J’ai la charpente de l’amour en berne. Malgré l’envie de tomber amoureuse, je n’y arrive pas. Et « pas capable » pour moi n’existe pas. Quand je veux, je peux. Toujours… Pourquoi alors trouvais-je les hommes que je rencontre fades, ignares, sots ou moches ? 

On dit que l’amour est aveugle. Ça veut dire quoi exactement ? Que quand on aime on ne voit plus rien ? Que rien ne nous importe plus que ce sentiment très grand qui nous happe si fort ? Que l’amour, ça se vit avec l’âme ? On a qu’à fermer les yeux, à imaginer la langue du partenaire sur notre corps pour comprendre que même le désir se passe de vision. 

Suis-je aveugle en amour ?

Sans l’ombre d’un doute… Quand j’aime, j’aime pour vrai ; c’est grand, fort, doux et vermillon. À quoi bon sinon ? Tant qu’à aimer, il faut aimer jusqu’à la limite de la fracture du myocarde, rien de moins. J’aime à m’élever une volière de papillons et qu’ils me sillonnent profondément l’intention. Et je sais que je dois en prendre soin de cet amour, sinon, mes insectes s’échoueront l’un après l’autre et me tacheront le fond de l’œil. Pourquoi alors suis-je seule depuis si longtemps ?

J’ai écouté la télé-réalité « love is blind ».  Sceptique au départ, j’ai été conquise par cette chimère. Des hommes et des femmes se font la cour sans jamais se voir. Ils se courtisent à en venir à se demander en mariage. Sans ne s’être jamais vu. D’âme à âme ; ils deviennent amoureux à vouloir passer leur vie avec leur âme sœur. Au premier contact physique, ils sont tous tombés dans les bras de l’autre. Aveuglément… Sur le lot ; deux ans plus tard, trois couples étaient encore soudés, pour les autres, ça n’aura pas duré. Le temps ? Leur aveuglement a pris fin ? 

Freud avait sa théorie au sujet de l’amour. Celle-ci s’approche de celle sur l’aveuglement. Pour Freud, l’amour est une maladie. Selon lui, on tombe amoureux comme on tombe malade, en dépression, en panne de désir, d’épuisement. Il prêchait qu’alors amoureux, l’humain ne contrôle plus rien, ne décide plus et est victime de la fatalité. Malade, on ne fait que subir, amoureux, on ne fait que se laisser porter. L’amour nous gorge, l’amour nous dévaste, l’amour purifie, et parfois il abîme… Mais l’amour est toujours inextinguible.

Les applis de rencontres se veulent être à l’opposé de l’amour aveugle. Ce n’est d’ailleurs qu’à partir du physique de l’autre que l’on décide si on a envie de donner une chance à l’amour d’opérer. Le physique de l’autre nous plait ? Alors, on essaie… On discute, on rigole, on tente de séduire pour une nuit ou pour la vie. Si les atomes fusionnent déjà, l’amour a plus de chances d’y naviguer…

J’aime l’idée d’oser, après tout, c’est souvent la peur qui nous paralyse et nous empêche de vivre à la hauteur de nos rêves. Qu’avons-nous à perdre à sauter dans le vide alors qu’un parachute est solidement fixé à notre dos ? Rien… Nous avons tant à gagner à plonger. 

J’ai osé… Parce que je n’ai rien à perdre. J’ai voulu me jeter dans le néant l’instant d’une soirée. L’amour aveugle c’est grisant, mais encore faut-il être deux, et pour cette fois, j’ai dû me contenter d’amour borgne.  Et la moitié de l’amour, n’est-ce pas l’amitié ? L’amitié peut-elle s’improviser ? De quoi se nourrit-elle ?   Suffit-il de passer un bon moment avec quelqu’un pour que naisse le sentiment réciproque d’affection essentiel à l’amitié ?

L’amitié comme l’amour ne s’impose pas…

J’ai invité un homme que je trouvais très beau, un homme qui physiquement m’attirait beaucoup (peut-être est-ce ma première erreur), un homme intelligent, au regard allumé, ouvert d’esprit, mais aussi un homme qui ne se laisse pas la latitude d’être lui, je crois. Le diktat qu’il s’impose transpire de tous les pores de sa peau. Comme s’il avait des cercles à cocher et qu’il se faisait un devoir de s’y tenir. Comme s’il jouait son propre rôle, mais qu’à certains moments il se laissait prendre à n’être que lui, sans son costume.

En gentleman, il aura été le seul à conduire pour notre périple hors Québec.  C’est au « Pontiac » que lui et moi sommes allés casser la glace, en plus de la croûte. Danny Saint-Pierre a ouvert l’endroit en mai dernier et on peut y déguster ses célèbres « pan pizzas ». C’est tout beau, tout bon et tout simple. Le menu est court et ses pizzas déjantées auront su nous séduire. On nous aura aussi servi un plateau d’entrées question de satisfaire notre curiosité.  J’en suis sortie repue et souriante. C’est qu’en plus, mon potentiel ami a un sens de l’humour que je ne lui soupçonnais pas. 

Nous avons poursuivi la rencontre de l’autre en allant au Centre Bell voir une partie du Canadien ! J’adooooooore le hockey !! Et j’ai là aussi, passé un beau moment avec lui. Alors que je pensais qu’il serait intarissable de commentaires sur la partie, les joueurs et le B.A.-BA du hockey, il se sera fait plutôt silencieux. J’ai gagné le pari que nous avions fait à savoir quelle équipe remporterait la partie ! Reste à voir s’il respectera sa parole et honorera ce que nous avions gagé… Ça en dira aussi beaucoup sur l’homme qu’il est.

Au final, j’aurai partagé une belle soirée avec un très bel inconnu. Et d’avoir passé cette soirée avec lui m’aura convaincu qu’il suffit parfois de sortir de sa zone de confort pour être agréablement surpris par la vie.

Donc…

L’amour est aveugle puisqu’il ne se vit pas avec les yeux, mais avec le cœur. Aurais-je pu tomber amoureuse de mon inconnu s’il ne m’avait fait comprendre dès le départ qu’il ne serait pas question d’amour entre nous ? Je ne le saurai jamais… L’amitié est aveugle puisque nos coups de cœur amicaux passent par un partage d’affinités, de sourires et de passions ? Aurait-il pu devenir mon ami ? Je ne sais pas, parce que l’amitié implique l’envie de partager et qu’on doit s’y abandonner… On dit aussi que le sexe est aveugle puisqu’hormonal, qu’il n’est pas rationalisé, qu’un pénis n’a pas d’yeux et que le désir ne s’explique pas. Aurions-nous pu devenir amants et nous envoyer en l’air à s’en faire frissonner l’échine ? Je ne sais pas non plus parce que je pense qu’il m’aurait fallu passer outre mon éducation, et qu’il lui aurait fallu être capable de s’enlever le bâton qu’il a coincé dans l’arrière-train…

Après réflexion, je n’ai plus envie de voir ; j’ai envie de goûter, de toucher, de sentir et de laisser mon cœur s’emballer. Je n’ai plus envie de réfléchir et je me meurs d’envie de découvrir, d’essayer en me laissant tenter par la cécité… J’ai envie d’être amoureuse à nouveau, et cette fois, je ne « tomberai » pas en amour, mais j’en serai happée de façon à pouvoir m’élever très haut.

Image de couverture via Unsplash
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