Je ne me reconnaissais plus. Je ne me connaissais plus. Les crises de panique étaient de plus en plus fréquentes. Je ne me sentais chez moi nulle-part. Mes pensées s’entremêlaient et s’empilaient comme une montagne. Je voulais tout contrôler, mais chaque chose m’échappait. J’aurais voulu que quelqu’un m’explique ce qui m’arrivait. J’aurais voulu savoir parler, mais je ne trouvais pas les mots et je n’en n’avais pas la force. Il m’arrivait de traverser la rue et de souhaiter qu’une auto me percute, tu sais, juste un accident bien bête, pas de ma faute. Car quand l’anxiété montait, tout devenait noir. Il y avait seulement les bras de béton pleins de ouate de mon chum qui me berçaient pour m’apaiser et me ramener à la surface. Il m’a poussée à en parler à ma famille et à un professionnel. Mais comment? Tu dois prendre toi-même le téléphone pour chercher l’aide, pour la demander.
main recourbée sombreSource image: Unsplash

Quelques temps plus tard, ma nouvelle psychothérapeute m’a conseillé de parler de mon état à mon médecin. Cette médecin qui, sûrement pleine de bonne volonté et ne se sentant pas assez outillée en entendant les mots « idées noires », m’a tout de suite envoyé à l’hôpital psychiatrique au lieu de prendre le temps de me questionner davantage. C’est donc tel un zombie docile que j’ai traversé les grandes portes à pied, passé les détecteurs de métal et demandé moi-même au petit comptoir à être évaluée par un psychiatre. Mais bon sang, est-ce que j’avais vraiment la force de faire tout ça? En même temps, je me disais qu’enfin on pourrait reconnaître ce qui se passait en moi. Je me souviens que le monsieur m’ait demandé tout bêtement ce que j’avais. « Heuuuu, je n’en sais rien, mais je sens que je vais mal, j’en viens à voir tout en noir. » Comment pouvais-je lui expliquer à lui, quand j’avais peine à le verbaliser à mes proches juste avant? « Veux-tu réellement te suicider? », qu’il m’a demandé. « Je n’aurais jamais le droit de faire ça à ceux que j’aime », j’ai répondu, en pensant entre autres à ma soeur qui m’attendait généreusement dans la salle d’attente. Et comme j’ai en plus dans ma génétique bien fort ancré de m’obliger la pensée positive même dans les moments sombres, je n’ai pas dû sembler être un cas assez désespéré à leur goût, car je n’ai eu droit à aucun diagnostique. Rien, nada. Fille, retourne chez vous, ton mal-être n’est pas assez important pour mériter un nom ou une petite pilule, tu ne vis rien d’assez big. Je suis folle coudonc. Je me sentais vraiment rien de rien. J’ai donc repassé les portes, comme bannie du club, complètement vidée. Je sentais à quel point j’avais mal, mais comme celui-ci n’avait pas droit à un nom, je ne pouvais l’expliquer et le justifier à personne. Une chance qu’il y avait ma soeur pour tenir ma main à cet instant.

Des années ont passé depuis et je vais bien, très bien même. Et c’est suite à un travail périlleux, en transformant cette période difficile en apprentissage au lieu de le voir comme du temps perdu, avec le soutien de mes proches, que j’en sors grandie aujourd’hui. Mais des questions restent. Pourquoi faut-il faire tant de recherches et d’appels pour trouver un bon psy? Pourquoi mes parents ont dû m’aider à payer des séances supplémentaires vraiment nécessaires, car je n’avais pas les moyens de soigner ma propre santé mentale? Est-ce qu’on demanderait à quelqu’un qui a la jambe cassée de se rendre lui-même en marchant à l’hôpital? Je me souviens avoir trouvé tellement injuste de devoir me battre pour avoir de l’aide au moment où ma réserve de forces était en train de s’épuiser. Et je pense à ceux qui n’ont pas la chance comme moi d’avoir accès à une trousse infinie d’amour de famille et d’amis pour s’aider à guérir... ils font quoi eux!? À quand l'invention des ambulances pour les morals cassés? Est-ce que l’aide pourrait être plus facile à trouver?

tempête grisevSource image: Unsplash

Et oui, il semble y avoir un nombre exagéré de nouveaux troubles qui naissent dans notre société chaque jour, mais en même temps, c’est tant mieux, car si l’un de ces termes pouvait nous permettre de mieux nous expliquer ce que l’on vit, peut-être serait-il plus facile d’en parler à nos proches, à demander l’aide adéquate et surtout, à se sentir enfin reconnu.

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