** Traumavertissement: Santé mentale. Des ressources d’aide sont listées à la fin de cet article.
Mon angoisse, elle est sournoise. Elle se cache, tapie dans l'ombre, attendant le moment propice pour surgir et te prendre par les tripes. Elle paraît d'abord inoffensive, comme une vieille amie qu'on retrouve de temps en temps pour un café. Elle arbore un grand sourire et porte ses plus beaux habits. Dans la poche de sa veste dernier cri, elle cache toutes les choses qui t'oppressent, qui te font peur et qui te font perdre l'équilibre. Elle les porte comme un gangster porterait son étui, à proximité du corps pour mieux s'en servir, paré à toute éventualité.
Mon angoisse, elle est sournoise. Elle surgit dans ma vie comme un bulldozer et ravage tout sur son passage. Une minute j'ai le sourire aux lèvres, le coeur qui bat la chamade et la vie devant moi, puis en l'espace d'une seconde, tout s'écroule. Mon bonheur passager laisse sa place à un épais brouillard noir, que mes respirations peinent à dissiper.
Mon angoisse, elle est sournoise. Je m'imagine à la plage, en train d'apprécier le soleil sur ma peau, l'eau salée qui m'entoure. Un coucher de soleil et de l'eau turquoise à perte de vue. Puis, d'un coup, sans prévenir, la mer s'agite. L'eau qui me caressait la peau quelques minutes avant me brûle désormais les yeux. Le soleil tape trop fort, comme s'il était plutôt en train de se lever. Puis je perds pied. La mer m'emporte, loin, très loin. L'eau s'infiltre en moi, m'empêche de respirer. Mes inspirations ne servent à rien, je me noie. Le ciel s'assombrit, et l'angoisse est là, entre deux nuages bien noirs. Elle sourit et me nargue.
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Je n'ai jamais été bonne nageuse. Ce n'est pas que je suis pessimiste, je suis juste réaliste. Si demain je me perdais en mer, mes chances de survie seraient très minces. Et chaque fois que ma gorge se serre et que mes yeux s'embuent, j'ai l'impression de me trouver au milieu de l'océan, entre ici et nulle part, et j'essaie d'atteindre le rivage. Je nage, mais ça ne suffit pas.
Je me considère comme une battante malgré tout. Je ne suis pas le genre qui se bat avec les poings, mais avec ma tête. Mon mental. Je puise dans la force qu'il me reste pour sortir la tête de l'eau, chaque fois. Et la plupart du temps, ça marche. Je parviens à rejoindre la rive, à sentir le sable sous mes pieds, à jeter le revolver loin dans la mer. Je persiste, parce que ma tête sait se battre. Mais alors que je pense m'en être sortie, mon angoisse surgit de nulle part, sournoise. Elle me pousse de nouveau à bout alors que je ne suis pas encore tout à fait remise de notre dernier affrontement.
Mais je n'ai pas le choix de continuer. Je n'ai pas le choix de rentrer sur le ring et d'abattre mon angoisse à coup de respirations, de mandalas et de textes un peu dépressifs. Je continue de me battre parce que je suis une éternelle optimiste. Je ne crois pas en grand-chose, mais j'ose croire qu'un jour, je mettrai K.O ma plus grande adversaire. Qu'un jour, je réussirai à anticiper ses coups et qu'un jour, je la jetterai à la mer, elle et pas moi.
J'ose croire que dans quelques années, les cicatrices sur mon corps constitueront tout ce qui reste de cette angoisse sournoise. Qu'elle n'aura plus aucun coin d'ombre pour se cacher, pour m'attendre. J'ose même me projeter loin, très loin dans le temps. Je me surprends à espérer qu'un jour, je n'aurai plus à l'affronter chaque fois que je suis heureuse. Peut-être qu'un jour je ne craindrai plus de la voir surgir à tout moment. Quand ça ira bien, ça ira bien. That's it. J'aimerais que ce soit vrai.
Peut-être que mon angoisse est attirée par la solitude qui me pèse. C'est vendredi soir et je devrais être heureuse. Je l'étais avant-hier, et hier. Mais ce matin, quand j'ai ouvert les yeux, je l'ai senti dans mon ventre, sournoise et grandissante. Ce soir, elle s'est faufilée jusque dans ma gorge, qu'elle tient serrée. Je peine à respirer, mais je ne lâche rien. Je remporterai ce combat comme j'ai gagné les précédents.
Mon angoisse est sournoise, mais je la mettrai K.O.
Ressources
- Pour les jeunes, il est possible de clavarder avec un professionnel de Tel-Jeunes par courriel, ou par téléphone en composant le 1-800-263-2266
- Pour tous, il est possible de communiquer avec Tel-écoute par téléphone au 514-493-4484 (Grand Montréal), ou auprès de Tel-Aide par téléphone au 418-686-2433 ou, sans frais, au 1-877-700-2433 (Capitale-Nationale, Bas Saint-Laurent, Gaspésie, Île de la Madeleine). Consultez l’Association des Centres d’Écoute Téléphonique du Québec pour connaître le centre d’écoute de votre région,
- 1 866 APPELLE (277-3553)
- Association québécoise de prévention du suicide