Mes parents fêtent leur cinquantième anniversaire de mariage cette année. On ne peut qu’être admiratifs devant une telle réussite. Parce que dès qu’on sort de l’adolescence, on le sait bien que réussir son couple, ce n’est pas toujours un roman à l’eau de rose et que la véritable aventure de l’amour, ça commence après le mariage (ou du moins après qu’on ait commencé à vivre dans une routine à deux, alliances ou pas).
Un couple, comment ça marche?
Vivre avec quelqu’un, former une famille, c’est le début de l’histoire, pas une fin en soi. Il en faut de l’amour et un désir profond de s’améliorer, de s’ouvrir, de partager, pour faire vivre un couple. Il faut aussi une bonne dose d’indulgence, d’envie de focaliser sur ce qu’on a plutôt que ce qui aurait pu être, et avoir le pardon facile. Il faut se connaître assez pour savoir ce sur quoi on reste flexible et ce sur quoi on ne sera jamais négociable. On appelle ça choisir ses combats! Il faut aimer, simplement, être bienveillant et avoir la certitude qu’on est plus fort ensemble que séparés.
Mes parents sont encore ensemble!
Mes parents sont encore en couple, après 50 ans de vie commune. C’est beau un couple qui a su traverser le temps et qui s’aime encore. C’est un privilège d’avoir un tel modèle. J’avais envie de leur rendre hommage, à travers les animaux qui ont marqué notre vie familiale. Parce que d’autres reconnaitront aussi leur famille à travers les miens.
Évidemment, je n’étais pas là pour observer leur amour naissant. Dans les années soixante, l’ordre des choses était plus prévisible qu’aujourd’hui et je ne peux qu’imaginer les deux universitaires fringants et plein d’avenir qu’ils ont été. Je sais qu’ils ont été populaires l’un et l’autre et qu’ils ne manquaient pas de cavaliers, cependant, ils ont toujours eu la délicatesse de répéter au fil des années que chacun avait été le plus hot de leurs prétendants.
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Fannie la dalmatien
La première époque dont je me souviens est celle de Fannie la dalmatienne. C’est elle qui m’a appris à marcher alors que je m’accrochais à sa queue. J’ai eu ce genre d’enfance où les petits ont le privilège de faire des siestes au moment qui leur convient, la tête appuyée sur le ventre du chien. Fannie, c’est l’époque où mes parents Coco et Maurice venaient de racheter la ferme familiale. Ils avaient des projets plein la tête, une vie de couple et une famille à inventer, trois fillettes en bas de cinq ans, une maison mobile et de l’énergie à revendre.
À travers cela, mes parents ont toujours été rassembleurs. Ils sont aimants et aimés. Des amis, de la famille, notre maison a toujours été un lieu accueillant. Donner, recevoir, accueillir, c’est l’environnement familial dans lequel mes soeurs et moi avons grandi.
Zacgarou le labrador
Quand je suis entrée à la maternelle, ça a été la période de Zacgarou, un labrador aussi gourmand qu’intelligent. Notre ferme employait alors beaucoup de gens et notre maison était une vraie ruche où tous et chacun entraient pour demander quelque chose, livrer une pièce d’équipement fraîchement réparée, rencontrer mon père, demander un service à ma mère, etc.
Très souvent j’ai entendu ma mère raconter qu’elle avait enseigné à Zacgarou à sonner à la porte quand il voulait entrer plutôt que de gratter. Les visiteurs étaient toujours surpris d’entendre ma mère dire « attends un peu mon bon chien! » quand on sonnait à la porte.
À toutes les tâches de la vie à la ferme s’ajoutait la confection des lunchs de dernière minute parce que Zacgarou avait encore trouvé à voler le lunch d’un vaillant travailleur affamé. Vivre sur une ferme, c’est apprendre jeune la valeur du travail et c’est aussi apprendre à y trouver plaisir et fierté.
Ce n’est plus un secret, mes parents avaient le coeur sur la main. C’est à cette époque que ma grand-mère maternelle est décédée. Perdre sa mère est toujours une épreuve difficile. Perdre la femme qu’on a aimée aussi. Mon grand-père s’est trouvé dépressif après le départ de grand-mère. Pour l’aider, ma mère lui a « prêté » Zacgarou quelques semaines, pour lui tenir compagnie. J’imagine que mon grand-père lui a ouvert son coeur parce que ce qui devait être quelques semaines a duré 12 ans. Les animaux ont des dons de thérapeutes et Zacgarou aura aidé mon grand-papa à traverser son deuil. Zacgarou et lui ont eu une belle vie ensemble.
