**Traumavertissement : troubles alimentaires
« Je vais prendre un seul biscuit pour dessert. Je n’ai beaucoup bougé aujourd’hui, je n’en mérite pas deux. »
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« Bon, ok, ce biscuit est vraiment bon, avec sa texture croquante et ses immenses pépites de chocolat ! Ça me ferait du bien, je pense, d’en prendre un deuxième. De toute façon, qu’est-ce que ça change vraiment, manger deux biscuits ? J’ai été bonne aujourd’hui, je n’ai pas pris de dessert ce midi, je n’ai pas grignoté entre mes repas, et ces derniers étaient super santé, remplis de fruits et de légumes. Je pourrais même en prendre trois, des biscuits, et les accompagner d’un bon chocolat chaud, avec quelques guimauves ! Installés devant un bon livre, ce serait une soirée parfaite. »
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« Je n’aurais jamais dû me laisser aller de même. Je viens d’aller prendre ma douche et j’ai eu le malheur de croiser mon reflet dans le miroir. Clairement, je ne dois plus manger autant, ça me rend toute molle, ça bouge tout le temps, mes cuisses frottent entre elles, j’ai du gros mou de ventre, j’ai plus de vergetures qu’avant. »
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« Bon, aujourd’hui, je me reprends en main. Je viens d’aller courir, je mérite donc maintenant mon déjeuner. J’aurais envie de toasts avec du Nutella et des bananes, mais j’ai déjà mangé du chocolat hier soir dans mes biscuits, je vais donc devoir opter pour un petit bol de céréales, ou peut-être un yogourt 0 %. Je vais avoir faim une heure après, mais c’est bon signe, ça veut dire que mon corps prend littéralement l’énergie ingérée et le dépense immédiatement. Et de toute façon, la sensation de faim s’en va après quelque temps quand on y pense plus. »
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« J’ai eu faim toute la journée. Ma salade de ce midi est rendue loin ! Je vais à une soirée avec des amis, je pourrais sauter mon souper, puisque je vais sûrement manger des chips, boire de l’alcool, etc… Ah et puis j’irai courir demain. Ah non, il annonce de la pluie ! Je ne pourrai pas courir demain. Bon, ça veut dire que je vais passer une autre journée à ne pas beaucoup manger. »
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« Je n’ai pas de contrôle. Je suis une personne dégueulasse. C’est pathétique le nombre d’aliments que j’ai fait entrer dans ma bouche hier soir. J’avais seulement envie d’un peu de chips, j’ai fini le sac presque au complet. Et là sont arrivés jujubes bonbons et s, je suis complètement tombée dedans ! J’me sens encore plus molle et dégoûtée qu’avant, je veux même plus me regarder dans le miroir. Si l’ancienne moi, celle qui était pas mal slim au secondaire, me voyait maintenant, elle ne serait pas fière du tout. Ahhh, pourquoi suis-je comme ça ? Pourquoi faut-il que ma relation avec la nourriture, cette chose qui nous maintient en vie et nous permet d’avoir de l’énergie, soit si malsaine ? Pourquoi est-ce que je pense à manger tout le temps ? Pourquoi j’ai si peur que mon corps change, pourquoi je veux autant tout contrôler ? Pourquoi je trouve ça laid sur moi, du gras ? Pourquoi ne suis-je pas capable, malgré toutes ces pensées, d’arrêter de manger de façon excessive, de grignoter tout le temps ? Pourquoi, dans ma tête, c’est mal, de manger n’importe quel autre aliment qui n’est pas des légumes, des fruits, des légumineuses et du tofu ? »
Ça, ce sont des pensées qui trottent dans ma petite tête depuis peut-être 6, 7, 8 ans.
Elles sont là, sans cesse. C’est épuisant, décourageant, dérangeant. J’ai appris, avec le temps, à les reconnaître, à savoir qu’elles sont nocives, à les oublier, à les confiner dans le fin fond des recoins de ma conscience. J’ai appris qu’une bonne majorité de ces pensées ne proviennent pas de moi, mais de mon intériorisation de la culture des diètes, qui prend d’assaut notre société depuis beaucoup trop longtemps ? Je sais maintenant que de manger, ça n’apporte pas que de l’énergie, pas que des calories, mais également du réconfort, du plaisir lorsque les repas sont partagés entre amis, en famille. Je sais qu’adopter une alimentation plus intuitive, suivre mes envies, profiter et déguster chaque aliment, sans avoir peur d’en consommer un en particulier.
Je les sais, ces choses-là. Je sais aussi que malgré tous mes efforts, les pensées négatives concernant mon corps et mon alimentation reviennent sinueusement dans ma p’tite tête, sans crier gare. Sans que je m’en rende nécessairement compte, parfois. Et je suis là pour te dire que c’est correct. Je suis là pour te dire aussi que je ne suis pas la seule, et que tu n’es pas le ou la seul(e) non plus. Malgré tout, ça va bien aller.
Prends-le, ton deuxième biscuit !