Comme nous vous l’expliquions dans la première partie, nous apprenons à être en relation aux autres, dans la relation d’attachement. L’attachement est la relation significative que l’enfant va tisser avec les personnes qui s’occupent le plus de lui, généralement ses parents. 

Les expériences que nous avons vécues dans l’enfance au sein de la relation d’attachement nous amènent à développer des croyances vis-à-vis nous-mêmes et envers les autres. En avançant dans la vie, nous aurons tendance, sans le vouloir, à chercher à confirmer ces croyances bien ancrées, qu’elles soient positives ou négatives. Par exemple, si mes parents étaient distants, froids et qu'ils ne savaient pas comment me rassurer quand j’étais en détresse, j’aurais tendance à penser que les gens en relation avec moi vont avoir ces mêmes comportements. Je vais donc moins compter sur les autres, moins avoir confiance que l’autre peut prendre soin de moi, et ce, de façon irrationnelle. C’est-à-dire qu’il se peut que mon partenaire soit ultra-rassurant et fiable, d’un point de vue extérieur, mais que je ne le perçoive pas ainsi. Ceci pourrait m’amener à moins partager ce que je vis émotionnellement avec mon ou ma partenaire. Ce faisant je ne lui laisse la chance d’être soutenant et je continue à croire qu’en effet les autres ne sont pas soutenants. Que je ne suis jamais mieux servi que par moi-même. À l’inverse, si mes parents étaient présents, rassurants, valorisants et aimants, j’aurais développé une image positive de l’autre et de moi-même : je me considérerais comme une bonne personne, digne d’amour, et j’aurais confiance que les autres sont également de bonnes personnes fiables et de confiance.

Ainsi, j’aurai tendance à choisir un.e partenaire qui me respecte et me valorise (je suis sûr.e que je vaux la peine !) et j’aurai de la facilité à m’ouvrir et à faire confiance à mon/ma partenaire.

En couple, cela pourrait avoir différents impacts. Par exemple, si je ne me suis pas sentie aimée ou désirée dans mon enfance, j’aurai de la difficulté à croire que je suis maintenant une personne digne d’amour. Je pourrais alors inlassablement demander à mon ou ma partenaire de me rassurer, alors qu’en réalité, cette croyance est si forte et si lointaine qu’elle n’est pas «rassurable», comme un puits sans fond. Mon ou ma conjoint.e pourrait alors avoir l’impression qu’on lui fait une demande à laquelle c'est impossible de répondre et se sentir continuellement insatisfaisant.e à notre égard. Nous lui faisons en réalité porter le poids d’une blessure du passé. En effet, c’est notre partenaire qui en vient à se sentir insatisfaisant.e, alors qu’en réalité, c’est un sentiment qui nous appartient. 

Vous pouvez imaginer les difficultés au niveau de la communication que ça peut occasionner. Dans nos bureaux, nous pouvons observer des partenaires frustrés de voir que leur conjoint.e doute d’eux, alors qu’ils sont généralement présents, qu’ils ont l’impression d’être « jamais corrects » aux yeux de l’autre alors qu’ils se démènent pour faire leur part et répondre aux attentes de leur partenaire. Nous voyons comment chacun des partenaires du couple est bien intentionné, mais que le couple s’enlise dans des impasses relationnelles qui se répètent inlassablement. Des petits accrochages du quotidien montent en épingle, puisqu’ils viennent réveiller des blessures du passé, inconscientes et non résolues. En effet, derrière des reproches tels que : «Tu travailles trop !» ou «Je ne suis pas important.e pour toi.», il y a souvent des besoins d’attachement non comblés (besoin de sécurité, besoin de proximité, etc.) et mal exprimés.

De même, si j’ai grandi auprès de parents peu disponibles pour répondre à mes besoins et que j’ai appris à être fort.e et autonome très jeune, j’aurai tendance à croire que les autres ne peuvent pas être là pour moi et que mieux vaut se débrouiller seul dans la vie. En couple, j’aurai peu tendance à demander du soutien et je pourrais avoir comme réflexe d’envisager la rupture dès le premier accrochage. Évidemment de tels comportements peuvent amener beaucoup de détresse chez le partenaire qui cherche à être soutenant et qui se sent constamment rejeté et menacé de séparation.

En thérapie de couple, la dynamique typique qui est le plus souvent observée au niveau des enjeux d’attachement est celle de poursuite – retrait.

Imaginez un conjoint qui souffre de ne pas s’être senti suffisamment aimé dans l’enfance, il cherche constamment à valider l’amour que l’autre lui porte. Son conjoint qui, pour une expérience similaire, a plutôt développé une stratégie où il n’attend plus rien de l’autre, se débrouille seul et a besoin d’une grande distance pour être confortable. Un jeu du chat et de la souris s’installe alors : plus le conjoint qui cherche la proximité se rapproche, plus celui qui se débrouille seul s’éloigne. Ces conjoints n’arriveront à sortir de l’impasse que lorsqu’ils pourront adéquatement exprimer leurs besoins (p. ex. «Je me sens seul.e, j’aimerais que l’on passe du temps ensemble» ou «J’ai besoin de mon espace, ce n’est pas que je ne t’aime plus, j’ai juste besoin d’un peu de liberté») et ensuite, arriver à un équilibre.

Loin de nous la prétention de vous résumer en quelques paragraphes tout ce qui a trait à l’attachement, c’est un sujet très vaste et riche qui a une place très importante en psychologie. On souhaitait juste introduire l’idée que la relation qu’on a vécue avec nos parents exerce une influence importante sur notre façon d’être en relation amoureuse.

Les besoins d’attachement sont sains, humains et naturels. Les mécanismes d’attachement sont profondément ancrés dans nos gênes et l’espèce humaine a survécu à l’évolution entre autres parce que les mères se sont attachées à leurs bébés et en ont pris soin. Cette survie dépend aussi du fait que les conjoints se sont attachés l’un à l’autre pour permettre à leur progéniture de survivre! C’est la façon de les exprimer qui est parfois problématique. La prise de conscience de nos enjeux d’attachement aide à départager ce qui vient de notre histoire de vie de ce qui vient de la relation actuelle avec notre partenaire.

Dre Aline Gauchat, Ph.D., psychologue
Dre Nathalie Gauthier, Ph.D., psychologue
Source de l'image de couverture : Unsplash
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