Je m’y connais très peu dans la période entourant la rédaction du Refus global. Honte à moi qui me dis littéraire. Pour ceux qui, comme moi, en savent peu sur cette publication, je vous l’explique brièvement : le Refus global est une œuvre revendicatrice publiée par Paul-Émile Borduas en 1948 à Montréal. Elle a été cosignée par 15 artistes partageant sa vision de l’art. Alors que le gouvernement conservateur duplessiste était au pouvoir au Québec, ces hommes et femmes militaient pour un art automatiste, assumé et exempt des doctrines religieuses de l’époque. Voilà pour le rapide cours d’histoire.
Source: Renaud-Bray
Anaïs Barbeau-Lavalette, auteure de « La femme qui fuit » nous raconte cette période. Elle n’y a pas vécu, mais en a connu les répercussions, bien malgré elle. Ce livre s’adresse à sa grand-mère, Suzanne Meloche. Poétesse et peintre, elle faisait partie du mouvement des Automatistes, mais a refusé de signer le manifeste au dernier moment. Elle a eu 2 enfants de Marcel Barbeau, également signataire du Refus global. Elle nous est présentée, en entier, aussi vulnérable que forte.
Le texte est rédigé à la deuxième personne du singulier. Anaïs interpelle directement sa grand-mère. Celle-ci connait tout de sa vie, ses fuites, ses succès, ses échecs. La narratrice ne fait pas que raconter ces évènements, elle les vit. Avec tout autant de colère, de violence et d’amertume que de joie et de fierté. Le ton est juste, complexe. Autant de reproches que de louanges. On y sent l’éventail d’émotions qui parcourent le corps de Suzanne et celui d’Anaïs à la fois. Le discours de Suzanne est contradictoire, tout comme les sentiments de sa petite-fille. Elle dit haïr sa grand-mère, mais semble pourtant la comprendre mieux que quiconque.
La plume d’Anaïs Barbeau-Lavalette est excellente. Le rythme irrégulier sonne vrai. J’avoue avoir lu plusieurs des passages à voix haute, pour la beauté des mots et pour vivre pleinement l’émotion qui y était décrite. L’auteure est capable de tout autant de douceur que de brutalité. Telle son ainée, elle ne se censure pas. Elle dit les choses comme elles viennent et ça nous frappe tellement c’est beau et douloureux.
En lisant « La femme qui fuit », j’ai pu comprendre les états d’âme d’une génération entière. Celle qui tentait de changer le cours de notre histoire. Anarchique, elle voulait tout réformer. Ce faisant, elle a cependant perdu ses racines. Le constat que fait Anaïs est beau. À travers l’histoire de sa grand-mère et grâce à tout l’amour de sa mère, elle arrive à pardonner. Suzanne Meloche est un modèle de détermination et de courage. Son récit met cependant en évidence que nous ne pouvons gagner toutes les batailles. Ce sont celles qui nous rongent l’intérieur que nous devons braver en premier.
Les mots d’Anaïs m’ont profondément touchée. J’en suis encore ébranlée. Il s’agit assurément d’une œuvre que je garderai précieusement dans ma bibliothèque. Et vous? Qu’en avez-vous pensé? Suis-je la seule à m’être laissée troubler par ce livre? Je veux avoir vos impressions.
Notre prochaine lecture…
Le prochain livre que je vous propose s’intitule « Les maisons ». Ce roman explore la vie familiale. Ce cocon dans lequel nous vieillissons, qui nous protège des intempéries. Fanny Britt y raconte l’histoire de Tessa, ancienne chanteuse qui s’est recyclée en courtier immobilier. Avec ses 3 enfants et son mari, elle vit une existence tranquille, remplie d’amour. Pourtant, la vieillesse la pousse à se questionner et peut-être à faire revivre d’anciennes passions maintenant éteintes.
On se reparle dans 2 semaines. Bonne lecture!
Source: Renaud-Bray