Hey salut mon corps, ça va ?

On se connait depuis un petit moment déjà, toi et moi. Depuis 22 ans, pour être exacte. Ça en fait ça, des secondes. Et je t’écris parce que y’a des choses que je veux mettre au point. Des choses dont il faut que je m’excuse, et d’autres dont il faut que je te remercie. En fait, prends ça comme une tentative de réconciliation avec toi, mon p’tit corps. 

On en a vécu des affaires ensemble : des p’tits et de plus grands bobos quand nous étions enfants, des petits rhumes, des grippes, des p’tites et des grosses émotions. Ça, c’est un des premiers «merci» dont je veux te faire part ; tu m’as permis de grandir comme il faut pour devenir la personne que je suis aujourd’hui, en santé et en possession de mes moyens (ou presque).

Avec ceci vient également ma première excuse, puisque parfois, et même souvent, à la place d’être reconnaissante pour toi, mon corps qui m’a fait grandir, je t’ai dénigré, insulté, j’ai été fâchée contre toi. Alors que tu t’adaptais à la vie adolescente et adulte, je t’ai tantôt affamé, tantôt beaucoup trop rempli, j’ai poussé tes limites en t’entraînant beaucoup trop fort, j’ai voulu te frapper, te déchirer, j’ai voulu sortir de toi. J’ai voulu te contrôler, toi et tes foutus changements. 

De retour aux remerciements : je te remercie justement d’être passé au travers de ces moments-là. Parce que bien qu’il y ait eu des bouts plus durs, et bien dans les bons moments, tu as été incroyable. Tu m’as permis de battre des records personnels en nage, en course, en sport d’équipe. Tu m’as permis de goûter à d’incroyables plats, tu m’as permis de garder d’excellentes notes à l’école, de développer ma créativité, de faire du théâtre, bref, de vivre pleinement ma vie au secondaire. 

Pour la suite, j’avoue que tu m’as fâchée, et je m’en excuse de t’en vouloir pour ça. Tu t’es mis à te sentir nerveux, tu m’as fait manquer de souffle souvent, tu m’as faire vivre des palpitations, des sueurs froides, du vertige, bref, de la grosse panique. On s’est mis ensemble à faire de la bonne vieille anxiété. Encore ici, j’ai souvent voulu prendre une pause de toi, quelques instants. Aujourd’hui, ça va mieux. Je comprends que ce n’est pas de ta faute, et surtout que c’est pas grave. On sait maintenant comment gérer ça. Et je nous dis bravo. 

Je ne vais pas te mentir ; avec la vie adulte qui commence à se faire de plus en plus concrète, tu m’en fais encore vivre, des changements. Tu t’es décoré de petites vergetures, de cellulite, tu gigotes plus qu’avant, tu chiales un peu quand je force trop les genoux, tu es plus exigeant au niveau du sommeil, etc. Et je n’en suis pas toujours ravie. Il m'arrive encore de retourner dans mes anciennes habitudes. J’ai de la misère avec la gestion de la nourriture, je t’affame encore des fois, je te remplis encore trop aussi des fois.

Par moments, j’ai de la misère à te regarder; tu me dégoûtes un peu. Et ensuite je me dégoûte de penser de même. Pourquoi est-ce que je ne pourrais pas simplement te regarder et dire « wow! » ? Pourquoi est-ce que je voudrais ressembler à telle ou telle autre fille, pourquoi je te compare constamment, pourquoi est-ce que te voir te développer me fâche et me dérange autant ? La réponse, je ne l’ai toujours pas. Mais j’ai pu y réfléchir, et me rendre que l’amour de soi, le fameux self-love, est difficile à atteindre. Je sais que je ne vais pas me réveiller un matin en te trouvant soudainement magnifique, cher corps.

Par contre, maintenant plus que jamais, j'apprends à te respecter. Même si ton allure parfois me dérange, même si tu me fais ballonner à cause du stress, même pour toutes ces choses-là et bien d’autres, je respecte la façon dont tu me permets de rire, de goûter, de sentir, de bouger, d’aimer, de m’adapter, bref, de vivre. Et je t’en remercie. 

Alors, cher corps, je finis donc ceci par une promesse : je te promets de continuer à te respecter pour toutes ces nombreuses secondes qui nous restent ensemble. Et je te promets qu’un jour, je vais être capable de te regarder pleinement et te dire «wow». 

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Source image de couverture : Unsplash
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