Le désir de ne pas décevoir, ou encore être incapable de dire non. Les deux sont indissociables. Parce que si on a parfois autant de difficulté à dire non, c’est un peu parce qu'on ne veut pas blesser l’autre. Mais ce faisant, n’est-ce pas nous que nous laissons tomber au profit d’un étranger? Et cet autre devient plusieurs autres, sur plusieurs jours… Nous nous édulcorons dans l’univers… Perdons même notre saveur…

Il existe plusieurs raisons qui nous poussent à ne pas pouvoir dire non.

On ne veut pas décevoir, on a peur de faire de la peine, de ne plus se faire aimer, on craint de perdre la personne à qui on dit non, on anticipe une réaction négative. On est parfois incapable de verbaliser notre refus, parce qu’il nous faudra le définir et raconter sa raison d’être.

Parlant de raison, n’est-ce pas absurde ce besoin de devoir donner une explication à notre non? Un non est puissant, il se dit tout d’un trait. Fort et assumé, même si murmuré du bout des lèvres. Le non à ce pouvoir de clore une discussion, une relation, un désir. Il a aussi la possibilité de fermer une porte ; des tas de portes. C'es ridicule de justifier un non.

Il va sans dire qu’il arrive même souvent que l’explication du dit mot soit un mensonge. Si on a réussi à le formuler, exprimer sa vraie raison d’être est impossible. Alors on se perd en excuses, en tergiversations, on se fait aller l’imagination pour coudre au fil blanc l’explication la moins blessante. Mais quiconque a déjà entendu cette explication de dentelle sait reconnaitre qu’elle est tricotée de mensonges. Et c’est alors qu’elle est blessante, qu’elle écharpe l’âme. Un tsunami délicat…

J’ai arrêté de demander la raison aux non que je reçois.

L'ai-je même déjà fait? Je n’en ai pas souvenir, ce mémento est vierge… Par contre, j’ai en tête avoir accueilli des explications bidons, bardées d’incohérences, sans attaches. Ce sont elles qui sont douloureuses. Un non bien senti dure deux secondes, une explication foireuse reste au creux de l’orillon. Parfois même, il y tisse un voile impossible à enlever.

Mais aujourd’hui, je suis moi-même au cœur d’un tumulte mental auquel je n’ai pas eu la force de dire non. J’ai fui plutôt que d’affronter. J’ai préféré blesser à donner une explication.

J'en ai mal à l’intégrité.

Depuis plusieurs semaines, je discute avec un maton (un gardien de prison). Une discussion rafraîchissante, amicale, décousue dans l’histoire. Il m’a proposé d'aller prendre un verre hier chez lui, pour la énième fois … Et après m’être assurée que d'aller chez lui ne me ferait pas manquer d’air, j’ai accepté d’aller le rejoindre après son boulot. Il est passé m’acheter du gin (j’adoooooore le gin), m’a demandé mes préférences vinos, m’a écrit la journée sa hâte de me rencontrer enfin…

Mais moi, dormant debout au moment d’aller le rejoindre, je n'ai pas voulu le décevoir. J'ai choisi la fuite. Donc, non seulement je n’y suis pas allée, mais comble de lâcheté, je ne lui ai pas dit que je ne viendrais pas, poussant même ma bassesse en le supprimant/bloquant de Facebook.

Et aujourd’hui, je frôle les murs, craignant de croiser mon reflet. J’ai si honte de moi… De moi, mais aussi honte d’avoir inscrit au marqueur gras ce moment dans mon histoire. Un agissement inexplicable. Je sais bien que les gens sont interchangeables, que dans son histoire à lui, je ne tiendrai que très peu de place. C’est dans la mienne que j’ai mal.

Un simple non me suffit… Mais j’aurai été incapable de le dire hier et, pire, je me suis portée pâle. Je ne veux pas être ce genre de femme. Je ne veux pas me fuir en étant incapable d’accueillir mes faiblesses. Parce qu’au fond, si je lui avais simplement dit que j’étais fatiguée et que je n’irais pas, j’aurais en ce moment les épaules droites et l’intégrité légère.

Source image de couverture : Unsplash
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