Fin décembre 2015. Tu étais dans un café en train de lire l’excellent roman La pornographie de Witold Gombrowicz, quand un ami de longue date a fait son entrée. Un ami que tu avais vu pour la dernière fois en décembre 2009. Croisé par hasard au parc Lafontaine, il t’avait dit : Wow, tu es resplendissante! Un compliment qui t’avait surprise, toi qui venais de mettre un point final à une relation amoureuse qui n’en finissait plus de finir.
Six ans plus tard, voilà que tu le croisais de nouveau. Encore une fois, il t’a dit que tu étais resplendissante. Encore une fois, tu lui as révélé être en deuil amoureux. À la rigolade, il t’a demandé si tu en faisais carrière. Tu lui as répondu : Même pas, c’est bénévole, calvaire.
De retour chez toi ce soir-là, tu as réfléchi sur cette rencontre fortuite ainsi que sur tes années 2009 et 2015. Tu t’es alors mise à faire des liens étranges entre ces deux années… Jusqu’à réaliser qu’elles avaient été toutes deux des années de marde quasi identiques (voir Mois de marde).
Car en automne 2009, embourbée dans un deuil amoureux lamentable, tu t’étais inscrite à Réseau Contact. Question de penser/passer à autre chose et de panser tes blessures. C’est ainsi que tu avais rencontré l’écrivain.
Et en automne 2015, le cœur de nouveau en mille morceaux, tu t’étais inscrite à OkCupid. Question de penser/passer à autre chose et de panser tes blessures. C’est ainsi que tu avais rencontré le dramaturge.
Source: Coachseduction
Étrange, non? Comme le plagiat de ta propre vie. Mais le plus étrange dans tout ça, c’est que l’écrivain et le dramaturge étaient… des amis.
Automne 2009, Réseau Contact, l’écrivain
L’écrivain et toi étiez tous deux professeurs de français pour les immigrants ou, comme vous aimiez le dire, experts à mettre votre langue dans la bouche des autres. Votre correspondance sur Réseau Contact a donc commencé par le partage de quelques erreurs comiques commises par vos étudiants. Des perles, comme on dit dans le milieu. Tes préférées? Un étudiant qui écrit que son logement a été infesté de penisses de lit… Et un autre qui écrit avoir engagé des clones avec des balls pour jouir avec les enfants…! Tout pour exciter un stylo rouge.
L’écrivain et toi, vous vous êtes fréquentés pendant deux petites semaines. Deux semaines durant lesquelles vous avez pris plaisir à explorer vos zones corporelles respectives et vos rêves de grandeur. Comme son ardent désir de devenir un écrivain renommé et d’avoir plus de succès que son ami dramaturge (qui était alors dans tous les médias).
Votre exploration mutuelle s’est terminée abruptement quand, à la suite d’une séance de gymnastique agrémentée d'un cunnilingus, Monsieur l’écrivain t’a avoué ne pas être prêt à s’engager pour de vrai. Te remettant à peine de ton orgasme, disons que t’as pogné l’air bête en maudit. Pas que tu pensais qu’il était l’homme de ta vie, mais… CECI N’EST PAS UN AVEU À FAIRE APRÈS UNE PARTIE DE JAMBES EN L’AIR!!!
Décidément, ce littéraire n’avait jamais appris à tourner sept fois sa langue dans sa bouche. Humiliée et déçue, tu lui as demandé de prendre ses cliques et ses claques, et de débarrasser le plancher. Vous ne vous êtes plus jamais revus.
Automne 2015, OkCupid, le dramaturge
Après une aventure OkCupidesque vraiment bizarre (voir Le grand méchant loup), tu recevais une invitation d’un trentenaire au profil intéressant et dont la binette te disait quelque chose… À force de scruter sa photo, le déclic : celui qui t’invitait à aller prendre un verre était nul autre que l’ami dramaturge de l’écrivain. Fuck. Tu n’en revenais pas. Bien que l’invitation était alléchante, tu hésitais à dire oui… car peut-on accepter un rendez-vous avec l’ami d’un ex avec qui l’histoire s’est particulièrement mal finie?
À cette question s’en ajoutaient d’autres, comme… pourquoi cette coïncidence? Pourquoi ça m’arrive à moi? Est-ce que je connais trop de monde? Est-ce que le monde est trop petit? Et aussi… Devrais-je me débrancher d’OkCupid avant de rencontrer un gars qui s’avérerait être mon demi-frère? Tu as consulté tes amis, ta famille (et tes parents individuellement en ce qui concerne le demi-frère). Verdict? Dis oui à l’invitation du dramaturge, et pour l’écrivain, tiens ta langue! Conseil auquel tu as acquiescé, car qui sait? Peut-être étais-tu à l’aube d’une grande histoire d’amour…
Votre soir de première fut un triomphe! Ton cœur en standing ovation, tu te délectais de tes impressions : cute, smartass, articulé. En prime, il ne t’a pas parlé de son ami l’écrivain qui, à ce moment-là, connaissait un grand succès littéraire. Tu n’as donc pas eu à jouer l’innocente sur ton passé amoureux ni à le dévoiler. Ainsi, heureuse de cette première rencontre, tu désirais une supplémentaire. Souhait vite exaucé, car à peine étaistu rentrée chez toi, que le dramaturge t’écrivait : Demain soir, je t’amène au théâtre?
Mais le lendemain au théâtre, les choses ne se sont pas déroulées comme tu l’aurais espéré. Assise à ses côtés, tu ressentais un léger malaise. Comme une conscience trop aiguë de ton propre corps. Non mais… pourquoi croisais-tu et décroisais-tu les jambes ainsi? Et tes mains, devais-tu les mettre sur tes cuisses ou sur les accoudoirs? Et que dire de tes critiques sur l’intrigue, les acteurs et le décor, que tu as débitées d’une voix qui semblait étrangère à la tienne? Décidément, tu jouais faux. Mettant la faute sur la timidité, tu n’as pas paniqué et tu as décidé de prolonger la soirée en conviant le dramaturge à boire une bouteille de vin chez toi. L’alcool faisant son effet, ton malaise s’est vite dissipé. Tellement que, vers 3h du matin, tu as invité ton invité à visiter tes coulisses…
Mais au lit, costumes enlevés, rien n’a levé. Littéralement. En bon joueur, Monsieur s’est alors aventuré au bas de ton corps, question de s’y délier la langue... Erreur de sa part. Car sous ses caresses, tes pensées se sont vite tournées vers son ami l’écrivain et sa langue bien pendue. Certes, tu as essayé de chasser ces images de ton esprit, mais en vain. Ton passé te hantant, tu te trouvais incapable de jouir du moment présent. Tu as donc gentiment demandé au dramaturge de cesser toute activité… Erreur de ta part. Car offusqué dans sa virilité (deux fois plutôt qu’une), il a pris ses cliques et ses claques, et a quitté la scène sans même te saluer. Le spectacle était terminé.
Non mais! Tu voudrais inventer tout ça que tu n’y arriverais pas. Et le plus comique dans ces histoires copiées-collées dramaticopathétiques, c’est que les deux hommes de lettres maniaient bien les mots, certes, mais pas si bien la langue…
Source: Sadahawz