Fidoe la basenji X
Zacgarou adopté par mon grand-père, ma mère est allée à la SPCA choisir Fidoe (c’était une femelle, alors on a ajouté un « e » dans notre logique de fillette). Fidoe, que nous avions décrété être un basenji croisé, s’est élevée tout seule pour reprendre les termes de ma mère. Elle est arrivée dans une période de vie où mes parents étaient extrêmement actifs. Agriculteurs, mon père travaillait en plus comme agronome et ma mère avait son bureau de nutritionniste. Nous, on avait des cours de tout ce que vous pouvez imaginer, du patin artistique au piano en passant par la danse et la natation. Et puisque nous habitions à la campagne, tout cela rimait avec beaucoup de déplacements.
Fidoe a été parfaite pendant cette période de notre vie de famille. Elle avait ses moments où elle pouvait jouer plus « rough » avec mon père, elle se laissait habiller en poupée par moi et elle adorait se coucher en boule dans le lit de ma soeur Sophie, à condition qu’elle ne l’accroche pas en dormant. Sinon, elle grondait et très fort. Fiode a vécu longtemps et dans ma tête d’enfant, elle était un membre de la famille aussi important que mes soeurs et moi.
Le plaidoyer pour Tootsie la cocker
Alors que j’étais en 6ième année, j’ai écrit mon premier vrai dossier de plaidoyer que j’ai remis en pleurant d’incertitude à mon père. Je voulais un chien à moi, je voulais un cocker. J’avais parlé de mon projet à ma mère et j’imaginais que mon père s’y opposerait. Puisqu’il a toujours été impliqué dans toutes sortes de comités et qu’il a toujours été habile pour monter de beaux dossiers, je lui en ai fait un pour plaider ma cause.
Je devine maintenant qu’avec la complicité que mes parents ont toujours entretenue, ma mère a bien su influencer mon père. Après avoir gardé des enfants et fait de l’artisanat, j’avais l’argent nécessaire pour l’achat du chien. C’est par écrit que mon père a accepté que j’adopte un chien et qu’il a renchéri en acceptant d’assumer les frais reliés aux chiens après son adoption. Mes parents ont toujours fait passer leurs filles en premier dans les dépenses.
Nous voilà donc ma mère et moi de nouveau à la SPCA et… devinez quoi? Un cocker m’y attendait! Tootsie est alors venue vivre avec Fidoe! Aussi jolie que peu futée, elle était tellement gentille. Je crois fermement qu’elle a facilité mon adolescence. Mes parents ont toujours cru que les chiens sont bénéfiques aux adolescentes et leur permettent de passer un trop plein d’émotions. J‘en ai eu des discussions animées sur Tootsie !
Basilic, le chien Mira
Alors que j’étudiais au Cégep, avant daller à la faculté de médecine vétérinaire, nous avons eu Basilic en famille d’accueil pour Mira. Il était l’ami de Tootsie. Mes parents, reconnaissants d’avoir eu trois enfants en santé, ont voulu aider une famille moins chanceuse et ont élevé ce chien pour Mira. Basilic n’a pas travaillé longtemps et il m’est revenu deux ans plus tard. Il aura étudié avec moi durant tout mon doctorat et m’aura accompagné pendant mes huit premières années en pratique vétérinaire.
Flash, l’éternel ado pas toujours «sur la coche»
Maintenant, mes parents ont Flash. Un boxer abandonné en établissement vétérinaire que je leur ai fait adopter. Flash n’est pas toujours un 10 sur 10 au niveau du comportement et mes parents se servent de lui pour expliquer certaines choses acceptables ou pas à leur petits-enfants quand nous sommes en visite. Disons que Flash est un bon sujet pour nourrir la conversation! Oui, chez nous, les réunions de famille sont encore très fréquentes et tout le monde y est le bienvenue, y compris les chiens!
Source image: Lucie Hénault
J’avais envie avec ce texte de rendre hommage à mes parents, parce qu’ils nous ont tant donné dans leur vie ; de l’amour fort, une éducation droite et honnête, l’amour des animaux et l’engagement envers eux. Mes parents nous ont aussi appris à juger un individu sur ses actes et sur les efforts déployés face aux difficultés de la vie. Ils nous ont appris qu’on ne juge pas les individus sur leurs avoirs, ni sur leur apparence. Ces valeurs transmises par mes parents continuent de vivre en nous, dans nos enfants aussi et dans la grande famille élargie qui les entoure.
Être dans le cercle d’amis et dans la famille de Coco et Maurice, c’est un privilège et souvent une grande source d’équilibre et de réconfort. Nous sommes nombreux à nous abreuver à leur source. Pouvoir compter sur eux est un des plus beaux cadeaux que la vie m’ait offert.
J’espère que ce texte en inspirera quelques uns qui auront aussi envie de remercier leurs parents même si ce n’est pas leur cinquantième anniversaire de mariage. Parce que dire merci, ça fait toujours plaisir.