J’ai grandi dans une famille recomposée de cinq sœurs et de deux frères. Étant la plus vieille des six enfants de ma mère, la barre a toujours été placée très haute pour moi. Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours eu peur de décevoir mes parents ; de ne pas être suffisante. J'ai grandi en ressentant la pression d'être le modèle de mes plus jeunes frères et sœurs.
Depuis toute petite, on m'a élevé afin que j'excelle et me rende loin dans la vie. Mes parents m'ont souvent répété qu'il n'était pas question que je n'aille pas à l'université. Ils m'ont toujours encouragée à travailler plus fort que les autres et à mettre de l'argent de côté pour mon futur. Il faut dire que je suis entrée sur le marché du travail dès le jeune âge de quatorze ans avec un emploi à temps partiel et au salaire minimum. Depuis, je n'ai jamais cessé de travailler pour pouvoir subvenir à mes besoins. Certains étés, j'ai eu deux, voire trois emplois, pour me permettre d'amasser un maximum d'argent.
Il a toujours fallu que je me prouve au sein de ma famille . Leur montrer que j'arriverais à surpasser les attentes qu'ils se faisaient à mon égard.
C’est plutôt ironique, car si j’avais cette conversation avec eux présentement, ils seraient probablement morts de rire devant moi. Ils m’assureraient qu’ils sont des parents smooths et ne m’ont jamais mis de pression, ou alors mon père vous dirait qu’il m’a toujours mis de la « bonne pression ».
Bref, j’ai toujours senti le besoin de montrer que j’étais assez. J’angoisse à l’idée de décevoir mes parents et cette angoisse s’est souvent transférée dans mes relations sociales. La peur de déplaire, de ne pas être suffisante.
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Mes parents ne m’ont jamais mis de pression concernant mes résultats scolaires. Cependant, au secondaire, j’ai dû suivre des cours d’anglais enrichi, de mathématiques avancées et les chimies/physiques. Au cas où… Qu’ils disaient. J’ai toujours été une personne artistique. Je me souviens avoir passé la grande majorité de mes heures de cours à faire tout sauf bien sûr écouter. Je lisais, je dessinais, j’écrivais, je textais (oups…), mais l’écoute active en classe n’a jamais été mon fort.
Est venu le temps de faire mon inscription au Cégep. Pour mon père, il n’était pas question que je postule dans un autre programme que celui des Sciences de la nature. Après maintes conversations sur le sujet et quelques heures de débat, j’ai finalement réussi à lui faire accepter mon inscription dans les « sciences vacances », mieux connu sous le nom des Sciences humaines. Il n’était alors pas question que je m'inscrive en littérature, en arts ou en cinéma. Mes parents ont toujours eu de grandes attentes concernant mes études. C’est normal, je suis la première de famille.
Au moment de postuler dans une université, mon premier choix était le programme de droit à l’Université Laval. Pourtant, je n’étais pas proche d’avoir la Cote R nécessaire pour être acceptée, donc j’ai plutôt opté pour Communication publique.
J’ai eu droit à un discours de « c’est quoi ça, les communications? Ça ne prend pas un diplôme pour apprendre à communiquer. Ce n'est pas une job... ». Bref, vous voyez le genre. Mon père a toujours été plus pragmatique sur le sujet alors que ma mère préférait le discours du « fais ce que tu veux dans la vie, tant que tu es heureuse ».
J’ai toujours été une petite fille à son papa, bien que je ressemble comme deux gouttes d’eau à ma mère. Ils sont des contraires ; elle est une femme de lettres, elle a de la répartie, un certain côté artistique, aime la culture, la littérature et est très proche de ses émotions plutôt que de la logique. Lui est un homme de politique, il est obstiné, raisonné, aime le sport, les jeux vidéo et tout doit être poussé à réflexion. Sa vie est tracée à l'avance sur une ligne droite. Étrangement, ils ont tous deux cette non-conformité commune à laquelle je m’identifie.
J'ai finalement entamé ma première année à l'Université Laval en Communication publique, avant d'y découvrir une passion pour le journalisme et l'écriture. Puis, j'ai tenté ma chance à l'Université du Québec à Montréal en Journalisme, un programme assez contingenté qui ne laisse la chance qu'à une soixantaine de candidats chaque année. Et j'ai finalement été acceptée.
J'ai toujours eu peur de ne pas être assez. Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours relevé défi par-dessus défi, sans jamais n'être satisfaite de ce que j'accomplissais, car pour moi ce n'était pas suffisant. Je pouvais toujours faire plus.
Je me rends compte aujourd'hui que je suis plus que suffisante. Cette manie à vouloir être parfaite, à sans cesse ressentir le besoin de me prouver m'a menée à exceller dans mon domaine et à construire une femme forte et indépendante. Pourtant, j'angoisserai probablement toujours à l'idée de ne pas être assez. L'important je dirais, c'est d'être conscient de l'ensemble de ses succès et d'être fier de la personne que l'on est.