Traumavertissement: Violence sexuelle, violence physique, violence conjugale, violence psychologique. Des ressources sont disponibles à la fin du texte.

Je suis à la ramasse… Une multitude de sentiments se mélangent en moi. Tristesse, honte, déception, colère… C’est une histoire de rencontre internet. Pas d’une « date » de site de rencontres, mais de deux personnes qui se rencontrent sur les réseaux sociaux. Il m’aura fait une demande d’amis et j’aurai accepté. Nous avions une trentaine d’amis en commun, dont quelques-uns qui sont des amis très proches. Par contre, malgré que j'en connaisse la plupart personnellement/professionnellement, il n’en connaissait véritablement aucun. Red flag?

C’était un pro de la drague par écrit.

Il écrivait très bien et ne faisait pas beaucoup de fautes, cependant il se faisait un plaisir de m’informer des miennes. J’ai trouvé ça particulier… Il me donnait de petits surnoms mignons alors qu’il ne m’avait jamais vue encore. Me chantait la pomme en me disant que je valais la peine qu’il m’attende puisque je ne pourrais le rencontrer avant quelques semaines. Souvent il me reposait les mêmes questions : quelle musique j’aimais, quels étaient mes films préférés… Red flag?

Donc voilà, après plus d’un mois de conversations soutenues où nous nous serons parlés et écrits des dizaines voire des centaines d’heures, nous nous sommes rencontrés. On n’a jamais une deuxième chance de faire une bonne première impression alors je tenais à ce que cette première fois se déroule bien. Je lui avais proposé d’aller le chercher pour lui faire une « surprise ». J’avais l’intention de l’inviter à aller passer la soirée au Centre de foires où nous aurions discuté, fait des manèges, manger un truc gras. Aucunement question d’alcool dans l’histoire… La température étant pluvieuse, il m’a alors écrit que nous allions prendre un verre en me proposant deux endroits. Je suis allée le chercher chez lui où il m’aura fait entrer pour un premier verre. Je l’ai trouvé beau, un peu suffisant, mais il me plaisait. Il n’aura pas pris longtemps avant de m’embrasser, il embrassait plutôt bien…

Nous serons sortis prendre un verre dans un bar.

Et c’est ici que l’histoire dérape… Je me souviens être arrivée, que nous ayons commandé des verres, mais ensuite c’est le trou noir… Je ne me souviens plus de rien… Jusqu’à ce que je me réveille nue le lendemain dans son lit. N’ayant aucun souvenir de la veille, j’aurai compris que nos rapprochements se seront arrêtés avant qu’il n’entre en moi… J’étais un peu mélangée, mais je n’étais pas lendemain de veille par contre je n’arrivais pas à refaire le fil de ma soirée. Rendue au matin, encore embrouillée de sommeil, il m’aura donné un orgasme de façon très douce… Et malgré le fait qu’il ne soit pas capable d’avoir une érection ferme, il aura joui lui aussi… Une douche plus tard et je partais…

Je n’arrivais pas à m’expliquer la soirée jusqu’à ce qu’il m’envoie une vidéo de moi dansant sur une piste de danse improvisée.

Et c’est là que j’ai su… J’ai beau être saoule morte, je ne danse jamais dans les bars. JAMAIS !!! Et là je dansais d’une façon que je ne reconnaissais pas… J’avais été drogué… Je ne me souviens pas être partie du bar alors que mon inconnu était en état de conduire. Pourquoi avions-nous pris son véhicule déjà? J’ai tenté de lui en parler, mais il a voulu me convaincre que c’était à cause de l’alcool, que je devais assumer le fait que je n’étais pas habituée de boire et qu’il ne me jugeait pas. Mais un homme qui n’a rien à se reprocher m’aurait-il répondu ainsi? Ou aurait-il au contraire cherché à m’aider à savoir ce qui s’était passé? Un innocent ne m’aurait-il pas demandé comment j’allais depuis? Lui qui m’écrivait d’habitude des dizaines de fois par jour ne m’aura redonné aucune nouvelle depuis…

J’ai un bon ami qui est intervenant en gestion de crises et suite à son conseil, je suis allée à l’hôpital pour passer une prise de sang et laisser un échantillon d’urine. J’ai rencontré une docteure charmante qui m’a dit que peu importe ce qui était arrivé, il s’agissait d’une agression sexuelle si je n’étais pas en état de consentir de façon éclairée. Elle m’a fortement recommandé de faire une trousse médico-légale et m’a dit que j’avais 15 jours pour pouvoir l’utiliser si je décidais de porter plainte (après ce délai ils la détruisent). Malgré qu’il ne m’ait pas pénétré, j’avais de son sperme dans les cheveux et elle m’a coupé une mèche… J’ai préféré attendre les résultats à l’hôpital… J’ai bel et bien été drogué, mais bizarrement ce n’était pas au GHB…

Mon bel inconnu serait donc ce genre de personne?

C’est particulier parce que la veille chez lui on avait justement discuté de l’histoire de Marie Trintignant et Bertrand Cantat et celui-ci m’avait dit que la violence envers une femme n’était jamais excusable.

Je dois prendre une décision…

Est-ce que je garde cette triste soirée pour moi, que je porte plainte et m’engage dans un processus long et douloureux, ou alors est-ce que j’en parle à nos « amis » communs pour savoir s’ils n’auraient pas eu vent d’un truc du genre le concernant?

Mais je suis envahie de questions…

Mon passage à l’hôpital m’a confirmé que j’avais ingéré de la drogue à mon insu. Et si ce n’était pas mon inconnu qui l’avait déposé dans mon verre? Si c’est l’une des personnes assises au bar qui l’avait glissé alors que je dansais avec lui? En portant plainte est-ce que je ne risque pas de gâcher sa vie s’il n’a rien fait? Peut-être n’est-il qu’un collectionneur de coups d’un soir sans être un homme qui drogue ses victimes? Peut-être aussi que me voir dans cet état et que je me sois trouvée nue dans son lit m’aura fait passer à ses yeux pour une femme que je ne suis pas et que c’est pour cette raison qu’il ne me sera jamais revenu… Mais je dois être réaliste, le fait qu’il ne me donne plus de nouvelle ne confirme-t-il pas justement sa culpabilité? Voulait-il cacher son incapacité à avoir de puissantes érections en me faisant consommer? Et s’il se targuait de ne jamais pénétrer la femme, était-ce parce qu’il était incapable de le faire? Sommes-nous plusieurs à avoir goûté à sa médecine?

Aujourd’hui j’hésite…

Je sais avoir tout en main pour prouver que j’ai été intoxiquée, que j’ai assez de preuves pour porter plainte… Mais aujourd’hui il y a aussi une petite voix qui me dit que peut-être est-il lui aussi une « victime » collatérale. Peut-être que quelqu’un m’a droguée, que lui pensait que j’étais juste « sur le party » et que j’étais toujours comme ça quand je buvais. Peut-être n’a-t-il jamais eu conscience que j’étais intoxiquée et que je n’étais pas ce genre de femme?

J’ai aujourd’hui 14 jours pour prendre LA bonne décision.

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Image de couverture de Romina Farías
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