Dans ma vie, j’ai fait plusieurs jeûnes, celui pour désintoxiquer mon corps de mauvaises toxines, celui d’arrêter de boire pendant une certaine période, celui pour perdre du poids. Et me voilà à faire un jeûne qui ne requiert que mon portable et mon cellulaire.

Cette diète n’était pas comme les autres.

Celle-ci nécessitait plus qu’un mélange de différents ingrédients, ça demandait de la discipline et un grand focus, un contrôle de soi comme si ma vie en dépendait. Cette thérapie de la réalité me faisait prendre conscience de la place qu’occupe le monde virtuel dans notre vie. En fait, lorsque nous ne sommes pas branchés, on a peur d’y échapper, de manquer quelque chose. Je n’avais aucune idée de la manière dont je devais procéder pour  purifier  mon esprit et résister à la tentation de mordre à nouveau au fruit maudit des applications en ligne qui m’hypnotisaient à vouloir rencontrer l’amour lorsque j’étais sur l’ordi, sur mon cellulaire ou sur Messenger avec mes amies. J’ai été jusqu’à solliciter des coachs de vie qui pourraient m’aider à reprendre mon pouvoir et traiter cette dépendance. L’ironie dans cette histoire est que j’ai toujours eu un certain contrôle de ma vie, de peur d’en devenir accro. J’ai toujours évité les grands excès, les drogues, les grandes débauches... et me voilà désespérément en train de chercher de l’aide pour gérer un démon virtuel qui me séduisait lors de mes soirées ennuyeuses. Je vivais cette relation amour/haine, je t’aime quand c’est un match, tu m’exaspères lorsque tu es pervers, tu m’es d’un bienfait lorsque tu me fais rêver d’un futur plein de potentiel.

Mon aventure a commencé avec un journal afin de m’aider à repérer mes moments de solitude. Permettez-moi de vous partager mon périple. Jour 1, il était huit heures du soir, mes copines étaient en ligne, je laissais un petit message à l’une d’entre elles et elle me répondit être en ligne avec un mec rencontré sur les réseaux, l’autre avec son chum outre-mer, et moi j’étais là à chercher quelqu’un avec qui échanger et me raconter. Je me sentais tellement seule, je devais désespérément combler ce moment de solitude. La nuit approchait, il se faisait tard, il n’y avait personne pour me souhaiter «bonne nuit, beauté» ou même me porter jusqu’au bras de Morphée. Je me vois encore regarder les personnes en ligne et même croiser des hommes que je n’avais jamais bloqués au cas où arriverait le jour où ils décideraient de me donner un peu d’importance lorsqu’ils auraient une soirée ennuyante. Je me sentais désespérée au point de me dire que je devrais retourner sur un site pour me sentir exister et qui sait peut-être ce soir, je rencontrerai quelqu’un qui me dira un «bon matin» et un «bonne nuit» pour les prochains jours.

Ce soir-là, je cédais encore de retourner à ma relation amour/haine des sites de rencontres. Je me disais on verra bien, je suis sans attente... quel mensonge! Je swipais à gauche et à de très rares fois à droite, je me demandais où étaient les potentiels après huit heures, se sont-ils tous matchés, déjà? J’attendais patiemment et bingo, un match, quelqu’un qui me trouvait belle, séduisante et qui était intéressé. Je regardais son profil, il ne me plaisait pas tant que ça, mais bon, il fera l’affaire (il était certainement gentil), car dans ma tête à moi, il lui fallait un peu de cran pour me cruiser (sans prétention). Aussi, ce charmant inconnu qui m’abordait d’entrée de jeu comme si on se connaissait depuis longtemps capta toute mon attention. Il semblait comprendre la sensibilité qui se cachait derrière les touches de son clavier, il avait le doigté pour me séduire.

«Bonsoir mademoiselle, êtes-vous un vrai profil? Car un sourire et des yeux lumineux comme les vôtres, on en croise rarement. J’imagine que vous êtes très occupée ce soir à répondre aux hommes, mais sachez que vous ne passez pas inaperçue aux yeux des hommes qui savent reconnaître les vraies beautés et une femme de classe. »

Ah, je le savais! Merci la vie, il existait encore des hommes qui ont compris qu’il n’y avait pas que la beauté et le sexe... Attend un peu, il était profond celui-là, je n’avais rien rédigé sur mon profil et il était en mesure de percevoir la profondeur de mon âme, mais quel homme ! Enfin, j’avais bien fait de me réessayer sur les réseaux, il existait de bons hommes (j’y crois encore, ce n’était simplement pas le bon temps). Je souris au moment où je vous écris ces lignes, j’étais d’une fragilité, j’avais le mal de solitude, j’étais épuisée d’être trop attentive à chercher l’amour au gym, à l’épicerie, au centre commercial, au restaurant, dans les concerts... j’étais juste épuisée et voilà en un clic, j’étais en présence d’un homme qui me disait à quel point j’étais spéciale ou plutôt, en spécial.

