Lettre à mes filles - Le Cahier

Parce que vous êtes nées filles, j’ai aujourd’hui envie de vous expliquer pourquoi nous aurons toujours une relation particulière. J’ai envie de vous raconter aussi comment je me sens, comment je vous vois, mais force m’est d’admettre que je devrai aussi vous mettre en garde. Pas le genre de mise en garde un peu boboche qu’on donne parfois, non, le genre de mise en garde qui pourrait vous sauver. En 2021, on aurait cru que se serait désuet, mais malheureusement, ça ne l’est pas.

J’ai le cœur qui explose de fierté en pensant à vous. Vous êtes, avec vos frères, ma plus belle réussite. Vous êtes uniques et oh! combien formidables dans votre unicité ! Vous avez toutes grappillées ça et là, un peu de nous, parmi tant d’autres pièces détachées de la vie. Et vous avez posé une à une des brindilles qui ont fait de vous les filles et femmes que vous êtes.

Source de l'image : Unsplash 

Hommage à vous, mes toutes belles.

Mon ainée… Tu es si forte, courageuse et indépendante. Tu fonces, mords dans la vie et rien ne t’arrête. Tu t’es construite pratiquement toute seule... Les aléas de la vie auront fait que tu es partie loin beaucoup trop tôt, enfin pour mon cœur de mère. Je comprends que pour devenir la splendide femme que tu es aujourd’hui, tu as dû t’exiler pour ne pas être ensevelie par mes choix. Je devrai vivre à jamais avec cette culpabilité et j’espère du plus profond de moi que tu sais à quel point tu es chère à mon cœur.

Ma deuxième fille… Celle qui n’aura jamais eu de position définie. Celle qui est arrivée si vite et à qui je me suis toujours sentie triste de n’avoir jamais pu donner l’exclusivité. Tu es effacé et demandes si peu. Pourtant, tu es disposée à donner un coup de cœur chaque fois qu'il est nécessaire. Pour autant que ça ne te force pas à sortir de ta zone de confort. Parce que, bien que tu sois intelligente, sage, et que ton cœur soit aussi grand que le monde, je n’ai pas su trouver la façon de te faire croire en toi comme il se devrait.

Ma troisième… Ma princesse portugaise… Tu es notre rayon de soleil, MA mini enjouée, qui a maintenant un peu le regard triste. Gonflée d’une histoire si riche pour le petit bout de femme que tu es. Tu es d’une douceur et d’une gentillesse infinies, à un point tel que j’ai parfois peur que notre monde ne finisse par te croquer tout cru. Je n’ai pas pu faire ce qu’il fallait pour te protéger du laid, toi qui es si jolie. J’espère que cette noirceur qui cache ton soleil partira bientôt.

Ma quatrième… Tu seras devenue une enfant alors que tu devais être un bébé. Une ado alors que tu devais être une enfant. Tu es drôle, enjouée et dotée d’une telle maturité. Sous ton regard éclairé, tu as une capacité d’analyse immense. La vie t’aura fait grandir vitesse grand V et je peine à suivre ta course effrénée vers le monde des grands. Toi aussi, à ta façon, tu as dû faire des choix pour atteindre le bonheur. Ce bonheur si glissant que personne n’arrive à saisir, tu le prends à bras le corps.

Source de l'image : Unsplash

Je suis fière de vous.

Vous êtes ce que le monde porte de plus beau. Vous êtes le beau d'aujourd’hui et le demain. Le présent et le futur, le grand et le très grand. Mais, mes toutes belles, il vous faudra faire attention. Vous serez obligées, bien malgré vous, de parfois vous faire une carapace. De parfois devoir vous mettre un masque d’indifférence, mais aussi parfois de monter au front. Parce que le monde est encore laid et injuste pour une femme.

Parce qu’encore aujourd’hui, vous entendrez des jokes de culs salaces qui vous friseront le poil des bras. Parce que tout part de l’éducation et il y en a encore qui pensent qu’être viril, c’est parler avec ses couilles et pas son cœur. Vous allez aussi réaliser que souvent, il faut jouer une « game » malsaine pour arriver où l’on veut.

Mais, mes superbes, il vous faudra continuer votre chemin. Coute que coute, vous devrez avancer en gardant les épaules droites. Parce que oui, encore aujourd’hui, ou ce soir, vous devrez presser le pas si vous vous croyez suivi. Vous réfléchirez à deux fois avant d’aller à la toilette publique si la lumière est brûlée. Vous éviterez de passer par un parc sombre pour sauver du temps. Tout cela, par peur.

Et une fois adulte, vous vous sentirez un peu obligées d'être doucereuse avec votre patron misogyne pour qu’il vous donne un avancement. Vous ferez l’idiote avec votre avocat en espérant qu’il donne son 200% à la barre. Vous allez devoir essayer de faire comprendre à un homme, et ce plusieurs fois, qu’il ne vous intéresse pas, parce qu’il ne veut rien entendre.

Source de l'image : Unsplash

Je serai toujours fière de vous.

Mais, mes toutes belles, il n’en tient qu’à vous de faire changer les choses. Un petit peu à la fois. Je vous aurai répété un nombre incalculable de fois que le monde est à vos pieds, que je suis fière des femmes que vous deviendrez/êtes, que rien n’est impossible. Alors, foncez, mais soyez prudentes. J’écris ces lignes et mon cœur se serre de dégoût. On devrait avoir déjà mis ces craintes derrière nous.

Je ne vous souhaite pas de vous trouver un amoureux, de fonder une famille et d’être heureuse. Non, je vous souhaite de vous épanouir, de rêver, de vivre à 200 à l’heure. Je vous souhaite aussi de vous dépasser, des passions à rendre fou, de toujours avoir l’œil étincelant. De carburer aux défis, des histoires d’amour colorées, des voyages. Que vos cinq sens vous guident ; touchez, goutez, humez, écoutez, regardez… Mais, avant toute chose, aimez…