Je suis une fille de Montréal. J’ai grandi dans les ruelles de l’Est de la ville. J’ai joué sur les voies de chemin de fer. J’ai fait des igloos avec la neige sale du bord de la rue. J’ai nagé dans les piscines publiques parce que mes amis n’avaient pas de cour, donc pas de piscine. Mon enfance, je l’ai passé dans un quatre et demi au 2e étage. Et j’ai aimé chaque seconde (sauf pour la piscine). 

Je n’ai jamais eu à prendre le bus scolaire, sauf pour les sorties extérieures. Je possédais l'ancêtre de la carte Opus à 12 ans. Aller au Centre-Ville, ça ne me faisait qu’un tout petit peu peur. J’ai été au Cégep St-Laurent et à l’UQAM et j’ai manifesté juste assez. J’ai dansé au Café Campus, à La Shop et au Saphire, pour pouvoir profiter des shooters à 1$ le jeudi. J’ai chanté à tue-tête les chansons du film Moulin Rouge dans la rue foisonnante avec ma gang d’amis trop extravertis. J’ai eu trop chaud dans un festival et fait semblant d’aimer ça. J’ai habité sur la même rue que ma meilleure amie. 

Tout ça, dans ma belle métropole. 

Maison de ville

Source de l'image : Unsplash

Puis, j’ai eu un copain. Un gars de région bien trop gentil pour moi. Puis, on a fait comme tout le monde en pandémie et on a acheté une maison. En banlieue. Sur la Rive-Sud. Parce que l’immobilier en ce moment, c’est une montagne de petits cacas, et qu’acheter à Montréal c’est une épopée pour plus riches que nous. 

Ma maison, je l’aime. Elle a eu besoin d’amour, mais elle craque juste aux bons endroits. La banlieue, je n'en suis pas encore certaine. Je suis une dame avec un permis temporaire qui a toujours pu se déplacer comme une grande en transport en commun. La banlieue restreint mes mouvements. Je m’ennuie de mon café à la marche et de mon bar de quartier. Je m’ennuie de mes ruelles, des fois vertes, des fois non. Je m’ennuie de la spontanéité des rencontres. Je sais, je suis un cliché de fille de ville. 

Je dois l’avouer, il y a certes des avantages! Maintenant, j’ai une cour et, si tout se passe bien, je serai l’amie avec une piscine (mon rêve). J’ai de la place. Mon chien peut vivre sa vie de chien un peu mieux. J’ai de la verdure en masse et les insectes qui vont avec. J’élabore des projets de rénovation pour toute une vie. Cette maison, elle est à nous. Elle va nous voir devenir un peu plus ridés. Elle va nous voir prendre tous les tournants. Que ce soit en ville ou ailleurs, je suppose que c'est ça l'important. 

Les blues perdureront cependant pour un petit moment encore. Et je pense que c’est normal. Je vis un mini deuil. Après tout, Montréal a été mon terrain de jeu pendant 30 ans. Je vais seulement devoir apprendre à aller faire mes mauvais coups ailleurs. Dans le fond, ce n'est pas si mal que ça. 

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