La nouvelle fait le tour du monde en ce moment : les nageuses nées hommes et devenues femmes après avoir atteint la puberté ne pourront pas concourir dans les catégories féminines de la FINA, ni établir des records mondiaux. Certains sont choqués, d’autres soulagés, mais peu de personnes sont indifférentes à la nouvelle, autant dans le monde de la natation que dans la communauté LGBTQ+.

En tant qu’ancienne nageuse de compétition, quand j’avais suivi toute la polémique entourant les victoires et les records de la nageuse américaine Lia Thomas de l’université de la Pennsylvanie, je m’étais posé de nombreuses questions. Plusieurs s’opposaient à la participation de Thomas aux courses de la NCAA. Sur cette question épineuse, de nombreux médias LGBTQ+ ont préféré garder le silence et j’étais là, à me questionner sur ma position face à tout ceci. Ce n’est pas la première fois que la présence d’une femme trans au sein de compétition féminine dérange, alors que la présence d’un homme trans choque souvent moins. Mais c’est la première fois que ça semblait si près de moi, dans un milieu sportif qui me passionne. En premier lieu, j’ai toujours envie de crier haut et fort qu’on leur laisse leur place, qu’ils y ont droit comme tout le monde. Puis, je pense à celles qui nageaient, dans le cas présent, contre Lia Thomas et j’ai ressenti un grand inconfort. Comment faire en sorte que Thomas puisse pratiquer le sport qu’elle aime sans que ses victoires légitimes aient un goût amer pour d’autres ?

Dimanche, c’est Husain Al-Musallam, président de la Fédération internationale qui a pris une décision en premier dans ce dossier chaud. Lors de l’annonce, la FINA s’est mise de l’avant comme la première fédération sportive qui met en place une catégorie ouverte afin de s’assurer que les athlètes transgenres puissent prendre part à des compétitions. Toutefois, ceci vient aussi avec la nouvelle politique d’inclusivité de la FINA qui va exclure un grand nombre de nageuses trans des courses d’élites féminines. 71 % des fédérations de natation nationales qui étaient présentes lors de la décision ont voté en ce sens. Les courses masculines seront toutefois ouvertes à tous. La FINA se dit consciente que certaines athlètes ne pourront plus prendre part à des courses en fonction du genre auquel elles s’identifient, mais ils veulent maintenir un principe d’équité avec cette décision.

Silence. Que penser de tout cela ?

Il est très difficile de se faire une tête et je comprends le casse-tête avec lequel a dû jongler l’équipe de direction de la FINA. Ce n’est pas simple et peu importe les décisions qui seront prises, certaines personnes risquent d’être choquées et désavantagées. Selon Athlete Ally, la décision n’est pas la bonne puisque « si nous voulons vraiment protéger le sport féminin, nous devons inclure toutes les femmes. » Selon la nageuse Cate Campbell, c’est la bonne décision en écoutant la science, mais en s’assurant que tout le monde peut faire partie de la communauté des nageurs.

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La femme alliée en moi s’inquiète de l’égalité

Égalité se définit comme l’absence de toute discrimination entre les êtres humains, sur le plan de leurs droits, selon le Larousse.

Je suis contre la discrimination, peu importe sa forme, sa raison ou son contexte. Je ne voudrais pas que la décision de la FINA fasse en sorte que les femmes trans ne trouvent plus leur place au sein des compétitions et qu’elles soient ainsi, en quelque sorte, exclues. On dirait que je crains que ce soit le résultat final. Lia Thomas a aussi le droit d’avoir sa place et de compétitionner, ses années d’entrainement sont une raison suffisante !

Allons plus loin : dans le sport, j’aimerais voir des hommes et des femmes dans toutes les disciplines et qu’on cesse une séparation selon le genre. Bien que la natation artistique (vous avez sûrement entendu aussi le nom de nage synchronisée) soit un sport ouvert à tous. C’est une des trois disciplines exclusivement féminines lors des Jeux olympiques. Et pourquoi des hommes, autant cisgenre que trans, ne voudraient pas le pratiquer aussi ? J’y vois une injustice ridicule en 2022 !

La sportive en moi s’inquiète de l’équité

Qualité consistant à attribuer à chacun ce qui lui est dû par référence aux principes de la justice naturelle ; impartialité. Selon le Larousse.

D’un autre côté, je peux comprendre l’injustice ressentie par certaines nageuses qui étaient sur la ligne de départ contre Lia Thomas lors des courses.  Les femmes sont généralement plus lentes que les hommes en natation, on parle d’une différence entre 6 et 12 % (selon www.outsports.com). Mais comment savoir exactement comment la transition d’une personne trans affectera ses temps, ses résultats et surtout si la compétition demeure équitable pour les autres compétitrices ? Cette question est très complexe. La FINA a donc tracé la ligne avec la puberté. Selon la Dr Sandra Hunter de l’Université Marquette de Milwaukee, certains changements masculins post-puberté ne feront pas marche arrière avec la suppression ou la prise d’hormones. On peut penser à la taille des pieds, des mains, des os, des poumons ou du cœur, toutes des parties du corps dont la taille transforme la capacité à nager rapidement.

Quelle serait la solution finalement ?

Je ne sais pas. Je n’ai pas l’impression qu’on peut trouver une solution à la fois équitable et égalitaire sans nuire à certaines personnes. Je pense toutefois qu’il est important d’en parler et de ne pas se mettre la tête dans le sable puisqu’une société qui est ouverte et accueille les personnes trans doit le faire dans toutes les sphères. Mais se doit de le faire en pensant de manière égalitaire, équitable et surtout en s’assurant que c’est réfléchi dans le meilleur intérêt de tous (et non pas du plus grand nombre de personnes. On sait qu’il existe plus de personnes cisgenres et qu’il serait malheureux que ce soit encore et toujours le critère arbitraire). Il est donc important d’en parler, de s’éduquer et de s’ouvrir les yeux sur cette réalité.

Toutefois, afin d’arriver à une solution, il faut, sans l’ombre d’un doute, inviter des membres des communautés LGBTQ+ à la table de discussion et ne pas prendre ce genre de décisions sans leur présence dans la salle.

Image de couverture par Jonathan Borba
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