- Vous êtes une éternelle insatisfaite.
- Pardon?
- Vous avez très bien entendu.
- …
Oui, tu avais très bien entendu. Et ça t’emmerdait. Parce que c’était vrai. Ton silence, ton cœur serré, ta colère montante, ta honte… Tout indiquait qu’elle venait de mettre un doigt sur quelque chose de pas beau. Sur une part de toi dont tu étais peu fière et que tu préférais taire. Parce que s’il y a une chose que tu ne voulais pas devenir avec les années, c’est bien ça : une chialeuse chronique. Une jamais contente qui se vautre dans la victimisation. Une spécialiste du « mais ».
- Le film était bon, mais.
- Ma relation avec lui était bien, mais.
- Ton compliment est gentil, mais.
- J’ai tout pour être heureuse, mais.
Une insatisfaite chronique. Insatisfaite d’être une insatisfaite chronique. C’est ce qu’on appelle être mal prise. Que faire? Tu as décidé de prendre ton courage à deux mains et de piquer une petite jasette avec Miss Insatisfaction. Car de quoi se plaint-elle, au juste?
- Ben, premièrement, il fait pas beau, il pleut, il neige, il fait gris, il y a pas de soleil, c’est l’hiver, c’est long, je suis en manque de vitamine D, je vais faire une dépression, je trouve ça dur de me lever le matin, pis le transport en commun, j'hais ça, on est tous empilés les uns sur les autres dans un métro qui avance pas, c’est plus de la « transpiration en commun » qu’autre chose, faque j’voudrais rester à la maison pis rien faire, mais quand j’fais rien, j’me sens pas ben, sauf que quand je fais trop, j’me sens pas ben non plus, maudit!
- C’est tout?
- Non! J’ai définitivement besoin de vacances, aller au soleil, à la plage, à Cuba, somewhere over the rainbow, mais ça coûte cher, j’ai pas vraiment les sous, faudrait que je m’endette un peu ou que je sois plus riche, que je travaille plus ou que je change de carrière, mais j’sais pas ce que je pourrais faire, j’aurais besoin d’un autre diplôme, mais à mon âge, t’sais, j’vieillis, j’ai des cheveux gris, un 5 livres en trop, moins d’énergie…
- Donc la météo, le métro, le boulot, l’argent, l’âge, le poids… Quoi d’autre?
- Ben l'autre jour, j’ai vécu une journée quand même pas pire et je ressentais quelque chose qui ressemblait à de la joie, mais quand je suis rentrée chez moi, je n’avais personne avec qui partager cette joie, alors elle est morte, ma joie, MORTE! Pis oui j’aurais pu appeler une amie, ma mère, mais j’avais pas envie de faire cet effort, j’avais envie d’avoir un amoureux là là, qui m’attend à la maison là là, qui me tend un verre de vin là là, et qui me demande comment a été ma journée en m'embrassant dans le cou… mais je n’ai pas d’amoureux et ça va être Noël et le Jour de l’An et...
Bon. Il semblait bien qu’on en arriverait là : l’amour… Toujours l’amour! Ou plutôt, ton soi-disant manque de. Tu es vraiment fatigante avec ça! Tu rumines sur l’amour ad nauseam. Et le pire dans tout ça, c’est que si tu avais un amoureux, tu trouverais sûrement le moyen de te plaindre… Encore et encore. Une genre de Sisyphe moderne du chialage, condamnée à rouler sa roche de lamentation pour l’éternité. Amen.
Source: http://nicoandco.blogs.nouvelobs.com/
Et parce que l’éternité, comme le dit Woody Allen, c’est long surtout vers la fin (et tu rajouterais, surtout en râlant!), il te fallait changer. Au plus vite. Arrêter de râler, maintenant. Pas quand tu serais riche. Pas quand tu serais amoureuse. Pas quand tu aurais 5 livres en moins. Pas quand reviendrait le printemps. Non, tout de suite. Alors tu t'es soumise à un traitement choc : durant tout le weekend, tu as remplacé tes pensées négatives par des pensées positives auxquelles tu devais adhérer à 100%. Aucun doute n’était permis. Tu devais croire sans crainte, dur comme fer. Comme Nelson Mandela pour la libération de son peuple. Comme Mère Teresa en son Dieu. Juste pour voir ce que ça allait créer en toi. C’est ainsi que tu t’es levée chaque matin en prononçant : « Cette nouvelle journée me réserve de belles choses. » Que tu t’es regardée dans le miroir en te disant : « Je suis magnifique! » Que tu t'es répétée, convaincue : « J'aime et je suis aimée. » Ainsi de suite. Tu as nourri ton cerveau de ces convictions pendant trois jours. Zéro « mais » gâcheux de party n'était admis. Un pur brainwashing d'optimisme. Résultat? Ça a marché. Ton cerveau a cru à tout ce positif. Ton cœur et ton corps aussi. Tu t'es sentie comme tu le pensais. Tu t'es vue comme tu te croyais. Une preuve accablante de la force du mental à la puissance mille!
Source: http://www.educationviews.org/
Ok, tu entends déjà les réfractaires te dire que c’est bien beau tout ça, mais… Non, il n’y a pas de « mais ». C’est bien beau tout ça, point. Tu veux désormais avoir le courage d’être positive pour contrebalancer tout le négatif ambiant. Car du négatif, il y en a! Toutefois, parce que le positif existe aussi, pourquoi ne pas choisir ce dernier? Ainsi, avoir le courage de laisser tomber tes certitudes défaitistes et cyniques pour embrasser de nouvelles manières d’être et de penser. Te déprogrammer, te reconstruire, te rêver autrement. Et surtout, avoir le courage de t’aimer malgré les échecs, les mauvais conditionnements, les comparaisons dévalorisantes, les déceptions et les blessures. T’accepter telle que tu es en arrêtant de t'éreinter pour devenir cette personne idéale que tu ne pourrais plus critiquer. Ne te critique plus dès maintenant, ok? Tu sauveras temps et argent. Larmes, maladies et phrases amères. Et au risque de sonner kétaine (parce que ça va sonner kétaine), transforme donc la rage contre toi, les autres et la vie en courage d’aimer. Attends avant de sourire en coin et de lever les yeux au ciel. Relis la phrase lentement : transforme la rage contre toi, les autres et la vie en courage d’aimer. Et relis-la encore. Puis essaie de l’appliquer, juste pour voir... Ce ne sera pas toujours facile, c’est certain. Car l’amour demande du courage. Ce n’est pas par hasard que le mot « courage » vient du latin cor. Qui signifie « cœur ».