J’aimerais d’abord clarifier que ce n’est pas mon histoire à moi. Je ne dis pas ça parce que j’aurais honte, au contraire. J’le dis parce que Marguerite, la fille qui a eu la gentillesse de me raconter son histoire, m’a tellement offert des réponses ouvertes, songées. J’veux lui accorder tout le mérite de ses réflexions.
L’histoire de Marguerite a été un hasard pour moi. Je devais écrire un texte sur les nouvelles mises en place de Trump contre l’avortement. Cherchant désespérément une source, je suis tombée sur le statut de cette grande femme, juste ici.
C’est avec une ouverture incroyable que Marguerite m’a partagé son histoire.
Ça fait deux ans que je suis avec mon copain et depuis, j'ai un stérilet... Ce qui devrait m'empêcher de tomber enceinte, évidemment. On est parti en Islande pour le temps des fêtes mais on a du rentré plus tôt que prévu car je ne me sentais vraiment pas bien : mal de coeur, aucun appétit, mal au dos, au ventre... Puis ça s'est calmé de retour au Québec. Par contre, j'avais des petits doutes et la semaine dernière j'ai fait un test qui s'est avéré être positif. J'ai dit dans mon texte que je n'avais pas pleuré mais c'est pas vrai. J'ai pleuré. Assise sur la toilette. J'ai pleuré parce que je recommençais l'école le lendemain, que j'avais travaillé toute la journée et que là, c'était comme la goutte qui faisait déborder le vase. J'étais épuisée, après 3 semaines à avoir mal au coeur et rien pouvoir manger, sans vraiment savoir pourquoi. Ce soir-là, j'ai rejoint mon copain dans mon lit, en pleurant, et en sachant que j'allais me faire avorter. C'était même pas une question. J'avais tellement de projets et de rêves à réaliser dans les prochaines années, et pas de temps ni d'énergie pour un enfant. Avec mon copain, on était d'accord. Donc deux jours plus tard, j'appelais la clinique pour prendre rendez-vous. Je me fais avorter vendredi...
Garder l'enfant était aussi une possibilité pour moi. J'ai 20 ans, j'habite chez mes parents, je travaille au salaire minimum et je vais à l'école à temps plein mais tout ça ne m'aurait pas empêchée d'aimer l'enfant qui grandi à l'intérieur de moi. Par contre, ma situation est bien différente de la plupart des femmes qui se font avorter : J'ai un copain qui m'aime, une famille qui me soutient et des amis qui sont là pour moi. Si dimanche, au lieu d'écrire que je me faisais avorter, j'avais écris que j'allais avoir un bébé, je sais qu'autour de moi, tout le monde (ou presque...) m'aurait appuyée. Dans la tête de mon entourage, quand je leur ai dit que j'étais enceinte, c'était pas ''Alors tu te fais avorter quand?'', c'était plutôt ''Alors, tu vas le garder ou pas?'' Oui, j'aurais eu à faire plein de changement dans ma vie, mais honnêtement, encore hier, je réfléchissais à si je faisais le bon choix ou non... Je ne pense pas qu'il y ait un bon et un mauvais choix, mais je me dis ''Si je suis tombée enceinte même en faisant ce qui était en mon pouvoir pour ne pas tomber enceinte, c'est peut-être pour une raison'', pis ces temps-ci, je trouve ça cute des jeunes mamans avec leur bébé pi ça m'arrive de les envier, haha. Je me suis dis ''Pourquoi pas moi? Je pourrais être une maman cool qui irait faire du camping avec son bébé pis qui voyagerait, qui ferait du pouce et je lui achèterais plein de linge nice dans les friperies!'', haha! Mais faut tout de même être réaliste. Le choix que je fais vendredi aura un impact sur le reste de ma vie..
On dira ce qu’on voudra, encore aujourd’hui, au Québec, l’avortement reste tabou. Je trouve ça beau qu'il existe des femmes avec autant de courage qui osent en parler. Pis je trouverais ça encore plus beau que chaque femme ait le droit de faire ce qu’elle veut, sans jugement. Vivre et laisser vivre, comme elle dit.
Source: Favim