On commençait à s’écrire et plus la nuit avançait, plus il se transformait en loup. Il m’expliqua à quel point le sexe était important pour lui et me questionnait sur mes désirs sexuels avec insistance, il avait soif de savoir. Il me fit comprendre que mon ouverture sur le sujet faisait de moi une femme plus complète et plus assumée contrairement aux autres, bien sûr. Il était presque convaincant, il m’avait presque amadouée que dans son confort, il me demanda si j’avais une préférence pour la domination ou la soumission. Il m’expliqua à quel point le plaisir charnel était un must avant de s’embarquer, car il devait s’assurer que l’aventure en valait la peine. Il poursuivait ses requêtes en me demandant des photos de la tête aux pieds... je n’y comprenais rien comment ai-je pu passer de lumineuse à me sentir comme une escorte sous la loupe d’un client. Je me sentais encore plus seule et le peu d’espoir que j’avais prenais son envol. Il venait de prendre la dernière goutte d’espoir qui demeurait en moi.... Ah, mais attendez, je croyais m’être trompé, car je recevais un autre «j’aime» , enfin  je savais qu’il fallait attendre. Au moins, celui-ci était pas mal mignon, il était plutôt sportif, grand, belle binette et bien établi, il était en mesure de différencier les «sa» et «ça», et il avait un passé réglé. Je restais perplexe à l’idée qu’un homme de son calibre soit réellement seul. Il était sûr de lui, affirmé et il me disait à quel point j’étais belle et que j’étais son genre à plusieurs niveaux.  Il me demanda si mes photos étaient à jour, car il se disait sceptique que je sois aussi belle, charmante et intelligente.

Wow cette soirée je venais de gagner à la loterie. 

Étais-ce possible d’avoir enfin rencontré un homme avec un savoir-être? En plus, il ne m’avait même pas questionnée sur mon poids, mon emploi, mon âge, mes enfants, mes loisirs (autre que «aimes-tu voyager?»). Ma foi, il était d’une simplicité, il prenait son temps... oui énormément de temps ou il n’en avait rien à faire, car il n’était pas tant intéressé. Je le textais et il me répondait aux quinze minutes par emojis, ou avec une simple phrase de trois mots, genre: «Cool, moi aussi». 

Je le trouvais bien lui, mais on dirait qu’il était occupé, je lui ai alors demandé s’il était au travail, dans un party d’amis (une soirée lundi dominos), ou en train de faire prendre le bain à ses enfants (finalement, je me rappelais avoir lu qu’ils avaient des adolescents). Je lui demandai s’il désirait remettre la conversation, il me mentionna que oui, car il avait l’intention d’aller se coucher, il était brûlé mort. Je le comprenais et je pouvais constater que sa fatigue était tellement réelle qu’il se débrancha deux heures et demie après. Je lui envoyai un «bonne nuit», il me répondît dans l’immédiat avec un emoji bisous. Il n’avait peut-être pas compris que ce «bonne nuit» était empoisonné et qu’il avait été envoyé afin de valider sa présence sur le réseau et son manque d’intérêt envers moi ( je sais, peut-être parlait-il à sa mère)... Mais bon, c’est du passé. J’étais tellement exaspérée de ces hommes qui courent plusieurs lièvres à la fois que mon intransigeance était comme un sabre pour couper le soi-disant lien établi. Le lendemain, mes suppositions étaient confirmées, puisque je ne recevais pas de «bon matin» , de «bonne nuit», de «coucou, comment ça va ma tannante»....plus rien. Ligne droite, il était en ligne, je résistais à l’envoyer chez le diable, j’avais besoin d’une défibrillation.

Hélas, me voilà à me sentir encore plus seule et de retour à la case départ, et ce malgré mes plus belles photos. J’en devenais dépressive et ma présence sur Messenger ne semblait intéresser personne, car tout l’monde avait une vie et moi j’errais comme un fantôme sans que personne ne se rende compte de ma présence.

J’éviterai de vous faire subir la lourdeur de mes essais-erreurs et du jeu du hamster dans la roue. Ce qui importe à ce point, est de savoir comment j’ai commencé mon jeûne après ce dur coup à l’égo.

Suite à cette prise de conscience qui me rappelait à quel point les échanges textos, les ghostings, les benchings, submarine, gaslighting (désolé des termes anglais, ce sont ceux que je connais), je me suis fait un contrat avec moi-même que je me faisais promesse de ne pas déroger, peu importe ce qui se présenterait à moi. Je ne vous cacherai pas à quelques reprises avoir eu des ruptures de contrat.... jusqu’au jour où je me suis réellement choisie. 

