J’ai longtemps cru que je me définissais par les émotions qui m’habitent. Longtemps cru que la rage qui vit dans mon cœur fait de moi un enfant sauvage. Un enfant qui ne s’est jamais permis de vieillir et qui maîtrise encore mal les émotions qui le submergent. Je croyais que ma colère s’en était prise à mes peines, à grand coup d’ego, et qu’elle les avait noyées dans le flot de mes mésaventures. Que ces peines-là venaient me hanter, comme un fantôme, et chuchotaient leurs adieux en attendant que la colère vienne reprendre la place.
J’ai plié en boules toutes les émotions négatives que je vivais et je les ai avalées. Mais ni le corps ni le cœur sont capables de les digérer. Et là je m’empoisonne par en dedans. J’ai de la souffrance qui me coule dans les veines. Je me suis annexée à ce mal-être là et il m’arrive parfois de le vomir sur les gens qui m’entourent. Elles sont devenues des parasites, mes émotions négatives, et je ne sais plus comment les faire sortir.
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Elles viennent créer des prétextes excusant mon inaction et les font tourner en boucle dans ma tête. C’est de la propagande, j’ai les distorsions qui font tout ce qu’elles peuvent pour que je finisse par les croire. Elles ont placardé des affiches tellement convaincantes que des fois je les vois même quand je regarde en dehors de mon corps. Si je ferme les yeux et que je me concentre, je les entends chuchoter. Encore un autre monstre dans ma maison hantée.
Je crois aussi que mes émotions fantômes ont pris le contrôle de certains aspects de mon corps. Qu’elles me voûtent pour mieux me posséder. Qu’elles s’arrangent pour que je projette de ma posture ce qu’elles essaient de me faire ressentir par en dedans. Elles viennent couper les conduits d’air qui se rendent à mes poumons et me donnent l’impression que plus rien ne fonctionne dans ma maison. Elles font sauter mon cœur de peur et me font croire parfois que je vais peut-être y rester.
Quelques fois, elles font jouer des films que je projette sur les autres. Ça me sort par la bouche et ça contient toute l’horreur qui se cache au fond de ma maison hantée. Je dois même fermer les yeux, j’ai souvent peur de regarder. D’être confrontée à l’idée que mon esprit est hanté et que je ne laisse personne le visiter.
Mais le pire, c’est quand elles me donnent l’impression que ce que je veux vraiment c’est de m’en aller…
Quand mon corps de souffrance devient trop lourd et que j’ai l’impression que je vais tomber. Quand mes émotions négatives et mes distorsions se nourrissent des derniers rayons de soleil qui me restent. Quand il fait noir, tellement noir, que le reste de mes sens s’endorment et que je ne suis plus capable de goûter le bonheur.
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L’appétit vient en mangeant, alors je finis par plus avoir envie de le goûter du tout.
Puis, parfois, je défais un des nœuds qui empêche mon conscient de me tricoter un filet de sécurité. On réussit à faire un petit bout de chemin, on réussit à aller mieux, l’espace d’un instant. Et si je travaille fort on me dit que je vais réussir à presque tous les défaire. Et que mes pensées négatives vont peut-être finir par se taire.