Le café repose sur ma table de travail. Chaque gorgée me remplit de chaleur. Une chaleur réconfortante, bienfaisante. Comme une récompense pour cet effort matinal qui s’avère moins ardu que dans les dernières semaines. Mon corps, moins fatigué. Ma tête, plus légère. Et hier, cette même gorgée de café me brûlait la tranchée avec une douleur culpabilisante.

Je bois. Trop.

Et hier, je n’ai pas bu.

Hélas, cette récompense matinale que je vis ce matin, que même l’absence de soleil ne suffit pas à assombrir, n’est qu’une brève trêve. Une pause. 

Il m’arrive parfois que la pause dure une journée, deux ou trois, qu’elle s’étire sur un mois. Et malgré les bienfaits ressentis, les idées claires et le sentiment d’être au bon endroit, à cet instant précis où je suis sobre et libre, je finis toujours par ressentir l’appel de l’ivresse. Le goût du bon vin. Le clin d’œil d’une saveur houblonnée quand je me lasse du jus de raisin. 

L’important, c’est le tête-à-tête.

Peu importe la substance, l’important se vit dans cette solitude, cet isolement qui s’épaissit au fur et à mesure que l’esprit s’embrouille. 

Je me demande si l’antidépresseur fait toujours son travail ou s’il procrastine, comme je le fais si bien en ces moments de beuverie solitaire, dans le creux de mon estomac. De quel malheur est-ce que je cherche à m’échapper?  Les apparences sont calmes. Il n’y a pas de tempête qui bouille dans mon espace intérieur. Pas de traumatisme. Pas de trouble envahissant. Juste une artiste insatisfaite, peut-être. Qui s’exile en eaux troubles pour secouer sa créativité, son envie de crier, sa jeunesse envolée. 

Mais ce matin, je suis bien ancrée dans ma vie, dans mon maintenant, dans mon ici. Et j’ai envie de creuser un peu plus cet état. De l’explorer pour m’en remplir les moindres pores. Une armure de sérénité guidée par le silence ambiant.

Parce que ce matin, j’ai envie de tout faire.

Tout.

Aller marcher au parc, confectionner un gâteau, faire un casse-tête, amorcer une nouvelle œuvre, téléphoner à ma mère, écrire un roman… J’ai l’énergie d’une vivante. 

Plus les projets s’amoncellent sur cette case de calendrier libre, plus je m’approche de mon objectif principal : oublier l’envie de boire qui s’amplifiera au fil des heures qui me rapproche de ce fameux cinq heures quelque part dans le monde. Cette balise illusoire que ma normalité s’harmonise au flux mondial de la décence. Et pourtant, ma conscience me ramène constamment aux faits : je bois. Trop. 

Mais ce matin, je célèbre un éveil sans lendemain de veille, sans courbatures de cerveau, sans bouche sèche, sans brouillard. Une journée où le café goûte bon puisqu’il n’a pas la saveur de la survivance.  Une journée où je n’aurai pas l’impression de traîner ma peau sur un parcours montagneux. Et au lieu d’appréhender l’heure du prochain boire, j’aspire la vie avec tout ce que j’ai de poumon pour me remplir de cette énergie vitale. 

Source de l'image de couverture : Unsplash
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