ai une famille aimante et heureuse qui provient de la classe moyenne élevée. J’étais heureuse, je faisais de la natation, du tennis, du théâtre et de l’improvisation. Le secondaire a été une époque un peu plus difficile, puisque j'ai été victime d'intimidation dès la première année. Ayant vécu dans une bulle de bonheur jusqu'à ce moment, je découvrais alors que les gens pouvaient être méchants sans aucune raison valable. Les intimidateurs riait de mes cheveux en disant que ceux-ci étaient grichoux, mais ils étaient plutôt frisés puisqu’en 2000, le fer à lisser n’existait pas. On me disait également que j’étais laide et que j’étais un garçon, puisqu’ayant une pigmentation capillaire plutôt foncée, mon poil était plus apparent. Je me souviens qu’un jour j’étais arrivée à l’école avec un chandail rose que j’adorais. Je l’avais repéré dans un magasin et je le trouvais si beau que ma mère me l’avait acheté. Le lendemain matin, j’ai décidé de le porter à l’école, j’étais si fière! Mon chandail je l’aimais. Mes collègues de classe ont ri de moi puisque mon chandail était rose et il disait qu’il était vraiment très laid. À partir de ce moment, je m’habillai presqu’exclusivement en noir afin de passer incognito. Ma confiance en moi fut anéantie. Je me disais que je devais être vraiment laide et une mauvaise personne, puisque j’avais été choisie comme cible par ses gens.

Je leur donnais raison et dans ma tête, Charlotte Harrison était littéralement une merde qui n’arriverait à rien dans la vie et qui n’aurait jamais d’amoureux. Le reste de mon secondaire se passa normalement, mais je demeurais effacée comme un fantôme afin de ne pas attirer les foudres des intimidateurs. Je ne fis aucune activité parascolaire et j’ai même abandonné la natation, sport que j’affectionnais le plus particulièrement. J’allais même jusqu’à dîner dans les toilettes afin d’être tranquille et ainsi ne pas avoir à affronter la cafétéria.

Mon arrivé au Cégep fût une libération. Je pouvais enfin être moi-même sans me faire juger. J'avais de très bonnes amies, plusieurs activités toutes plus intéressantes les unes que les autres et j'étais enfin pleinement épanouie. C'est d'ailleurs à cette époque que je rencontrai mon premier copain avec qui je suis restée 11 ans en couple.

couple paysage coucher de soleilSource image: Unsplash

La suite de l'histoire pourrait être considérée comme un conte de fée. Je suis entrée à l'université dans un domaine que j'aime et dans lequel je performais énormément. Dès la deuxième année de mes études universitaires, j'avais déjà un bel emploi qui m'attendait à la fin de mes études. J'ai reçu 3 bourses pour mon excellence scolaire. J'habitais désormais avec mon amoureux qui, lui aussi, avait un excellent emploi. Nous étions amoureux et nous avions un bel avenir devant nous. J'ai gradué l'université en 2011. Heureuse, confiante en l'avenir et avec une confiance en moi exceptionnelle.

Et puis, 2015 arriva.

Septembre 2015, mon copain et moi dormions encore. Je me suis réveillée, je l’ai regardé et lui ai dit qu'après presqu'onze ans de relation, je devais apprendre à vivre par moi-même et je l’ai quitté. J'avais vécu avec lui de 17 à 28 ans. Je m'étais formée, en tant qu'adulte, avec lui à mes côtés et j'avais besoin, à ce moment, d'apprendre à me connaître en étant seule pour un bout. Qui est la Charlotte adulte? Je n'étais pas capable de répondre à la question et j'avais un besoin viscéral de la connaître.

Durant environ 4 mois, je me suis fait un cercle d'amies avec qui je faisais plein d'activités, de sorties dans les bars et des sorties de filles, chose que je n'avais jamais fait. J'ai connu d'autres garçons, mais c'était seulement de passage, car je ne voulais rien savoir de m'engager. En janvier 2016, j'ai décidé que cette vie n'était pas pour moi et que mon copain me manquait, j'ai voulu tenter de revenir avec lui, mais j'ai vécu un choc total en apprenant qu'il était maintenant en couple avec une autre fille.

