J’ai oublié de te dire que ça n’allait pas bien.

En fait, oublié est un terme erroné. J’ai un monstre qui se pend à deux mains après ma luette. Il essaie de sortir et de crier qu’il est pris là, mais ma conscience inconsciente le retourne au fond de mes gonds à grands coups de pied en pleine face. Quand tu m’as demandé comment j’allais, je te jure, il était prêt à sortir. Mais tu n’es pas chasseur de monstre, et je ne l’ai pas encore assez dompté, alors j’ai préféré ne pas le laisser sortir. Il y a des gens qui appellent ça du déni. Plus les jours passent et plus je réfléchis, plus j’ai envie de dire comme eux moi aussi.

Mais si j’ouvre la bouche et que le monstre sort, il va te dire les horreurs qui se cachent au fond de ma tête. Les murs de ma conscience sont recouverts de sang que je ne suis pas capable de laver. C’est parce que mes inquiétudes vont se cacher là, partout dans les coins noirs. Au lieu de les rassurer et de leur montrer le chemin vers la sortie, je les achève à coups de mécanismes défectueux qui ne me font jamais sentir bien très longtemps.

femme noir et blanc pluie tristesse toileSource image: Unsplash

J’ai peur que ça te fasse peur, je ne saurais pas trop quoi te dire. J’ai peur qu’en sortant, le monstre te blesse sur son passage. Il a déjà fugué à quelques reprises et il n’est pas très habile avec les mots. Ce n’est pas sa faute, il manque de pratique. À cause de ça, quand il réussit à s’enfuir il accuse tous ceux qu’il croise sur son chemin. Il panique, il a peur de retourner se cacher. Si jamais il t’accusait toi de le garder prisonnier? Et si jamais il osait te dire qu’il t’haïssait et te poussait à me quitter. Parce que mon monstre, il adore provoquer. Il a tellement peur de ne pas sortir de là qu’il s’arrange parfois même pour y rester. Quand il sent que les gens commencent à sentir sa présence, qu’il voit la lumière au bout du tunnel, mon monstre il adore saboter.

J’ai aussi peur que tu ne le voies pas, le monstre qui s’accroche à ma luette. Que tu me dises que je l’imagine, que ma luette flotte en toute liberté au fond de ma gorge. Que tu me dises que je suis dramatique, que les monstres sont des histoires pour les enfants…

Mais c’est correct.

L’autre fois il est sorti mon monstre, et ça a fait tellement mal que j’en ai beaucoup pleuré. Il y a des gens qui m’aiment et qui l’ont attrapé. Il est encore là, certes, mais j’essaie de le dompter. Il y a tellement de gens qui sont là pour m’aider. Maintenant je comprends un peu plus comment il a fait pour entrer, et j’ai moins peur de le laisser sortir.

Le pire qui pourrait arriver c’est qu’il décide de revenir, mais le mieux, c’est qu’un jour je sois capable de le laisser partir.

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