On était deux dans ma tête, en permanence. Je ne sais pas comment ni quand t’es arrivé, mais tu t’es fait une place petit à petit. Au final, je pense que t’étais plus là que moi. C’était difficile de ne pas t’écouter ou t’accorder d’importance, toi qui savais tout. Tu me disais qu’en t’écoutant, j’allais être belle et mieux avec moi-même. Je te faisais confiance, parce qu’au fond, t’étais la seule qui avait confiance en moi... je pense.

T’es venue t’installer, tu t’es fait une petite place à un moment où il n’y avait personne pour me prévenir de ce qui se passait. Personne ne voyait les signes avant-coureurs, mais c’était ça le plan, t’as vraiment bien joué tes cartes je trouve.Tu avais tout prévu. T’as commencé par des petits moves, des petits commentaires. Tout le monde pensait que j’allais bien, que je prenais soin de moi. C’était vraiment agréable, tu m’apportais beaucoup.

Une bouchée à la fois, un mouvement après l’autre, un commentaire qui n’attend pas l’autre. On était bien jusqu’à temps qu’on le soit moins, tu t’en rappelles ? T’avais pris le contrôle, et je te laissais faire. Tu laissais les bleus se faire sur ma peau, les os paraître dans mon dos, tu laissais les gens s’éloigner de moi, tu laissais mes cheveux tomber et le peu que j’étais s’en allait tranquillement. T’avais pris le dessus, mais c’était mieux pour nous deux, ben c’est ce que tu me disais.

Mes proches voyaient que je m’effaçais, que tu m’obsédais, que je vivais pour te plaire. Les vêtements devenaient amples, ma peau pâle, et chaque jour je devenais de plus en plus ce que tu voulais que je sois. On a fini par ne faire qu’un toi et moi. Tes objectifs étaient devenus les miens, je pense que je trouvais un certain réconfort à avoir le contrôle de quelque chose, même si ce n’était pas nécessairement sain comme relation.

anorexie

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J’étais belle à tes yeux, mais seulement aux tiens et aux miens. Selon les autres, j’étais vraiment plus proche de disparaître qu’autre chose, mais je n’écoutais pas. On y allait un jour à la fois, un kilo à la fois. On avait développé des trucs pour tout cacher, tu te rappelles ? On était vraiment rendues complices, on pouvait tout cacher en surface. Mais maudit que tu m’avais brisée en dedans. C’est quand on m’a confrontée que j’ai compris ce que tu m’avais fait et là j’ai eu peur.

J’ai été forcé de te laisser partir, contre mon gré. C’était toi ou ma vie à la maison. Je n’avais pas envie d’aller en centre avec des soins particuliers avec d’autres personnes qui vivaient avec toi. Ça n’a pas été facile, et je pense que t’es encore là. Tu ne partiras jamais vraiment au fond c’est ça ? C’est correct, je m’habitue à ta présence dans un coin. J’essaie le plus possible de te faire taire quand tu parles trop fort, ou quand tu me convaincs de voir les choses selon ta perspective.

On a vécu de belles choses ensemble Ana. Tu faisais en sorte que tout le reste comptait moins. J’étais tellement perdue, tout était si vaste, incompréhensible et sans importance, que tu faisais en sorte que quelque chose en valait la peine. Mais le pire dans tout ça, c’est que nous étions capables de convaincre tout le monde et nous-mêmes que non, je n’étais pas malade.

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