Je vous partage mes mots en espérant qu’ils vous touchent. Je vous partage mes mots parce que tant de femmes m’ont avoué être aussi passées par là, parce que chacune d’entre elles souhaitait me partager son histoire. Je vous partage mes maux pour me décharger un peu de ceux-ci, pour aller mieux un jour moi aussi…
Je ne me souviens pas exactement quand j’ai eu avec lui la conversation pour la toute première fois, mais il a toujours été clair pour moi qu’on aurait un enfant ensemble. On s’est décidés un peu sur un coup de tête, à un moment qui nous semblait opportun et qui voulait s’aligner avec nos projets. J’ai fait un premier test qui était négatif et j’étais déçue, vraiment, parce que j’avais tellement envie que ça fonctionne.
Je me suis levée un matin, quelques jours plus tard, avec la certitude que le test s’était trompé. Je le sentais, mon petit colimaçon, je pouvais le voir avec mon cœur. J’ai donc repassé un test et pas de mensonge cette fois-là, le test disait la vérité. Mon petit colimaçon était vraiment venu nous visiter.
Les semaines se sont suivies et il y avait plein de belles surprises à chaque fois. Des nausées, de la fatigue (tellement de fatigue), des maux de tête, des chutes de pression, etc. Il était là et il voulait de l’attention, mon petit colimaçon. J’avais tellement hâte de le voir, j’étais tellement inquiète. J’y croyais sans y croire vraiment, tant de choses pouvaient mal se passer…
Je me suis présentée à mon premier rendez-vous de suivi de grossesse à 11 semaines et quelques jours, vraiment contente d’enfin le voir et l’entendre. Je répondais à toutes les questions de la gynéco clairement, heureuse et souriante. On a essayé d’entendre le cœur. Rien. Mais ça arrive, qu’elle dit, il est peut-être juste mal placé. Puis c’était le temps de l’échographie.
Ils ont cherché longtemps, une éternité, avant que tout soit silencieux. Personne ne disait rien, mais ça voulait tout dire. La gynécologue m’a demandé si j’avais eu des saignements ; non, rien du tout. Elle me dit que la grossesse s’est arrêtée depuis plusieurs semaines. «Je ne suis pas enceinte?» Elle me rassure et me dit que je l’ai bel et bien été, ou que je me suis peut-être trompé dans mon calcul des semaines. Moi de mon côté, je ne suis vraiment pas rassurée. Elle m’envoie à l’hôpital faire un autre écho, au cas où. Je ne sais pas au cas où de quoi mais on part aussi vite que possible, comme si ce temps-là allait nous le ramener. J’ai mal au cœur. J’ai mal au cœur…
Arrivés à l’hôpital, on nous fait attendre dans une salle. La technologue m’assure qu’il n’y a pas de bébé de 11 semaines là-dedans elle me dit qu’un gynécologue va venir me parler. Je suis assise dans une pièce qui résonne de mon inconfort et j’essaie de rester agrippée à mon chum. Le gynéco entre dans la pièce et me dit : «Ça arrive, 15% des femmes font des fausses couches.» Il n’est pas stressé pour moi, ça devrait bien se passer. Il me donne une prescription, me dit que je peux attendre d’évacuer tout ça naturellement, ou provoquer sa sortie.
Provoquer sa sortie, comme si il n’avait pas été la bienvenue. Comme si je lui demandais volontairement de partir.
Je décide de ne pas prendre la prescription tout de suite, je décide d’attendre.
Mon petit colimaçon a décidé de sortir à un moment magique. J’étais couchée avec mon chum devant le feu dehors, on s’aimait comme on sait le faire, puis je l’ai senti partir. J’ai pleuré encore un peu, et finalement j’ai pleuré beaucoup.
J’ai passé la semaine suivante à essayer d’aller mieux. Je suis allée en camping avec des amies. Loin de tout, sur le top d’une petite montagne avec vue sur le Saguenay. Quand on est revenues en voiture, j’avais mal au ventre. La chanson maudit bonheur a commencé à jouer dans la voiture, moi je me suis remise à pleurer. Le bonheur c’est un sans cœur …
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Quand je suis revenue à la maison j’ai téléphoné 811 parce que mes crampes étaient douloureuses. On m’a dit que c’était normal, on m’a dit de me présenter aux urgences si les saignements empiraient.
Autour de 9 h ce soir-là, je parlais avec mon chum dans le salon quand je l’ai sentie, la vague de panique qui me coulait entre les jambes. J’ai couru jusqu’à la salle de bain, il y avait du sang partout. J’ai pris ma douche, mais rien à faire. Un flot continu de débris, en GRANDE quantité. J’étais paniquée, on était paniqués. Lui voulait appeler l’ambulance, moi non. Il m’a enroulée dans un tas de serviettes et une robe de chambre, il m’a assise dans la voiture. J’étais étourdie, je ne me sentais pas bien, j’avais des nausées.
Ils m’ont passée au triage en me posant plein de questions pendant que mon chum insistait sur le fait que je devais être vue rapidement. «Calmez-vous» qu’on lui a dit. J’ai commencé à vomir. On me dit qu’on va m’installer sur une civière, mais que mon chum ne peut pas rester avec moi. Je suis toute seule. Tout bouge autour de moi, mais pas moi. Je mets les deux couches que j’ai demandées et je m’assieds sur le lit. Il y a du sang par terre en dessous de moi, il y en a plein sur la civière. Je suis vraiment étourdie. Je décide de sonner, parce que je me sens vraiment paniquée et que mes deux couches débordent.
L’infirmière me regarde, elle m’envoie directement dans la salle avec le médecin. Il y a plein de gens autour de moi. On me branche plein de choses dans les bras, on me couche la tête par en bas. J’ai perdu trop de sang, c’est dangereux, qu’on me dit. Je suis sale, je suis nue, je suis vulnérable et je suis triste. Mais je suis aussi complètement dissociée (une chance).
On a fini par m’envoyer au bloc opératoire pour un curetage d’urgence. Les médecins et la gynécologue ont été incroyables. J’étais seule, mais je me suis sentie prise en charge tout au long de mon aventure. J’ai passé une journée à l’hôpital pour me remettre tranquillement de l’intubation et de l’anesthésie. La gynécologue est passée me voir pour m’expliquer ce qui s’est passé et me rassurer sur mes prochains essais bébé. Elle a bien fait sa job, mais je ne suis pas rassurée…
Je ne sais pas à quel niveau sera mon angoisse lors de la prochaine grossesse, jusqu’à quand je vais avoir peur que mon petit colimaçon soit un mirage. Y’a plein de gens qui me disent que je n’ai rien perdu, pourtant je me sens parfois complètement vide.
J’essaie de faire confiance à la vie, je ne laisserai pas le bonheur avoir ma peau. Mon cœur a pris l’eau, et je prends le temps de le laisser remonter sur son bateau avant d’accueillir mon petit colimaçon de nouveau.
Pour toutes les familles qui vivent un deuil périnatal, je trouve important de vous dire que votre sentiment est valide. Même si les gens vous disent que vous n’avez rien perdu, qu’il y aura plein d’occasions, que ça arrive à 15% des femmes, ça ne change rien au fait que c’est un deuil et que vous devez vous permettre de vivre chacune des étapes. Je ne sais pas si vous êtes en colère ou en train de marchander en ce moment, mais je vous envoie tout l’amour qui me reste.