Série de textes pour la semaine de prévention du suicide - 30 janvier au 5 février

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Traumavertissement : Mention de suicide

En cette semaine de la prévention du suicide, j’ai décidé de décrire une vision qui, à mon avis, manquait à la place publique et est plutôt absente des médias : les répercussions de ce tsunami qu’est le suicide.

Dans cette série de textes en 7 temps, je vous raconterai les 7 perspectives d'un même événement, dont celle d'Anaëlle. Voici, justement, la sienne. 

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Tous les jours se ressemblent : me lever, prendre ma douche, manger avec ma famille et rester sur mon téléphone jusqu'à 4 heures du matin.

Même en restant les mêmes, ils deviennent de plus en plus difficiles. Difficile de me lever, de sortir de mon lit, de prendre ma douche, de manger avec ma famille. J'ai même quitté un camp parce que je trouvais que c'était trop compliqué de me lever à six heures. Aller passer la journée avec une quinzaine de personnes m'épuisait mentalement. Je n'arrivais pas recharger ma batterie sociale, qui se vidait en 45 minutes.

Plus les jours passaient, plus je me sentais fatiguée et épuisée mentalement. Je me sentais vide. C'est la même chose depuis deux ans. Personne n'avait vu les signes. Personne ne me demandait comment j'allais réellement. En fait, tout le monde me demande si ça va, mais personne ne veut vraiment savoir la réponse. Oui, non?

La vérité est que non, ça ne va pas bien, mais je dis quand même que oui, si ce n'est que pour ne pas avoir à expliquer comment je me sens. Mais, au fond de moi, j'ai l'impression de me noyer. J'ai des vagues de tristesse et de souffrance constante.

Je ne veux pas demander d'aide, car j'ai peur.

Peur qu'on rie de moi. Peur que mes sentiments soient invalides ou de me faire dire que je suis trop jeune pour me sentir comme ça. Qu'ils disent que je ne suis pas assez  malade ou instable pour avoir de l'aide. Qu'on me refuse celle dont j'aurais vraiment besoin. Qu'on ne me prenne pas au sérieux.

20h30

Well, je l'ai fait. Ce n'était pas prévu, je le promets. Je n'y avais pas pensé avant d'avoir la bouteille d'Advil devant moi, dans mes mains. J'avais juste mal à la tête. Je voulais juste en prendre une. Elles sont toutes tombées. Je n'ai pas réfléchi et les ai prises. J'ai écrit à ma meilleure amie pour lui demander d'écrire à ma mère pour lui dire que j'avais besoin d'aide. Quelques minutes plus tard, ma mère cognait à ma porte. Je l'ai fait entrer et j'ai éclaté en sanglots. J'ai dû attendre quelques minutes pour me calmer.

Comment allait-elle réagir? 

Je lui ai dit que j'avais pris plus d'Advils que j'étais censée. J'ai vu la confusion sur son visage. Une vingtaine. Merde...

Elle m'a demandé pourquoi et je lui ai tout dit. J'ai vu les larmes montées dans ses yeux. Elle ne s'y attendait pas, évidemment, personne ne s'y attendait. Elle est sortie, a parlé à mon père et il a appelé l'ambulance. 

À partir de ce moment, tout s'est déroulé rapidement. Les ambulanciers, les questions, le trajet, le docteur, les questions, les prises de sang. On m'a renvoyé chez moi la nuit même. J'avais un rendez-vous le lendemain à l'hôpital.

Le lendemain 

Le médecin m’explique qu'il va faire quelques tests, mais que je n'ai pris que des Advils, donc que je ne risque rien. Si ça avait été des Tylenols, par contre…

Cette phrase joue en boucle dans ma tête. Je viens de faire une tentative de suicide. Est-il en train de me dire de réessayer avec des Tylenols? Quel est le but de cette remarque? C'est comme s'il invalidait ma tentative, comme j'avais peur. 

De retour à l'hôpital, une salle dans un coin perdu, on me bombarde de questions. Mon père est à côté et j'ai peur de dire quelque chose trop brusquement. L'infirmière insiste et me demande pourquoi j’ai fait ça. Elle sait...elle veut juste m'entendre le dire. 

Je lui ai répondu que c’était pour m'enlever la vie.

Je remarque que mon père pleure à côté de moi. Je ne l'avais jamais vu pleurer.

Elle nous a donné des ressources (CAFE/numéro d'urgence en cas de crise). Ça a dû durer une heure, mais ça m'a paru comme une éternité. Je n'étais pas prête à en parler. Pas tout de suite. 

De retour à la maison, une intervenante m'attend dans la salle à manger. C'est le commencement de ma nouvelle routine pour les 8 prochaines semaines ; devoir m'ouvrir à une inconnue, lui raconter ma vie, lui raconter mon passé, mes problèmes et mes pensées.

Le lendemain, on m'a envoyée chez mon oncle et ma tante, pour ne pas que je reste seule. Nous avons été déjeuner au restaurant et la serveuse m'a complimentée sur mes cheveux. Comme si de rien n'était. J'ai souri, j'ai dit merci. Nous sommes allés chez eux et nous avons beaucoup parlé. Nous avons essayé de trouver des solutions.

Ma tante m'a fait réaliser que plusieurs personnes tiennent à moi. Elle m'a fait réaliser que le suicide est, certes, une option de solution, mais que ce n'était pas la meilleure.

13 ans. L'âge que j'avais lorsque j'ai voulu en finir. 

Source de l'image de couverture : Unsplash
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