La vie te donne, la vie te reprend. J’écris aujourd’hui pour libérer mon cœur et ma douleur. Libérer la parole de ceux qui l’ont vécue, libérer le tabou autour de la fausse-couche. Ce mot que l’on n’ose jamais prononcer de peur qu’il vienne frapper à notre porte, le jour où l’on a enfin la chance de porter la vie!
C’était un après-midi de la fin du mois de novembre. Soleil perçant, le cœur en joie, un mélange d’excitation et d’appréhension me portait pour aller vivre cette échographie de trois mois de grossesse, avec mon amoureux. Je vivais un quotidien absolument heureux, à communiquer avec mon petit bébé, à lui parler de la beauté de la vie, à le remercier de vivre cette belle aventure avec nous, à lui raconter la petite routine de la vie de tous les jours, à toucher mon ventre qui s’arrondissait de jour en jour pour lui apporter toute l’affection que je pouvais déjà lui donner.
Assise dans ce cabinet, la sonde de la sage femme sur le ventre, l’écran face à moi, l’image de notre petit bébé est apparue à l’écran. Je mets un petit temps à réaliser qu’il ne bouge pas, et que l’on n'entend pas son cœur, je vois son doux visage et ses petits doigts, mais il ne bouge toujours pas. C’est à ce moment-là que le ton de la sage-femme s’est mis à changer et que les paroles que je n’étais pas prête à attendre ont résonné : « votre enfant a cessé de vivre à 9 semaines, c’est terminé ». En quelques secondes, le monde autour de toi s’écroule, et c’est le regard dans le vide, le cœur serré, la douleur au ventre, que j’ai pris cette monstrueuse claque dans la figure ! Je n’avais eu aucun signe, ni saignement, ni douleur au ventre, rien, et je crois que c’est ce qui a rendu ce choc émotionnel si brutal.
Tout va très vite ensuite. On te jette tout un tas de phrases à la figure en à peine 24 heures, des phrases qui sont faites pour t’aider mais qui souvent, ne sont que douloureuses… « Vous savez, 30 % des femmes font des fausses couches, mais personne n’en parle, la vie continue », « la grossesse est trop avancée, on va devoir l’aspirer », « vous savez, c’est la nature, elle fait une sélection naturelle », « il faut l’enlever rapidement, afin que vous puissiez retomber de nouveau enceinte », « ce bébé ne s’est pas accroché à la vie pour une bonne raison, surtout ne culpabilisez pas », « l’opération va être très rapide, à peine 10 minutes, et hop tout sera derrière vous ». On ne m’a pas laissé le temps de réaliser ce qui se passe, pas le temps d’entendre la réalité et de la réaliser, j’étais juste une de ces femmes parmi tant d’autres qui vivait une fausse couche.
Je pense justement à toutes ces femmes qui l’ont vécu, dans le silence et parfois la solitude, je joins ma profonde douleur à la leur. Si seulement ces quelques mots pouvaient libérer la parole autour de la fausse couche, afin que cette douleur qui était jusque-là vécue dans le silence puisse être portée haut et fort et qu’elle soit entendue. Ce n’est pas juste un événement courant de la vie. Non. C’est un vrai deuil que les parents doivent réaliser. Réaliser du mieux qu’ils peuvent. Il y a encore quelques heures, j’étais la maman de ce petit bébé, un petit être que j’aimais de tout mon cœur. Un petit être dont j’ai ressenti la présence dès les premiers jours de la grossesse, et dont j’ai entendu le cœur battre à seulement 6 semaines. À présent, mon corps doit réapprendre à vivre sans cette vie, sans cette présence, ne lui restant que des contractions et des saignements pour témoigner de la douleur de cette perte.