Source : Adrienne Labine
Quand j'étais jeune, je me souviens que j'étais full heureuse et souriante. La vie était simple et belle. Je ne sais plus si c’est mon papa ou ma maman qui prenait la photo, mais je me souviens très bien que quelqu’un derrière l’appareil me criait : »Donne-moi un gros sourire ma cocotte ! »
Pis j'donnais le plus gros de tout les sourires, sans hésitation et sans gêne. Parce que mon bonheur était immense et innocent.
J'ai eu une tumeur à la naissance, qui a affecté les nerfs et les muscles du côté gauche de mon visage et depuis ce jour, je vis avec une paralysie faciale permanente.
Cette tumeur n'a pas seulement abîmé un nerf, ou un muscle.
Mais bien toute une vie.
J'ai toujours imaginé qu'un jour, ça allait partir et qu'un jour, je deviendrais enfin normale. J'avais tellement d'amour de la part de mes parents, de ma famille, de mes amies et de mon entourage qui m'accompagnaient dans ce parcours pas tant facile pour une petite jeune fille. Tellement d'amour, mais aucun d'entre eux me m'a avertie que dans le vrai monde, ce n'est pas facile.
«Je vais te dire qu'une seule chose : le monde est un endroit cruel, trop cruel.»
Pendant tellement longtemps, j'ai essayé d'ignorer ce que j'avais et de vivre chacune de mes journées comme si c'était la dernière sur terre. Comme si chaque journée était possiblement la dernière et que je devais laisser ma trace une dernière fois.
Refaire ces gros sourires et tenter de me différencier en démontrant mon courage et en ayant un bon coeur. Pis quand ça ne marchait pas, il n'y avait rien de plus destructeur.
Parce que vivre avec une paralysie, c'est pas facile. (Rires.) En fait, ç'a fucking ruiné ma vie. C'est comme si une deuxième personne vivait dans mon corps.
Pendant longtemps j'ai blâmé cette deuxième personne, parce que je ne voulais pas admettre qu'en fait, je me blâmais moi.
Source : Adrienne Labine
M'empêchant de vivre, de rire.
C'est pas une vie, de vivre dans la peur, l'anxiété, quand l'estime de soi est extrêmement difficile à remonter. Pis quand tu as l'impression d'être seule devant le monde à supporter ce fardeau, ça fait peur.
Pis cette deuxième personne que je blâme, qui est en fait la part entière de moi-même. Cette personne que je renie, que je refuse d'accepter, comme on n'a pas su m'accepter moi. Si tu savais à quel point je te déteste. Si tu savais à quel point je me déteste.
Je n'ai plus envie de sortir de chez moi. Je n'arrive plus à supporter le regard de ces personnes dans la rue. Je deviens folle, à force de me retourner et de fixer en retour ces gens qui se renient aussitôt quand je tente de me faire un petit passage dans ce monde. Chaque journée est aussi difficile que l'autre, mais je l'sais du fond de mon coeur que la bonne viendra.
Parce que je crois que moi aussi je devrais avoir ma place. Pis que tout le monde devrait avoir sa place dans ce monde.
Parce qu'on est tous beaux à notre manière, pis s'aimer et s'accepter est le plus merveilleux des middle fingers de tous les temps.
Pis j'ai pris ma place autrement, parce que j'arrivais à mon dernier plan qu'était le plan Z. Ce plan Z de m'accepter, de m'aimer et de naïvement tenter d'embrasser mes défauts.
Ça n'a pas trop marché.
Mes parents savaient que j'avais beaucoup de difficulté à vivre avec tout ça. Mes superbes parents ont travaillé d'arrache-pied pour que je me trouve belle, que je m'accepte solennellement. Un amour inconditionnel, tellement puissant mais qui, hélas, n'a pas été en mesure de me sauver.
Parce que moi seule, peux me sauver.
Je me suis donc tournée vers la chirurgie esthétique. Parce que les nuits à pleurer se répétaient trop souvent à mon goût. C'était véritablement à mes yeux, la seule solution.
Une chirurgie qu'aucune adolescente de 14 ans devrait vivre. Mais c'était ma décision à moi et j'ai appris à vivre avec. Une longue procédure, de nombreuses consultations, de nombreuses complications...
Une procédure qui a tout simplement laissé plus de cicatrices qu'il le fallait.
Et qui n'a même pas fonctionné, en fait.
Je crois que la vie voulait me faire passer un message. Un message plein d'amour et de bons mots qui voulait en fait dire :
«L'estime de soi n'est jamais déterminée par les autres et quand le jour où tu vas enfin t'accepter viendra, ça sera tellement beau.»