J'ai grandi dans l'Est de la ville de Montréal. Dans un endroit qu'on appelait Tétreaultville. Maintenant, ce quartier fait partie de Mercier-Est, mais dans mon enfance, lorsque les arrondissements avaient des noms le fun, on disait Tétreaultville.
C'est où ça, exactement? Entre Pointes-aux-Trembles et Hochelag', tout au bout de la ligne verte, station Honoré-Beaugrand.
Si vous vous êtes toujours demandé ce qu'il y avait au bout de la ligne, maintenant, vous savez.
Un quartier à l'ambiance mi-banlieue, mi-quartier-défavorisé-montréalais, où les enfants jouaient sur les tracks de chemin de fer, mais dont certains retournaient dans leur grande maison avec cour, le soir venu. Un quartier qui n'est pas encore devenu branché et qui résiste un peu au changement, mais qui commence à s'ouvrir, tranquillement. Un quartier où on trouve peut-être les dernières maisons relativement abordables sur l'ile de Montréal. Et par abordables, je veux dire à moins de 550K.
Un quartier où j'ai passé une bonne partie de ma jeune vie.
Que ce soit dans un 4 et demi avec ma mère ou une petite maison mignonne avec mon père.
Ma mère a été y rejoindre mon grand-père après sa séparation d'avec mon père. Elle a habité avec lui pendant quelques semaines, le temps de retomber sur ses pieds. Je devais avoir environ 11 mois. Mon grand-père habitait dans un triplex. Un appartement avec un sous-sol au rez-de-chaussée et deux appartements supplémentaires au deuxième étage. Les propriétaires de l'immeuble étaient les parents de mon oncle (le mari de ma vraie tante...me suivez-vous?) et faisaient un bon prix à mon grand-père. Lorsque l'appartement à côté du sien au 2e étage s'est libéré, ma mère a sauté dessus. Un beau 4 et demi. J'y ai passé mon enfance, jusqu'à son décès en 2009. J'avais 19 ans.
Ma mère a également grandi à T-Town (les vrais savent). Elle y a été à l'école primaire et y a vécu ses premières aventures de jeune adolescente. En faisant le ménage de ses affaires, j'ai trouvé un vieux journal intime, me faisant voir ma mère sous un autre jour. Celui d'une adolescente, avec toutes ses contradictions. La preuve que nos parents ont eu une vie avant nous!
Ce même paquet de rues nous a donc vu grandir.
Deux générations de femmes bien différentes, mais qui ont arpenté les mêmes rues. Elles aussi, très différentes. Encore aujourd'hui, lorsque je vais visiter mon père, je remarque quelques emblèmes manquants. Le Blockbuster avec les traces de pied de Barney en est un bon exemple. Tout comme le dépanneur du coin, dont les ruines restent présentes depuis 2001.
Mais il y a certaines choses qui n'ont pas changé.
Le Dairy Queen sur Sherbrooke est toujours le rassemblement de toute la jeunesse pendant l'été. Le fleuve et sa proximité. La promenade Bellerive, pour le vélo en été et les longues marches en hiver, malgré le vent glacial. Les spectacles qui y sont présentés. Je me rappelle encore du spectacle des Colocs, où je ne connaissais que Tassez-vous de d'là, mais dont je ne comprenais pas encore le sens des paroles. Pour vous donnez une idée, je pensais que la phrase ''Y avait d'la coke din yeux, Y avait d'l'héro dans l'sang'' voulait dire que le gars aimait beaucoup le coke (la boisson gazeuse, là) et était héroïque. Mais je me rappelle de Dédé Fortin qui la chantait avec une clarté désarmante.
Tous mes souvenirs d'adolescence, de partys chez des amis et de rires à l'école. Mon école secondaire. Trop petite pour une école secondaire, mais c'était la nôtre. Les parcs où on jouait, dans le temps que jouer signifiait être dehors et faire ce qui nous passe par la tête.
Tétreaultville est parsemé de morceaux de ma vie ; des raffineries à la 25.