Depuis 13 mois, nous sommes engagés dans des démarches de parrainage, et cela fait 30 mois que je suis en relation avec mon amoureux. Récemment, nous avons eu une convocation à l’ambassade du Canada en Algérie.

Dès le début de l’entrevue, mon époux a été mis sous pression.

L’agent n’arrêtait pas de le harceler au sujet de notre différence d’âge de 10 ans. Pas 15, pas 20, pas 25, seulement 10 ans. Il semblait trouver cette différence inacceptable, comme si j’étais en fin de vie ou que mon mari était sénile. C’était comme si chaque année de notre différence d’âge était un obstacle insurmontable à ses yeux.

Mon mari a tenté d’expliquer que l’âge n’était pas un facteur déterminant pour nous. Notre relation était basée sur des valeurs profondes, sur un amour véritable et une compréhension mutuelle de nos différences culturelles et religieuses. Nous avions appris à nous connaître sans que l’âge soit un critère important. Cependant, l’agent revenait sans cesse sur ce point, incapable de voir au-delà de ce chiffre.

À chaque départ de mon pays d’adoption, je ressens une douleur intense, un sentiment d’abandon.

Mon époux, malgré ses efforts pour cacher ses émotions, devient pâle chaque fois que je franchis les douanes. Nous comptons les jours qui nous séparent jusqu’à nos retrouvailles, chaque moment loin l’un de l’autre est une épreuve.

Pourquoi cette différence d’âge nous priverait-elle de notre droit de nous aimer, de vivre notre vie et de réaliser nos rêves? Cet agent d’immigration va-t-il vraiment décider de notre futur et juger notre relation ? Nous avons été victimes de discrimination et de racisme. Le regard de l’agent envers mon mari, un Algérien, était palpable. Un agent devrait être impartial, ce qui n’était manifestement pas le cas.

Suite à l’entretien, l’agent a voulu également m’interroger pour confirmer les dires de mon mari. J’ai été marié auparavant, et l’agent m’a demandé pourquoi je m’étais remariée. J’ai répondu : « N'ai-je pas droit à une deuxième chance ? » Sa réaction maladroite semblait indiquer le contraire. Il m’a aussi demandé pourquoi j’avais épousé un Algérien.

Ma réponse fut simple : « Parce que je l’aime ».

Quelle autre raison? Une autre question déplacée concernait nos différences culturelles, religieuses et de nationalité. Sincèrement, aurais-je épousé un homme d’un autre pays, d’une autre religion et d’une autre culture si j’étais raciste? Aurais-je voyagé six fois dans son pays, appris à cuisiner des plats algériens et mis ma carrière en pause pour cette relation si je ne l’aimais pas sincèrement?

Cette entrevue m’a laissée profondément blessée et en colère.

Comment cet agent peut-il juger notre relation et agir avec autant de hargne? Il prétendait protéger le Canada et moi, la répondante, comme si j’étais trop immature pour savoir ce que je fais de ma vie et décider de mon avenir. Cette expérience m’a fait réaliser à quel point les préjugés et la discrimination peuvent encore influencer des décisions importantes et comment l’amour, notre amour, doit continuer à se battre contre ces injustices.

En espérant que suite à cet entretien, notre interprétation de ce qui s’est produit s’avère infondée et que nous pourrons prochainement être enfin réunis pour poursuivre nos vies.

Nous méritons d’être enfin ensemble, de construire notre vie et de réaliser nos rêves, malgré les obstacles que d’autres peuvent mettre sur notre chemin.
Image de couverture de Killian Pham
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