Ma descente aux enfers commença à ce moment. Qu'allais-je devenir sans lui qui a été si longtemps à mes côtés? Je perdais mon meilleur ami, mon confident, la personne qui m'a si longtemps consolée, celui avec qui j'ai vécu la meilleure période de ma vie. C'était fini.

Le soir de l'annonce de notre séparation officielle, j'étais tellement remplie de peine, d'anxiété, de mal être que j’ai terminé ma soirée à l'urgence. Hospitalisée en psychiatrie pour la première fois, mon séjour dura 4 jours. C'est à ce moment que je fis la rencontre de l'homme qui allait changer ma vie; le psychiatre Luc Cossette. Durant les trois années qui suivirent, j'ai eu plusieurs hauts et plusieurs bas. Des moments heureux et moins heureux.

Au travail, c'était extrêmement difficile, certains matins j'avais un mal de vivre tellement immense que je n'étais pas capable de me lever pour aller travailler. Lorsque j'étais présente au travail, j'avais beaucoup de difficulté à travailler, car la gestion de mes émotions était extrêmement difficile.

tristesse dépression femme rose douteSource image: Unsplash

Avec mon psychiatre, nous avons essayé plusieurs types de médication, certains me faisaient prendre du poids, d'autres me causaient des sauts d'humeurs, d'autres m'empêchaient de dormir. Diagnostiquer une maladie mentale est très complexe. Contrairement aux maladies physiques, il est impossible de faire des examens pour découvrir le problème. On doit se faire suivre pendant un bout avec un psychiatre. J'ai eu plusieurs diagnostiques au cours de ces 3 années, soit le trouble d'anxiété généralisée, la personnalité obsessive compulsive et le plus vraisemblable, la bipolarité de type 2.

J'ai commencé la médication pour la maladie affective bipolaire en mai 2018. Lentement, mais surement, je me sentais plus stable émotionnellement. Je recommençais à être bien avec moi-même; j'avais changé de travail et j'aimais mon nouvel emploi. Je fonctionnais bien, j'avais recommencé à rire. J'avais un cercle d'amis exceptionnels et j'avais constamment des activités à faire. En juin 2019, j'ai même décidé de partir en voyage au Costa Rica avec une amie durant 2 semaines. Ce voyage, je le rêvais depuis tellement longtemps, mais avant, je ne me sentais pas suffisamment forte mentalement pour le réaliser. Puisque je me sentais beaucoup mieux, j'ai fait le grand saut et j'ai fait un des plus beaux voyages de ma vie.

Depuis les 4 dernières années, j'avais eu quelques fréquentations amoureuses, mais rien de très long ni de très sérieux. Je ne croyais plus en l'amour et j'avais peur qu'une personne vienne briser ma quiétude. Fin juin 2019, je suis tombée amoureuse d'un collègue de travail, tout à fait par hasard. Ce n'était pas prévu, mais j'ai osé me lancer dans cette relation amoureuse. J'ai passé, avec mon copain, l'un des plus beaux étés de ma vie. Nous étions tellement amoureux et complices. Une relation saine, pas compliquée, aucune chicane. Je me disais qu’après toutes ces années de noirceur, j'avais enfin droit au bonheur. Moi, Charlotte Harrison, j'étais heureuse. Nous avions énormément de points en commun, le cinéma, la musique, les escapades. Pour la première fois de ma vie, notre relation était simple, avec lui c'était facile.

bonheur happy enseigne lumièreSource image: Unsplash

Mon copain avait deux jeunes enfants, que j’ai enfin rencontrés à l'automne 2019. Je n'avais jamais été une belle-mère et j'étais la première copine de papa qui leur était présentée. La rencontre avec les enfants se passa extrêmement bien, j’ai développé une très belle complicité avec eux, je les aimais énormément et c'était réciproque de leur part. J'étais comblée, nous étions une famille. Pour la première fois de ma vie, je passais un temps des fêtes heureux et exceptionnel. Je me suis même surpris à apprécier faire l'arbre de Noël et des biscuits du temps des fêtes avec les enfants.

Et puis 2020 arriva.

Pour la deuxième partie de mon article, on se retrouve demain!

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