Jean-Pierre Ferland chantait : « C’est à trente ans que les femmes sont belles ». Monsieur Ferland aimait les femmes c’est connu, il leur faisait la cour, leur chantait l’amour. Sa chanson est magnifique, mais je crois qu’une femme peut être belle avant, et après. Ou peut-être comme il le chante plus loin, c’est parce que je ne les ai plus depuis longtemps que je le pense maintenant.

Ce que j’aurais aimé savoir avant d’être belle (avant d’avoir les 30 ans de Ferland), c’est que je n’avais pas à courir si vite.

Que ce n’était pas une course, qu’il n’y avait pas de ligne d’arrivée, de compétition silencieuse entre celle que j’étais et celle que je pensais devoir devenir. J’aurais aimé qu’on me dise, en me regardant droit dans les yeux: tu n’es pas en retard. Tu es exactement là où tu dois être. Peut-être que je ne l’aurais pas entendu. Mais peut-être que oui.

Avant mes trente ans, je croyais qu’il fallait avoir compris la vie, qu’on devait avoir bâti, qu’on devait être sur notre « bonne track ».

Une carrière stable, un corps en forme, des certitudes inébranlables, un amour sérieux, des enfants. Je portais des masques qui me serraient le cœur. Je voulais être forte et foncer la vie. Je voulais prouver aux autres que j’avais fait les bons choix. Pas pour moi, pour eux…

J’aurais aimé savoir que le doute ne disparaît jamais tout à fait, et que c’est normal.

Qu’il ne fait pas de moi une femme échouée, mais une femme vivante. J’aurais aimé comprendre que les décisions les plus importantes ne sont pas toujours celles prises après avoir longuement réfléchi, mais qu’elles sont faites de courage.

J’aurais aimé qu’on me chuchote, lors de ces nuits où je n’arrivais pas à dormir sans savoir pourquoi, que la solitude n’est pas une ennemie.

Qu’elle est un endroit où l’on est bien. Un miroir nécessaire. Un endroit où l’on a peur d’aller parfois parce qu’on s’y retrouve nue. J’aurais aimé que quelqu’un me prenne la main pour me dire que c’était normal, que j’apprenais la vie.

Avant mes trente ans, je croyais qu’aimer impliquait de se perdre un peu.

J’ai appris plus tard que le vrai amour, c’est tout d’abord celui qu’on se porte à soi-même, pas celui que les autres nous donnent. Que l’amour ne guérît pas tout, mais qu’il peut être un baume quand il est choisi, pas quand il est subi.

J’aurais aimé savoir qu’être douce envers moi-même changerait tout. Que dire « non » ne ferait pas partir ceux qui veulent rester. Que ralentir n’est pas reculer, que reculer n’est pas arrêter.

Et surtout… J’aurais aimé savoir que le plus beau est devant.

Que les vraies rencontres, avec les autres, mais avant tout avec soi, se fait tout au long de la vie. Que chaque année à venir sera lumineuse, même si cette lumière doit s’infiltrer par les fissures.

Aujourd’hui je sais que Ferland nous chantait la pomme, nous faisait la romance. Certes à trente ans, on peut être belle, mais avant et après aussi. Belle, incertaine, hésitante, insoumise, indomptable.

Peu importe les années qui s’inscrivent à notre bagage, nous sommes toutes exactement là où nous devons être.
Image de couverture via L'occhiaccio di Maro'
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