Comment expliquer l'inexplicable et mettre en mots l'expérience de que je viens de vivre au Sénégal en faisant ma mission de coopération internationale? En fait, je crois que c'est tout simplement impossible. Les mots ne pourront expliquer ni le choc culturel vécu, ni les émotions ressenties, mais je vais quand même essayer.
L'accueil des Sénégalais est tout simplement exceptionnel. Souriants et souhaitant la bienvenue dès qu'ils te rencontrent, ils nous ont reçues, mon amie et moi, avec beaucoup d'amour et de générosité.
J'ai vécu là-bas...
Des moments culturels inoubliables comme manger autour du bol un Yassa Poulet (comme une vraie Sénégalaise ou presque); me réveiller chaque matin au son de la prière musulmane; faire partie de la foule et voir les pêcheurs de Mbour revenir au port dans leurs pirogues colorées; négocier, négocier et encore négocier (les Sénégalais sont vraiment les rois de la négociation); voir des vendeurs de rue déambuler sur l'autoroute (oui, oui, parmi les voitures); visiter un immense marché traditionnel guidé par un local...
Des situations absurdes, comme vivre chez les sœurs pendant trois semaines alors que le pays est majoritairement musulman; chercher les poubelles sans arrêt pour éviter de participer à l'amoncellement des déchets au sol; voir au moins 15 enfants entassés dans une voiture qui roule; voir un homme en chaise roulante se promener sur l'autoroute parmi les voitures dans un embouteillage à Dakar; faire découvrir la poutine aux sœurs de Thiès; prendre un verre dans un bar à Saly en compagnie de six religieux; ne pas avoir l'eau courante durant plus d'une semaine et me laver à l'aide d'un seau d'eau (même les mains); ressentir une anxiété face au fait d'être moins occupée qu'à la maison et de "n'avoir rien à faire"...
Des contacts avec des sujets tabous comme l'excision, l'illégalité de l'avortement, la dépigmentation volontaire, la polygamie et les enjeux des femmes...
Des moments d'apprentissage dans les différents postes de santé comme assister à un accouchement pour la première fois; voir des sages-femmes travailler avec passion et faire de réels miracles avec un rien; écouter le cœur d'un bébé avec un stéthoscope de Pinard; constater que certaines femmes ne font pas de suivis médicaux durant leur grossesse et qu'elles consultent seulement au moment de l'accouchement (ou presque); être en contact direct avec la pauvreté, le manque d'éducation et les croyances traditionnelles bien ancrées; voir des femmes refuser des tests médicaux par manque de liquidités; réaliser que même les institutions de santé connaissent peu les principes d'hygiène et de prévention des infections...
Des moments de bonheur et de douceur comme recevoir la générosité de tous les gens qui nous ont accueillies comme si nous étions leur propre famille; entendre le rire communicateur de notre chargé de projet dakarois; voir une mère placer son enfant avec agilité sur son dos en portage avec des tissus et voir que le bébé a une confiance inébranlable...
Des moments de fierté, partagés avec mon amie, comme avoir fait la première mission de coopération internationale en rééducation périnéale au Sénégal (et ouvrir cette porte là-bas); avoir offert un séminaire sur ce sujet à près de 50 professionnels de la santé et ressentir le sentiment du devoir accompli; avoir créé des aides-mémoires à afficher dans les différents postes de santé visités; avoir rencontré deux monitrices de l'école de sages-femmes de Dakar afin de discuter de l'implantation d'un module en rééducation périnéale dans le curriculum de cours...
Avoir vécu tout cela remet les choses en perspective... J'apprécie ma vie, je me sens choyée de vivre au Québec et ça me donne envie de vivre un peu plus simplement. Plus simplement en profitant du moment présent. Parce que là-bas, ils vivent vraiment dans l'instant présent (ce que nous devrions apprendre d'eux, assurément). Mais je ressens aussi un sentiment de culpabilité depuis mon retour, après avoir vu cette pauvreté... J'ai beaucoup appris durant ces trois semaines et j'espère vraiment que d'autres volontaires iront au Sénégal pour y améliorer les soins périnéaux. Qui sait, peut-être que j'y retournerai moi-même une prochaine fois!