Ça été un peu le rêve de nous toutes et nous tous à un certain moment donné de notre vie d’étudiant ou d’adolescent, et la pièce commence par cette scène : l’envie de tout lâcher, de lâcher le quotidien, ne serait-ce que de manière momentanée, quelques semaines, voire quelques mois, et de partir quelque part, loin, surtout loin de la maison, loin des parents, loin des tracas du quotidien, pour vivre une aventure unique à l’étranger.

Crédit: Raphaël Nikiema

C’est ce que fait le frère de Nora, notre héroïne, et on apprend assez rapidement que cette dernière ne vit pas une situation facile.

Entre ses tâtonnements scolaires et professionnels - elle essaye fortement de trouver sa voie et accumule les petits boulots sans arriver à dénicher son vrai job en tant que journaliste - et la pression familiale, les parents qui l’affolent en s’inquiétant de tout ceci pour elle, elle apprend un secret de famille qui la bouleverse. Un secret qui lui fait réaliser qu’elle ne connaît finalement pas aussi bien sa famille que ce qu’elle pense. Un secret qui lui fait apprendre que sa grand-mère a été la victime d’un attentat lorsqu’elle était plus jeune, que sa grand-mère en fait n’est pas née en France, comme son père, mais à sa grande surprise en Algérie.

Et c’est donc sur un coup de tête qu'elle décide d’accompagner son frère pour Paris.

Mais alors que celui-ci y va en quelque sorte pour le plaisir, Nora part à la recherche de ses racines familiales, entre la France et l’Algérie. Un besoin urgent d’identité, de mémoire et de transmission se fait ressentir chez elle.

Anna Sanchez, l’autrice de cette pièce, nous invite à accompagner Nora dans sa quête (et à l’accompagner elle aussi, Anna, car se peut-il que nous assistions à une autobiographie ici?), et de parcourir avec elle toutes les embûches qu’elle a dû traverser pour y parvenir. Des embûches qui, de temps à autres, relèvent du comique ironique. Comme par exemple lorsqu’elle doit faire face à la bureaucratie et à l’administration française, alors que, pour avoir un seul document, elle doit fournir une panoplie d'autres pièces. Et des embûches qui lui sont douloureuses, à Nora dans un premier temps, mais également à son père et à sa grand-mère qui, après plus de cinquante ans, voire soixante ans de secrets enfouis, iels voyaient de vieux sujets du passé refaire surface: la guerre avec ses atrocités et ses drames, les séparations douloureuses et injustes, les disparitions volontaires et involontaires, puis enfin l’oubli et le silence.

Les prestations des actrices et acteurs, notamment celles d’Isabelle Roy et de Sarya Bazin, sont très convaincantes.

La mise en scène, toujours d’Anna Sanchez, nous plonge complètement dans l’ambiance pour chacune des scènes clés de la pièce: jeux de lumière, sons, musique sont bien choisis, et les éléments physiques, sobres, sont plus que suffisants - c’est toujours surprenant de constater à quel point ce que l’on peut faire avec seulement quelques objets et effets.

C’est donc avec une grande sensibilité que ces souvenirs nous sont partagés, et, tout au long de la pièce, on ne peut s'empêcher de penser: à la place de Nora, qu’est-ce que j’aurais fait?

La femme de nulle part, une pièce émouvante, réussie, et qui nous amène à réfléchir sur nos vies et le destin qu’elles peuvent parfois emprunter malgré nous.
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