Tu as dû mettre fin à ta rage de sucre. Parce que ton corps était en surdose de glucose-fructose. Surdose évidente exprimée par ta peau soudainement boutonneuse et tes pantalons au bord de l’explosion. Tout ton corps te criait « au secours! » et toi, tu ne trouvais rien de mieux à faire que de le bourrer de bonbons. Non mais! Pourquoi n’était-il pas heureux de son sort, hein? C’était pourtant écrit « 100% bonheur garanti » sur ta boîte de friandises…
Ton corps ne te ment jamais. Il sait ce qui est bon pour toi. Il t’aime. Veut ton bien. C’est toi qui ne sais pas toujours ce qui est bon pour lui. Ou bien tu le sais, mais t’entêtes à l’ignorer. Car tu détestes ton corps. Oui, tu le détestes. Pas tout le temps, mais souvent. Un aveu fort dérangeant, mais c’est ça pareil. Pourquoi? Ah… longue histoire! Tu n’étais qu’une enfant et déjà, il était l’ennemi à abattre. Un boulet à traîner souffrant du trouble « trop/pas assez ». Trop petit. Pas assez grand. Trop gros. Pas assez mince. Trop rugueux. Pas assez doux. Trop mou. Pas assez ferme. Trop blanc. Pas assez bronzé… Tu ne lui donnais aucune seconde de répit avec tes critiques. Aucun repos. Jamais de bonne tape dans le dos en lui disant : « Hey, je t’aime, toi! Merci d’être là! » Non. Jamais. Inadéquat à tes yeux, tu as donc tenté de le modifier, de le cacher, de vivre comme s’il n’existait pas. Mais dis… s’il n’existait pas, où serais-tu, toi?
C’est principalement en raison du rôle vital qu’il occupe dans ta vie que tu vois ton corps comme un emmerdeur de première classe. Un emmerdeur qui te rappelle sans cesse son existence avec ses besoins. Comme manger, bouger, dormir, aimer et être aimé. Des besoins de base malheureusement difficiles à satisfaire. Car attention! Tu dois manger, mais pas n’importe quoi. Sinon, bonjour l’embonpoint, les boutons, les indigestions, les caries et le cholestérol. Tu dois bouger, oui. Mais pas trop au risque de te fatiguer… et juste assez pour ne pas t’encrasser. Tu dois dormir. Acte simple : position horizontale, yeux fermés. Ça, c’est quand tu ne souffres pas d’insomnie. Et que dire du besoin d’aimer et d’être aimé? Bonne chance pour trouver celui qui pourra le combler. Alors ton corps t’emmerde avec ses besoins. D’ailleurs, tu te sens tellement démunie envers ces derniers que tu te fis sur des spécialistes pour savoir combien de calories tu dois ingérer, combien d’heures tu dois dormir, combien de minutes tu dois bouger… Vraiment? Est-ce supposé être si compliqué?
Et dans tout ça, combien de temps passes-tu à haïr ton corps? Beaucoup trop. Trop de temps à lui trouver des défauts. À le scruter. Imperfection par imperfection. Bouton, égratignure, poil, vergeture, cellulite, bourrelet, rougeur! Rien n’échappe à ton regard inquisiteur. Tu trouves toujours quelque chose qui cloche, qui dérange, qui déçoit. Ton corps, donc, condamné à n’être jamais à la hauteur de ton idéal. Indigne d’une pub de l’Oréal. Alors pour le punir, tu le gaves ou le restreins. Tu le pousses à bout ou le négliges. Tu le fatigues. Le nies. Et tu mises tout dans la tête.
Facile de tout miser dans la tête dans une société où l’éducation est démocratisée. Où on te rappelle sans cesse l’importance de cultiver ton intelligence. Où le plus clair de ta vie se passe derrière un ordi. Alors depuis ta tendre enfance, tu lis, étudies, fais tes devoirs, accumules les connaissances, le savoir. Tu as le cerveau aussi gros qu’un paquebot. Rempli de réseaux neuronaux sophistiqués. Un cerveau capable d’analyser des situations et des textes complexes. De les critiquer, de les remettre en question. D’en trouver les failles. En fait, tu es une experte en « trouvage de failles ». Après tout, c’est ce que tu as appris à l’université : trouver ce qui manque aux connaissances actuelles pour essayer d’en développer de nouvelles. Trouver ce qui manque à ce qui est dans un but d’améliorer ce qui sera. Noble cause, sauf que… Ta relation avec ton corps est le reflet d’une telle expertise. Et toute la société fonctionne ainsi! Car partout, tout le temps, on met le doigt sur le bobo. On pointe du doigt ce qui va mal, ce qui pourrait aller mieux. Cette manière de vivre te donne l’impression que rien ne va, jamais. Jamais totalement. Jamais assez pour que tu te couches le soir en te disant : « Hey, ça va bien. Je me sens bien, complète, apaisée. »
Apaisée. Combien de fois par jour, par semaine, par mois, te sens-tu apaisée? Apaisée pour de vrai, là. Dans ta tête et dans ton corps. Car tu as remarqué que tu te sens souvent anxieuse, stressée. Comme toujours à l’affût d’un potentiel danger, de quelque chose qui t’empêcherait de « réussir » ta journée avec « efficacité », de compléter tes fameuses to-do lists. Vivant sur le mode « appréhension », tu es donc rarement dans le moment présent. Ton corps est quelque part et ton esprit est ailleurs. Tu prends le métro en pensant à ton travail. Tu fais ton jogging en pensant à ta liste d’épicerie. Tu prépares ton souper en pensant au lendemain. Ainsi, tu vas dans ta vie avec un corps et un esprit continuellement déconnectés l’un de l’autre. Déphasés. Comme si la planète entière était un monde d’urgence où tu dois tout planifier, organiser, décortiquer, prévoir, gérer, faire plus, plus vite pour… pour… Pourquoi, déjà?
Source: http://www.roadtrafficsigns.com/
Ralentir. Vivre lentement. Tuer l’urgence avant que l’urgence ne te tue. Pour laisser le temps à ton corps de rattraper ton esprit. Ou plutôt, pour permettre à ton esprit de revenir dans ton corps. Que ce soit dans le métro. Au parc Laurier. Dans ta cuisine. Que ta conscience soit dans chacun de tes gestes. Dans chacune de tes respirations. Oui, ralentis. Respire. Fais une chose à la fois. Ne fais rien plus vite pour pouvoir relaxer ensuite. Non. Relaxe, tout de suite. Ça presse! Transforme tes to-do lists en tout-doux listes. Et dis à la bitch que tu es trop souvent pour toi-même de se taire. Ainsi, ton corps et ton esprit réussiront peut-être enfin à s’entendre.
Source: https://www.everplans.com/