Cinq ans après la mort de mon mari, me voilà dans un nouvel endroit, le CHSLD. Et oui ! Je suis rendue là bien malgré moi. Après avoir fait une chute me causant plusieurs fractures et une réadaptation difficile, me voilà ici, dans une petite chambre avec très peu de choses m’appartenant, ayant comme voisin, des inconnus.

Je ne comprends pas pourquoi je suis ici. Ma fille me dit que dû à mon incident, j’ai perdu de l’autonomie et que je ne pourrai pas retourner à mon ancienne résidence. Donc pour mon bien, je dois rester ici et qu’ils vont prendre soin de moi. Son petit air triste me laisse indifférente. Pourquoi le serait-elle ? Je ne resterai pas longtemps ici de toute façon. Je vais un jour retourner chez moi.

Bien voyons maman, tu es chez toi, me dit-elle. Il est où ton chez-toi ? Je ne sais pas, mais je vais y retourner. Ton père et les petits vont venir me chercher. Elle me regarde avec un air songeur, mais ne place pas un mot, m’embrasse et me dit qu’elle va repasser un autre jour.

Quelques semaines sont passées. Finalement, j’aime bien ça.

Je sors beaucoup de ma chambre pour rencontrer des gens, manger et faire des activités. Je me chicane, parfois, avec une voisine que je n’apprécie pas du tout. Je sale mes aliments alors qu’avant, le sel n'était pas au cœur de mon assiette. Les prunelles de mes yeux l’ont remarqué et me posaient des questions auxquelles je leur répondais que j’avais toujours fait ça et de me laisser tranquille.

Ce qu’elle fut. Mes filles me disent souvent d’arrêter de faire ma malcommode et d’être gentille avec les personnes sur l’étage. Sans compréhension de ma part, j’essaye très fort, mais c’est difficile de me contrôler. Pourquoi me posent-elles toutes ces questions ? Je ne me sens pas différente d’avant. Au contraire, je suis la même.

Du jour au lendemain, le personnel m'a enfermée dans ma chambre.

Pourquoi je dois rester là ? Ils me disent que j’ai attrapé la Covid et que je dois rester ici. Je me fâche après eux. Ils n’ont pas le droit de m’enfermer sans me dire la raison ! Karine et Nancy essayent de me calmer et de m’expliquer pour la centième fois que je suis malade et très contagieuse pour les autres. Je veux sortir !

Plusieurs jours passent, plus lourds les uns que les autres. Mon ennui fait place à la peine. Je pleure et pleure sans être capable de m’arrêter. « Personne ne vient me voir ! » - dis-je à ma plus jeune au téléphone. Ne pleure pas maman, je ne peux pas te rendre visite, tu es malade ! Tu sors demain, en attendant, sois patiente et ne pleure plus.

Les appels déboulent pour me consoler. Ça fait du bien. Demain, je sors enfin !

La liberté. Après des jours interminables, débordant d’émotions, je peux enfin vaquer à mes occupations.

Recommencer à parler aux autres, manger en leurs compagnies et continuer à jouer aux cartes. Ah!!! Ça me manquait ! Mon prochain objectif sera de retourner chez moi avec mon mari et mes petits. Finir ma vie, en ayant le bonheur qu’il me manque depuis longtemps.

Image de couverture de Sergi Dolcet Escrig
Accueil