Hey non, je ne me suis pas réveillée un beau matin avec une grande réalisation. Ce sont des mois, des semaines et des soirées d’apitoiements et de frustrations qui se sont accumulées. Et voilà que ma tête et mon cœur me faisaient comprendre que je devais me préserver au niveau de l’estime de moi et de ne pas laisser dépérir ma santé mentale et spirituelle. Je devais me choisir et aller à la rencontre du Moi, cette femme extraordinaire. Je devais dire Non à voix haute lorsque le besoin du clic m’appelait. J’avais recommencé à méditer lorsque je ressentais des moments de solitude, j’avais décidé de commencer des cours d’espagnol en ligne pour avancer dans la vie, j’écoutais des capsules, j’ai même commencé à voyager seule et rencontrer des gens extraordinaires, je retrouvais de bonnes amies, je m’étais inscrite à un cours de danse et l’entraînement faisait désormais partie de mon quotidien. En effet, j’étourdissais ma vie afin d’échapper au monde des rencontres virtuelles et des rencontres la plupart sans avenues. D’un coup, sans comprendre le pourquoi du comment, les gens se sont mis à m’écrire et à demander de mes nouvelles. Les hommes qui m’avaient rejeté décidèrent de m’écrire. Mais, il était trop tard, j’étais rendue ailleurs, j’étais devenue libre de ce faux besoin de validation, et ces hommes ne me disaient plus rien. Je me suis même surprise à me questionner sur ce que j’avais bien pu leur trouver. Je faisais le bilan des candidats et j’aurais aimé leur dire merci de ne pas m’avoir choisie. L’ironie c’est que plusieurs d’entre eux étaient rendus en couple et fouillaient dans leur bac à recyclage dans Messenger afin de reconnecter avec d’anciennes flammes. Ils s’étaient jumelés sans avoir fait leur désintox des rencontres virtuelles et de la dépendance de vouloir plus, ou d’avoir peur de manquer quelque chose.

Aujourd’hui, je célèbre mon 200e jour de sobriété des sites de rencontres…

Et des faux semblants de personnes réglées. Je me porte mieux, je m’apprivoise et je prends le temps de m’aimer, me choisir. J’ai atteint le «Que sera sera» et je m’amuse en faisant de belles rencontres. Je n’ai toujours pas le statut d’être la princesse de quelqu’un, mais j’ai beaucoup plus que ça. J’ai des relations intéressantes qui durent dans le temps, et lorsque j’ai envie de caresses, je choisis en pleine conscience. Je suis la Reine de ma vie et je ne troquerai jamais cette couronne pour aucune autre. Si tu n’es pas un roi, tu n’as pas la valeur qu’il faut pour être à mes côtés.

J’ai plusieurs livres de croissance personnelle et je passe mon temps sur YouTube à écouter des blogues qui me permettent de maintenir cette conscience. J’ai arrêté de me faire violence en changeant mes pensées et en réalisant qu’il valait mieux être seule que mal accompagnée. La vie s’occupe bien de moi, car je prends soin de ma vie. J’ai compris que la formule rencontres en ligne n’était pas pour tout l’monde, car elle pouvait vous fractionner sans égards. J’ai cessé d’avaler le discours que plusieurs personnes semblent adhérer, celui de s’agenouiller devant ces sites en croyant  que c’est un passage obligé pour rencontrer l’âme sœur. Je vous encourage à participer à des rencontres pour célibataires, je suis convaincue que vous vivrez moins de pression, et vous serez en mesure de cocher plusieurs cases en observant votre personne d’intérêt, et ce sans avoir à texter ladite personne pendant des semaines et lors du rendez-vous, en être désolé. 

Avant de vous quitter, je tiens à faire mon Mea Culpa, celui de la réalisation que j’ai eue lors de mon jeûne. J’ai réalisé que je n’étais pas mieux que certains d’entre eux , puisque j’avais recréé ce que je subissais de la part de ces hommes. À la fin, je roulais à trois à quatre hommes en textos afin d’éviter d’avoir le cœur brisé et en ayant d’autres choix disponibles à ma portée, c’était la façon que j’avais trouvé afin de me préserver.  J’étais devenue une joueuse, une consommatrice de l’être humain. Et oui, ce fameux triangle de karpman. Il n’y a ni hommes ni femmes à blâmer dans cette aventure, il n’y a que des êtres humains endommagés avec un grand besoin d’amour.

Faites un nettoyage saisonnier, vous en verrez les bénéfices. Cessez de vous torturer dans le bloque et débloque. Soyez honnête envers vous-même et ne restreignez personne en ignorant les messages. Refusez de maintenir un lien toxique basé sur l’égo et la vengeance. Arrêtez  de mettre des publications qui visent à lui envoyer un message. Ne perdez plus votre temps à mettre vos photos à jour afin qu’on puisse reconnaître votre valeur et vouloir que votre sujet regrette son choix. Sachez que c’est une perte d’énergie et le résultat final est négatif.

Commencez un nettoyage, un jeûne, une purification ce que vous voulez et qui vous aidera à vous aimer un peu plus, mettez un point final à continuer de vous emmerder et tourner en ronds. Cessez d’exister et maintenant, vivez.

Maggie 

Image de couverture via Unsplash
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